Le Manifesto est-il social ? (2)

par pas perdus
mardi 21 avril 2009

Une sorte d’omerta plombe le débat politique sur les élections européennes. Les médias traditionnels semblent largement s’en désintéresser, et les partis dominants de l’UMPS tardent à entrer en campagne...

Ici, nous espérons contribuer au débat en évoquant le Manifesto du parti socialiste, et plus particulièrement son 2ème chapitre consacré au social : « faire progresser la justice dans la nouvelle Europe sociale ».

Dans une longue introduction, on lit ceci :
"L’économie européenne a également apporté d’évidents avantages aux consommateurs. Après nos succès sur la sécurité alimentaire, la sécurité des jouets, la réduction des prix de transport et de téléphonie mobile, nous continuerons nos actions pour les droits des consommateurs européens."
L’Union a sans doute procuré quelques avantages à certains de ses membres. Mais peut-on pour autant être aussi affirmatif ?
 
S’agissant de la sécurité alimentaire, la perplexité domine.
 
L’Union européenne semble bien plus préoccupée à éliminer les particularités des produits locaux agricoles, en normalisant des productions traditionnelles, qu’à imposer des contrôles stricts sur certaines productions (cf. l’absence de réglementation pour instituer de véritables contrôles vétérinaires... qui a permis l’épisode de la vache folle).
 
En matière d’OGM , d’agriculture et de produits "bio", l’Union fait preuve d’un laxisme évident à l’égard des industries pétro-chimiques et alimentaires. Pas certain que l’Europe assure vraiment notre sécurité...
 
Dans les domaines des transports et de la téléphonie mobile, les avantages sont très relatifs quant aux prix et à l’impact écologique...
 
1. Faire avancer la justice sociale :
 
Cette 1ère partie est un inventaire à la Prévert, la poésie en moins. L’ensemble fait "social" : c’est sans doute l’effet recherché.
 
Le Manifesto évoque pèle-mêle certaines catégories "fragiles" de la population (retraités, chômeurs, handicapés), un pacte européen de progrès social, la nécessité de mesurer l’impact écologique avant de légiférer ou de réglementer, la clause de progrès social, la fin du dumping social, la fuite des cerveaux, les négociations collectives au niveau européen, l’entreprise citoyenne (ça y ressemble), les comités d’entreprise, les droits des enfants, le droit à l’éducation, les droits des consommateurs...
 
Le PSE propose des négociations collectives au niveau européen, l’adoption d’un pacte... Pourquoi pas ?
 
Mais, ne serait-il pas plus réaliste d’instaurer une règle simple à appliquer et claire à comprendre ?
 
La règle du mieux-disant social qui permettrait (enfin !) un nivellement de la réglementation par le haut, bien plus efficace que le pacte européen de progrès social ou la clause de progrès social qui renvoient aux calendes grecques...
 
Dommage que le flou persiste sur le revenu minimum (pour ce dernier, il y aurait un problème de traduction du Manifesto...)...
 
Par ailleurs, le PSE évoque le service public universel :
"Nous proposons d’établir un cadre européen pour les services publics, qui garantira aux citoyens le droit d’accès universel et égal à ces services, la qualité, l’autonomie locale et la transparence des services publics."
Dans ce paragraphe, le PSE semble sous-entendre (on se trompe ?) qu’il y a quelques difficultés à assurer aux citoyens un service public de qualité dans un cadre concurrentiel... Dommage que le Manifesto reste flou sur ledit "cadre européen".
 
Dommage, car le service public universel s’est notamment traduit par les lois Quilès et Rocard sur les PTT.
 
Depuis, La Poste est sur la voie de la privatisation... Les branches courriers-colis-banques sont bien distinctes et chacune d’elle est fragmentée en diverses filiales. Les usagers sont devenus des clients, les postiers de plus en plus précarisés...
 
Cette politique d’adaptation à la concurrence a été néfaste au plan écologique. Le gouvernement Jospin a supprimé l’ensemble des ambulants (trains postaux sauf le PLM Paris Lyon Marseille) pour privilégier l’acheminement du courrier par les transports routiers...
 
De l’histoire ancienne le service public universel ?
 
En Angleterre, le gouvernement socialiste de Gordon Brown a entrepris de privatiser la Royal Mail... malgré des résistances importantes à gauche.
 
Le service public universel a systématiquement produit les maux suivants :
  • privatisations,
  • mise en concurrence,
  • baisse de la qualité des services ;
  • augmentation des tarifs pour les particuliers,
  • précarisation de l’emploi,
  • licenciements.
Il fut un temps où le PSE était majoritaire dans l’Union. Il a opté pour la version néo-libérale du service public au lieu de fédérer par la coopération l’ensemble des services publics des pays membres.
 
Dès lors, on comprend mieux le couplet introductif (cité plus haut) sur les transports et la téléphonie qui s’apparente à une ode à la mondialisation heureuse...
 
2. Protéger les droits des citoyens :
 
Cette seconde partie, assez brève (4 petits paragraphes), traite divers thèmes qui ont trait à la démocratie (les lobbies), à l’égalité des droits, à la décentralisation (rôle accru des régions et collectivités locales), ou au respect de la diversité culturelle...
 
Un ensemble assez vaste, vague et théorique qui confine à la fois dans le sociétal et l’institutionnel... De bonnes intentions qui ne mangent pas de pain.
 
Finalement, ce second chapitre, "Faire progresser la justice dans la nouvelle Europe sociale" est décevant tant au niveau du constat de la situation présente qu’au niveau des propositions.
 
Dans ce chapitre où il est question de justice et de social, l’absence de mots et expressions tels que "injustices sociales" ou "classes sociales" est très révélatrice d’un PSE embourbé dans ses propres contradictions.
 
Contradictions entre son passé de parti ouvrier qui l’oblige à afficher un côté "social" et son présent de formation politique convertie à l’économie de marché et au mythe du libre-échange heureux...

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