Le moment fédéraliste est définitivement passé

par Laurent Herblay
jeudi 9 août 2012

Cela pourra paraître surprenant alors qu’un contingent de nouveaux traités faisant reculer la souveraineté nationale sont en cours de ratification et que les fédéralistes essaient d’utiliser la crise pour faire avancer leur agenda, mais je crois qu’un grand saut fédéraliste n’a plus aucune chance aujourd’hui.
 
L’occasion perdue de 2010
 
Avant d’aller plus loin, il me faut préciser que, évidemment, je suis totalement opposé à une telle évolution contraire à notre histoire, notre culture ou même la réalité. Ce que je veux dire ici n’est pas qu’aucun recul des souverainetés nationales ne se fera dans les prochaines années (le TSCG, le MES, le six pack, le two pack sont autant d’exemples de traités aux accents fédéralistes). En revanche, je suis persuadé qu’il n’y a aucune chance qu’une fédération européenne ne se constitue.
 
Il y a peut-être eu un moment où les fédéralistes avaient l’opportunité de faire passer leur idée, courant 2010, au début de la crise de la zone euro, quand les peuples vivaient encore dans le mythe absurde que l’euro nous aurait protégé dans la crise de 2008. Là, les dirigeants européens auraient pu faire passer cette évolution à des opinions publiques certes pas toujours très positives à l’égard du projet européen, mais déboussolés par la crise et la mondialisation.
 
La confiance est cassée, pour longtemps
 
Pour partager une monnaie, et plus encore passer le cap fédéral, il faut une confiance très forte entre les différents pays. Pour la première, les pays admis avaient suivi à la lettre les recommendations d’alors, sur les déficits et la libéralisation des marchés. La confiance était au plus haut. Aujourd’hui, la confiance entre les pays européens n’a sans doute jamais été aussi basse depuis au moins quarante ans, un climat guère favorable à un grand saut fédéral.
 
Les pays créditeurs n’ont plus confiance dans les pays débiteurs. Et cela est logique. L’Espagne annonçait 6% de déficit en 2011, elle a fait presque 50% de plus. La Grèce ne parvient toujours pas à tenir les objectifs affichés en début d’année (ils étaient irréalistes, comme je l’avais souligné). Après avoir accepté un défaut partiel sur la dette privée, on se dirige rapidement vers une nouvelle restructuration en Grèce. Les pays européens devraient abandonner une partie de leurs créances.
 
Vers un recul de la supranationalité
 
Comment espérer que l’Allemagne accepte de partager davantage maintenant que le doute s’instille sur le remboursement des « aides » européennes ? Déjà qu’elle était peu enclin à prêter 200 milliards aux autres pays européens, jamais l’Allemagne ne voudra partager les dettes et se porter caution des autres ou donner 4 à 7% de son PIB en solidarité avec des pays qui pourraient ne pas la rembourser. Les Allemands auraient l’impression de payer les retraites ensoleillées du « Club Med » !
 
Le saut fédéral demande beaucoup plus de confiance entre les pays européens qu’il n’en fallait pour faire l’euro. Or, aujourd’hui, nous en avons beaucoup moins et la gestion calamiteuse de la crise de la zone euro va peser longtemps dans l’esprit des opinions publiques et des dirigeants politiques. Cette Europe semble être devenue un puit sans fond, un machin ingérable. Qui plus est, en son nom, des peuples sont torturés pour essayer de maintenir un édifice bien inhumain.
 
C’est pour une simple raison de confiance que le projet fédéraliste est mort aujourd’hui. Bien sûr, il y aura sans doute des soubresauts, de nouveaux traités supranationaux, générés par la crise. Mais le grand dessein fédéraliste est blessé à mort. Il ne se relèvera pas de cette crise.

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