Le problème « Roms », première minorité d’Europe
par Euros du Village
lundi 12 décembre 2005
Les
Roms, aussi appelés « les Romanichels », « les Tsiganes », « les Manouches », « les gens du voyage », forment la première minorité
ethnique d’Europe, avec 10 millions d’âmes, de l’Atlantique à L’Oural.
6,5 millions d’entre eux vivent dans les pays d’Europe centrale et
orientale. Ils représentent plus de 5% de la population dans certains
pays, avec un record de 10% en Slovaquie et en Roumanie. Avec l’adhésion
des PECO, et l’adhésion programmée de la Roumanie et de la Bulgarie, la
question de l’intégration ou de l’exclusion des Roms, déjà objet de
l’attention du Conseil de l’Europe, devient à présent une question
d’actualité pour l’Union européenne, confrontée à sa volonté et à son
objectif de société démocratique.
Les Roms constituent la plus ancienne minorité ethnique d’Europe. D’origine indienne, ils seraient arrivés en Europe centrale dès le XIIe siècle. Malgré cette histoire centenaire, les Roms restent encore largement méconnus et victimes de l’hostilité des populations locales, des non Roms qu’ils nomment eux-mêmes les « Gadjé ».
Les
Roms se sont dès leurs débuts présentés comme travailleurs ponctuels,
artisans, commerçants, artistes, indépendants et polyvalents. Cette
manière de faire présentait et présente toujours ses atouts économiques,
répondant aux besoins d’une population sédentaire dispersée.
Pays |
Arrivée |
Population actuelle estimée |
Nom commun |
Etymologie |
Désignation ethnique |
Afghanistan |
|
20,000 |
Gurbet |
Arabe « garib=étranger » |
Ghorbati, Jalili, Pikraj, Shadibaz |
Albanie |
|
|
Medjup |
= Egypte |
|
Armenie |
|
|
Lom |
= Rom |
|
Autriche | XIVe |
40,000 |
|
|
Sinti, Rom (Kalderash, Lovar) |
Angleterre |
XVe |
50,000 |
Gypsies |
= Egypte |
|
France |
XVe |
300,000 |
Tsiganes |
Grec « Atsinkanos » |
Rom, Sinti, Kalo |
Allemagne |
XVe |
80,000 |
Zigeuner |
Grec « Atsinkanos » |
Sinti, Rom |
Grèce |
XIe |
300,000 |
Ejifos |
= Egypte |
Rom, Handuria |
Hungary |
XVe |
600,000 |
Ciganyok |
Grec « Atsinkanos » |
Rom, Vlahura |
Italie |
XVe |
85,000 |
Zingari |
Grec « Atsinkanos » |
Sinti, Rom |
Iran / Perse |
450 |
100,000 |
Karachi |
= « noir » |
Kouli, Ghorbati, Fiuj |
Irlande |
XVe |
20,000 |
|
|
|
Pays-Bas |
XVe |
35,000 |
|
|
Sinti, Rom (Lovar, Kalderash) |
Roumanie |
XIVe |
1,000,000 |
Ţigani |
Grec « Atsinkanos » |
Rom (Aurari, Kalderash, Lautan) |
Russie |
XVe |
250,000 |
|
|
Luli, Bosha, Marangar, Lovar |
Serbie |
XIIIe |
800,000 |
Gitanos |
= Egypte |
Rom (Gurbeti, Arlije, Kalderash) |
Espagne |
XVe |
800,000 |
Gitanos |
= Egypte |
Kale |
Turquie |
|
500,000 |
Chinguene |
|
Arlije |
Tableau : Population Tsigane en Europe et au Moyen-Orient (Source : d’après Eliznik) |
Longtemps
les Roms ont pu rester des gens du voyage, mais, dès le XXe siècle, le
choc culturel s’est peu à peu affirmé, un climat d’exclusion s’est
gravement dessiné jusqu’à atteindre son paroxysme par l’extermination
nazie des Roms, au cours de la seconde guerre mondiale, qui emporta 600
000 d’entre eux. L’histoire s’est ensuite calmée sous la mainmise
soviétique sur l’Europe centrale et orientale, dont la politique
d’industrialisation communiste, avide de main d’œuvre peu qualifiée,
absorba et sédentarisa une grande partie des Roms de ses régions. Au
début des années 1990 l’histoire reprit son cours, sous les feux des
discours xénophobes et du réveil de l’affirmation identitaire des Roms.
L’exclusion,
alimentée de part et d’autre, par les Roms eux-mêmes et par les
populations locales, est bien le nœud du problème. Les Roms constituent
une minorité sociale, linguistique et parfois confessionnelle, qui
entretient son statut d’exclue par des traits collectifs qui les
incitent à se méfier du monde extérieur et à défendre leur identité
collective, en repli sur eux-mêmes, jusqu’à ne permettre le mariage
qu’entre Roms et rejeter les systèmes d’éducation des gadjé. La situation économique des Roms est déplorable. « Entre
60% et 80% des Roms de Hongrie en âge de travailler seraient sans
emploi. Plus de 60% des Roms de Roumanie vivraient sous le seuil local
de pauvreté ; 80% d’entre eux n’auraient aucune qualification. Dans
certaines communautés du Sud et de l’Est de la Slovaquie, c’est la
totalité des Roms adultes qui seraient privés de ressources. En
Grande-Bretagne, 10 à 20% des travellers locaux vivraient dans le
dénuement le plus complet, tandis que 70% à 80% des Roms établis dans
certaines villes de France seraient bénéficiaires du revenu minimum
d’insertion » (A. REYNIERS, Les Roms d’Europe entre exclusion et intégration, Liberté, mai 2005).
Il faut encore citer les problèmes sanitaires et d’hygiène qui marquent
encore plus la fracture avec la société qui, indifférente, semble
évoluer à côté de ces populations reléguées au bas de l’échelle
sociale, en marge du progrès.
Quelle piste de solution ? La question est délicate, étant donné encore
l’hétérogénéité de la population des Roms, parmi lesquels certains se sont
sédentarisés, alors que d’autres restaient itinérants. Comment aborder le problème :
chercher la reconnaissance d’une minorité nationale ou d’une nation
sans territoire ? Faut-il creuser la voie d’une autonomie politique
croissante, ou celle de la coopération avec les non roms ? Leur faut-il
épouser le progrès, et se mettre au niveau de la société moderne, ou
rester sur le tracé de la tradition qui les a guidés jusqu’ici ?
Combiner modernité et tradition, intégration et autonomie, cadre
national et international, tel est le vaste programme, complexe, auquel
les politiciens devraient s’atteler par de subtils équilibres, avec
peut-être pour seul début de fil conducteur l’emblématique identité rom. En effet, l’identité collective des Roms est restée forte, et peut
être utilisée comme levier de cohésion dynamique et positive en vue
d’une plus ample adaptation contemporaine, sans encore parler
véritablement d’intégration... Mais face à un monde qui les laisse pour
compte, leur recherche identitaire flirte aussi souvent avec certaines
affirmations spirituelles, religieuses, évangélistes et charismatiques,
vers lesquelles les Roms semblent s’être davantage tournés ces
dernières années, ce qui ajouterait encore une nuance, et des
complications, à la problématique.
Concrètement, les initiatives européennes.
Concernant la question des Roms, l’Union européenne reste fidèle à ses idéaux de protection des minorités, de lutte contre le racisme et l’intolérance, de combat contre l’exclusion sociale. Elle travaille en collaboration avec le Conseil de l’Europe qui a installé un comité de spécialistes sur les Roms et les Gens du voyage, qui s’appuie sur les principes inscrits dans la convention sur la protection des minorités.
La
D.G. emploi met actuellement en œuvre un projet de lutte contre les
discriminations par le biais de trois programmes transnationaux, gérés
par l’association Gitanos, l’Institut de Berlin et le Syndicat pour
l’éducation. Un programme de formation pour les Roms existe depuis mai
2005. Un rapport de 2004 sur les Roms dans l’Union européenne élargie
formule des recommandations en matière de logement, d’éducation,
d’emploi et de santé. En affaires sociales, la D.G. coopère avec le
Bureau européen d’information sur les Roms (ERIO) au sujet des
violations des droits de l’homme concernant les Roms.
Concernant le futur élargissement à la Bulgarie et la Roumanie, le suivi prévu lors des négociations d’adhésion s’applique aussi à la situation des Roms et continuera jusqu’à l’adhésion. Deux millions deux cent mille euros sont actuellement alloués à la Bulgarie dans le cadre du programme PHARE pour des projets en faveur des minorités défavorisées. Neuf millions d’euros sont consacrés à des projets dans le domaine de la santé, de l’éducation et des services publics, mettant spécifiquement l’accent sur les Roms. Trente millions d’euros sont disponibles pour des projets ciblant les minorités ethniques. Parmi les activités prévues, figurent un programme de sensibilisation de l’opinion publique sur les Roms, ainsi qu’un projet en faveur d’une éducation de qualité, mettant particulièrement l’accent sur cette communauté.
La
D.G. relations extérieures déplace à présent sa priorité accordée aux
Roms vers l’Ukraine et la Moldavie. Cependant, la D.G s’occupe des
violations des droits de l’homme en général, si bien que les ressources
disponibles pour les questions relatives aux Roms sont limitées.
Outre
les initiatives de l’Union et du Conseil de l’Europe, un important
programme « Décennie pour l’intégration des Roms » est à signaler. Il
s’agit d’une initiative régionale visant à combler l’écart entre les
Roms et les non Roms, initiative soutenue par la Banque mondiale,
l’OSCE, l’Union européenne et l’Open society Institute. Elle concerne
quatre domaines : l’éducation, l’emploi, le logement et la santé, et
s’appuie sur des plans d’action que les gouvernements seront chargés de
mettre en œuvre au cours des dix prochaines années. Il est proposé
d’établir le secrétariat à Budapest, ou à Bucarest, et de
l’internationaliser.
Les
initiatives ne manquent donc pas, mais reste encore la question du
contrôle de la mise en place et du bon déroulement des programmes qui,
dans le cadre de la problématique des Roms, revêt une dimension
particulière, en raison de la non-coopération des populations tsiganes
et de leur manque de formation empêchant souvent la gestion de l’aide
qui leur est procurée. Peut-être sommes-nous actuellement encore au
stade de recueil de données et prise de conscience du rejet séculaire
dont les Roms ont fait l’objet ? Encore une fois, l’Union
européenne apparaît le vecteur de la prise en compte du problème des
Roms, aux confins de problèmes politiques, économiques, sociaux,
ethniques et historiques.
Vignette
d’illustration : le drapeau de la division « Roms et gens du voyage » du
Conseil de l’Europe, inspiré du symbole de la communauté Rom (roue de
charette)
Crédits cartographiques et photographiques :
O Vurdon : http://www.vurdon.it
Eliznik : http://www.eliznik.org.uk
Encyclopédie multimédia de la Shoah : http://memorial-wlc.recette.lbn.fr/article.php?lang=fr&am...
Nigel Dickinson : http://nigeldickinson.com/gallery/Gypsies
Laroumanie.free.fr : http://laroumanie.free.fr/tourisme/010a/15.html
Antoine Durand : http://www.antoinedurand.canalblog.com/
Ville de Pamiers : http://ville-pamiers.fr/
Par Bénédicte DE BEYS