Le Royaume-Uni restera dans l’Union européenne

par Le taulier
lundi 4 février 2013

Les Anglais ont la réputation de ne jamais rien faire comme les autres et la décision que vient de prendre leur Premier ministre David Cameron d’organiser un référendum sur le maintien de Royaume-Uni dans l’Union européenne à l’horizon 2015-2017 confirme ce préjugé.

David Cameron n’est pas le premier ni le dernier dirigeant politique à taper sur l’Europe quand les choses vont mal dans son pays. On peut même dire que nationaliser les succès et rendre responsable Bruxelles des problèmes et des échecs rencontrés est un réflexe Pavlovien chez tous les dirigeants européens (Chirac et Berlusconi sont à mes yeux les deux champions en titre) mais aucun n’était allé aussi loin. C’est sur la forme que la décision du Premier ministre britannique est si importante, pas sur le fonds, car on connait déjà le résultat de cette initiative ; Le Royaume-Uni restera dans l’U.E.

Londres ne quittera pas l’Union pour deux raisons. D’abord les Britannique, bien qu’étant plus eurosceptiques ou europhobes que leurs voisins, sont avant tout des pragmatiques qui resteront dans l’Union tant qu’elle leur rapportera plus qu’elle ne leur coûte, ce qui est le cas comme je le pense. Ensuite le Royaume-Uni est peut-être l’Etat membre qui bénéficie le plus d’exemptions, donc même en étant In il est un peu Out. Essayons d’analyser tous les scénarios possibles dans l’ordre de leur probabilité de réalisation :

Deux scénarios et demi possibles

1- les Tories de David Cameron perdent les prochaines élections législatives de 2015 au profit des travaillistes plus europhiles (à ce jour 60% de chance que cela se produise selon les bookmakers). Même si les leaders de ce parti ne se sont pas prononcés clairement sur ce sujet à l’image du Secrétaire d’Etat des Affaires étrangères du Shadow Cabinet qui s’est fendu dans la presse d’un timide You can never say never, on connait leur opposition de principe à cette idée et puis surtout pourquoi iraient-ils tenir la promesse d’un adversaire politique.

2- Le parti conservateur gagne et dans la foulé va renégocier les termes de son adhésion auprès de ses 27 partenaires européens qui ont chacun un droit de véto puisque toute modification des traités ne peut se faire qu’à l’unanimité. Mission impossible en apparence, sauf que tout le monde a un intérêt à ce que le Royaume-Uni reste dans la famille. Malgré le rabais britannique, Londres reste un contributeur net au budget communautaire et c’est peut-être pas le moment de les perdre alors que la liste des candidats appelés a rejoindre l’Europe ne compte que des pays beaucoup moins riche que la moyenne actuelle (Croatie, Macédoine, Monténégro, Serbie etc.). Le départ de Londres se traduirait par plus de contributions financières pour les pays riches ou moins d’aides pour les pays pauvres voir les deux en même temps.


Le départ du Royaume-Uni aurait aussi une incidence importante au niveau géo-stratégique et politique. Les pays du Nord perdraient le porte-étendard du libéralisme économique, ceux de l’Est, très proches des USA, verraient le meilleur allié de Washington partir et enfin ceux du sud très attachés aux fonds structurels et aux aides en tout genre y perdraient quelques centaines de millions d’Euros alors qu’ils sont étranglés par la crise de la dette souveraine. Même la France subirait un déplacement du centre de gravité de l’Union vers l’Est et deviendrait un pays périphérique d’un point de vu géographique.
Que dira le Premier ministre britannique à ses partenaires ? Cela devrait ressembler à cela ; « Chers amis, faite-moi des concessions pour que j’ai du grain à moudre et que je puisse retourner dans mon pays triomphalement et persuader mes électeurs de voter le maintient dans l’Union ». Le seul problème est que ce n’est pas gagné d’avance car il n’y a pas grand chose à négocier puisque les Britanniques bénéficient déjà d’un rabais à leur contribution financière, qu’ils ne font pas parti de la zone Euro et n’ont aucune obligation de la rejoindre contrairement à tous les nouveaux entrants des pays d’Europe de l’Est, qu’ils ne sont pas signataires de l’Espace Schengen etc.

3- David Cameron gagne les législatives et « s’assoit » sur sa promesse en prétextant que les négociations avec les partenaires européens prennent plus de temps que prévu ou que les concessions, qu’il a obtenu de « haute lutte », sont si avantageuses qu’il n’y a pas lieu d’organiser un référendum. Hypothèse très françaises, un Premier ministre n’est pas un Président et sa majorité le foutrait à la porte comme on congédie un valet de pied d’un Lord qui a tapé dans le portefeuille de son maître.

Un référendum avec tous les défaut du monde

On l’aura compris, la décision d’organiser ce référendum est le résultat de problèmes politiques internes ; David Cameron est, en plus d’être confronté à un fort euroscepticisme dans son camp, inquiété sur sa droite par le UKIP qui le menace de présenter un candidat partout où il le pourra et ainsi faire battre un grand nombre de députés tories (Le scrutin britannique est uninominal à un tour : celui qui obtient le plus de voix emporte directement le siège, même s’il n’a pas plus de 50% des suffrages).

Première bizarrerie de ce projet est le discours prononcé par David Cameron lors de son annonce. Comment peut-on dire qu’on va demander à ses concitoyens si ils veulent quitter l’Union et donc changer le statu quo et en même temps faire l’apologie de la construction européenne ? Voici la vidéo de son discours du 23 janvier en v.o. mais assez compréhensible car il parle mieux l’anglais que Nicols Sarkozy le francais.

 

 

Le timing de cette consultation est étonnant à plus d’un titre. D’abord pourquoi faire une promesse politique alors qu’on n’est ni en période de campagne électorale ni dans l’opposition. D. Cameron pourrait engager tout de suite les négociations et organiser son référendum dans un ou deux ans, juste avant les législatives et permettre ainsi à ses concitoyens de voter avec des résultats concrets en tête. Ensuite pourquoi demander aux Britanniques de vouloir quitter l’Union alors que le rejet de Bruxelles n’a jamais été aussi faible chez eux(un sondage réalisé le 21 janvier montre que 40% d’entre eux eux souhaiteraient rester et 34% partir).
Il y a enfin une inversion chronologique avec le référendum promis aux Ecossais à propos de l’indépendance de leur région. L’un des arguments phares des anti-indépendance, dont David Cameron fait partie, est qu’en cas de sécession, l’Ecosse se retrouverait de facto hors Union européenne et que Londres pourrait mettre son véto à une éventuelle demande d’adhésion. Mais comment pourrait-elle s’y opposer si elle-même n’est plus membre de l’UE ?

Un aller simple

L’Union européenne n’est pas L’Union soviétique contrairement à ce que certains europhobes prétendent de manière excessive. La preuve ; un pays peut librement envisager son retrait de cette association sans craindre de voir les rues de sa capitale occupée par des chars, comme se fût le cas à Budapest ou à Prague. Mais la liberté de partir ne doit pas être utilisée comme un moyen de négociation comme un autre. Londres ne doit pas oublier que si elle a, comme tous les autre pays de l’Union, le droit de quitter l’Union européenne, chacun de ses (anciens) partenaires européennes a lui aussi le droit de refuser leur retour si dans quelques années l’opinion publique changeait d’avis ou si l’expérience se révélait être un fiasco en terme économique. Comme l’a souligné à juste titre, le Premier ministre britannique, le départ du Royaume-uni serait un billet sans retour .


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