Les Irlandais ont-ils intérêt à voter la version 2 du traité de Lisbonne ?

par elisabeth
lundi 31 août 2009

Le 2 octobre 2009, se tiendra, en Irlande, un second référendum sur le traité de Lisbonne, censé apporter des réponses aux "craintes réelles" (selon les opposants au traité) et "peurs sans fondement" (selon les partisans du traité) exprimés par la Nation irlandaise le 12 juin 2008.

A un mois du jour J, la campagne est déjà lancée et dans chaque camp on se fait fort, soit de rééditer l’exploit, soit d’y mettre un terme, pour consacrer sa propre victoire. Les Irlandais se laisseront-ils convaincre cette fois-ci, ou resteront-ils fermes sur leur position ?

Difficile de le dire aujourd’hui. Certes les sondages sont en faveur du traité, le "camp du non" est dépossédé de son leader charismatique – qui a préféré partir sous d’autres cieux – et il y a ces fameuses "garanties" que le Premier Ministre irlandais explique avoir obtenues de hautes luttes avec ses partenaires. Faut-il néanmoins sabrer le champagne dans le "camp du oui" ? Pas nécessairement. Les opinions sont fluctuantes, et le "parti du oui" vient de rajouter à sa campagne des soutiens un peu gênant : pas sûr que les Irlandais considèrent que l’intelligensia économique et financière irlandaise se prononcent pour le pays, et pas seulement pour leur intérêt direct. Et puis, bien sûr, il y a la crise. Une crise qui peut tout aussi bien faire basculer le résultat d’un côté comme d’un autre : car si la crise met en avant le rôle jugé protecteur de l’euro – les partisans du "oui" se faisant fort de rappeler que la différence entre l’Islande et l’Irlande ne se limite pas à une simple lettre, mais à l’appartenance à la zone euro – elle souligne aussi la totale absence des "Institutions européennes" à commencer par celle d’une Commission Européenne qui a rechigné jusqu’au bout à s’en préoccuper.

Au-delà de toutes ces considérations reste le traité lui même. Si des éléments extérieurs et intérieurs – les électeurs seront susceptibles de faire savoir à Brian COWEN ce qu’ils pensent de sa politique par exemple, certains resteront peut être chez eux par crainte de la grippe A, etc. – pèseront nécessairement sur le scrutin, c’est encore sur ce dernier que les Irlandais auront à se prononcer. Et à dire si cette fois-ci, la version 2 leur convient...Ou non. S’il répond aux "préoccupations" qui ont été, selon le Gouvernement irlandais, les leurs, à l’occasion du premier référendum sur le traité. Et s’il est dans l’intérêt de leur pays – l’Irlande – de la voir adopter ou non.

Pour les aider à se déterminer en connaissance de cause, voyons ce qu’il en est. Après...Ils leur reviendra, bien entendu, de trancher souverainement, en citoyens libres et responsables de leur choix.

L’Irlande gardera-t-elle son Commissaire, après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne ?

En 2008, la perte du Commissaire avait joué un grand rôle dans le résultat référendaire. Les Irlandais y voyaient une perte de souveraineté, et de contrôle des décisions communautaires, mais aussi un recul de leur représentation en Europe, remettant en cause l’image de leur pays au sein de l’Union Européenne.

Conscient du problème, Brian COWEN est donc allé négocier à Bruxelles le retour du Commissaire irlandais, symbole de la représentation permanente de l’Irlande au sein des "Institutions européennes. Après plusieurs mois de tergiversations, les Etats membres se sont mis, finalement d’accord, pour dire que le Conseil Européen, grâce au pouvoir de constituant qui lui est remis par le traité de Lisbonne, pourrait modifier le traité par une simple "décision" visant à rendre "permanent le postulant "un Etat = un Commissaire". Ce qui a permis à Brian COWEN de revenir au pays avec le sentiment du devoir accompli.

Est il dès lors dans l’intérêt de l’Irlande d’agréer au traité ? Et bien pas nécessairement. Car une décision récente a quelque peu, sinon beaucoup, changé les choses depuis.

Appelée à se prononcer sur le traité de Lisbonne et la loi d’accompagnement pour le Parlement allemand, la Cour Constitutionnelle allemande a dénié au Conseil Européen le droit d’usurper au pouvoir constituant national ses fonctions souveraines. Aux yeux des juges de Karlsruhe, le Conseil Européen ne pourra pas modifier le traité de Lisbonne. Et comme c’est "l’interprétation" de la Cour Constitutionnelle allemande qui prévaudra en Allemagne, Mme Merkel ou n’importe quel autre "chancelier" allemand, ne pourra pas entériner la modification du traité. Or, il faut l’unanimité pour que le Conseil Européen prenne une telle décision, selon le traité de Lisbonne...

Autant dire que si le Conseil Européen entend respecter son engagement – sur le commissaire irlandais – à l’égard de l’Irlande, il faudra une nouvelle ratification pour ce faire, et ce dans chacun des 27 pays membres que compte l’Union Européenne.

Or si en théorie, une telle ratification d’une disposition qui au final arrange bien des Etats, devrait se passer sans encombre, le fait qu’il soit nécessaire de réviser le traité lui même et non de rajouter par la suite, dans un autre traité, un protocole par exemple, inquiète plusieurs pays européens. C’est d’ailleurs pour cette raison que les 27 ont fait le choix d’inclure le protocole irlandais dans un traité d’adhésion au lieu de procéder à une nouvelle révision du traité de Lisbonne.

Un Irlandais a-t-il donc intérêt, dans ces conditions, à voter en faveur du traité de Lisbonne ? Et bien non. Comparativement, le traité de Nice est plus intéressant. Chaque Etat possédant une "voix" pour désigner le Président de la Commission, Brian COWEN sera en position de "négocier" son ralliement à la candidature de M. BARROSO (candidat unique pour la présidence de la Commission, mais qui a besoin d’être soutenu par les Etats) S’ajoute à cela que le Conseil Européen commettrait une bien belle erreur en "punissant" l’Irlande. Car le traité de Nice ne pouvant "tenir" il faudra donc un nouveau traité...Qui requiérera, nécessairement, un référendum en Irlande...Mieux. Le choix du pays à "sacrifier" doit obtenir l’unanimité. Il va de soi que Brian COWEN ne peut, dans la situation qui est la sienne, se permettre de perdre "le" commissaire européen de l’Irlande.

Au final, il apparait que la permanence du commissaire européen de l’Irlande passe par une révision du traité de Lisbonne, laquelle ne pourra être "simplifiée" en raison de la décision des juges de Karlsruhe, qui ont mis leur veto au transfert, vers l’Union Européenne, et plus encore, vers le Conseil Européen, des fonctions souveraines du Parlement national. En l’absence de cette révision du traité lui même, l’engagement du Conseil Européen ne saurait être tenu.


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