Londres, le nouvel eldorado ?

par LeWebMulticulturel.fr
mercredi 8 août 2007

Carnet de voyages et réflexions sur l’immigration de jeunes Français appartenant aux minorités visibles vers Londres. Rélexion sur le modèle anglais.

Entre 200 000 et 300 000 Français vivent en Angleterre, selon les dernières estimations ; parmi eux, de plus en plus de jeunes issus de l’immigration - diplômés ou non - tentent leur chance de l’autre côté de la Manche, excédés par l’immobilisme de leur pays. Au premier regard, on comprend aisément pourquoi : une économie dynamique, des boulots et des jobs pour tous, l’opportunité de réussir. Le rêve anglais est en marche.
De passage à Londres pendant quelques jours, FWIyapin a pu se rendre compte ce qui pouvait faire l’attrait de l’Angleterre, mais aussi ce qui pouvait faire que l’aventure vire au violacé...
Cahiers de voyage et impressions.

Londres, la ville du travail
C’est un fait, les indicateurs économique de l’Angleterre sont au vert, et c’est la principale fierté de Tony Blair, qui a su synthétiser le libéralisme et les valeurs du parti travailliste. Les chiffres parlent pour lui, pusique que le taux de chômage est d’environ 4 %, les golden boys y font fortune (on raconte que les quelque 300 000 golden boys auraient empoché 13,2 milliards d’euros de primes l’année dernière), le secteur de la banque s’est considérablement développé. Bref, il n’y a jamais eu autant d’argent disponible et de richesse brassée (sauf peut-être lorque Londres était la première puissance mondiale et maritime au XVIIIe siècle).
De quoi faire rêver et attirer du beau monde. J’ai rencontré pas mal de Français et d’étrangers ; à la question : pourquoi ? la réponse, implacable : le travail ! J’ai croisé des Africains, des Antillais, des Maghrébins, et leur témoignage est souvent le même. Des diplômes décrochés en France, puis la galère pour trouver un emploi, et le même refrain qui revient tel un ressac : pas assez d’expérience, trop jeune, dans le meilleur des cas. Ou pas de réponses pour la majorité.


Du coup, plusieurs ont franchi le pas et tenté leur chance, avec plus ou moins de succès. Dominique, consultante Freelance, par exemple, ne se voit pas revenir en France. Agathe, qui est commerciale pour une compagnie aérienne, ne s’y voit pas non plus. Pour moi, ce sera Londres, puis la Guadeloupe, plus tard, me dit-elle. La France ne leur convient définitivement plus...

Oui, j’aime Londres
Dans la moiteur d’un pub, à Sheperd’s Bush. Devant une pinte, j’écoute trois musiciens jouer des classiques pop-rock-reggea. L’ambiance est chaleureuse, et je discute avec Axelle, qui a fait le voyage directement de Guadeloupe, il y a quelques jours, avec une maîtrise de biologie en poche. La France, elle connaît, et préférait découvrir autre chose. Aussi a-t-elle tenté l’aventure avec trois copines. Son but, trouver un premier job pour payer les factures et parfaire sa connaissance de l’anglais, puis se lancer directement dans sa branche. Oui, si je trouve un job de serveuse, je prends, me confie-t-elle, après, je vais chercher dans ma branche. Mais Londres, j’aime déjà. Fascinant pouvoir d’attraction !
L’histoire de Salomon, Ivoirien de 30 ans, est encore plus dingue. Je le rencontre un soir près de Holland Park, et il m’entend parler français. Naturellement, il m’aborde. J’ai un bac +5 en droit des affaires. J’ai étudié en France, à Paris, sauf que je suis resté au chômage pendant un an. Que veux-tu, personne ne voulait de moi, personne ne me faisait confiance ! Alors je suis parti. En deux mois, j’ai décroché un emploi dans un cabinet d’affaires. Il rit aux éclats. Ils m’ont appelé, et m’ont dit : we want you ! Personne ne m’avait jamais dit ça ! Ce témoignage est confirmé par beaucoup d’autres, diplômés ou non. Ici, la couleur de peau importe peu, et ce quel que soit le poste occupé, journalistes, maîtres d’hôtel, commerciaux, vendeurs. On peut mettre un Noir ou un Maghrebin à la réception, poste hautement visible sans problème.
Près de moi, un jeune, pas plus de 25 ans, passe en Porsche. Salomon me regarde et sourit. Dans pas longtemps, moi aussi j’en aurai une. Et personne ne viendra me contrôler, me souffle-t-il. Ici, quand on bosse bien, on est reconnu à sa juste valeur, et on gagne de l’argent. Londres fait tourner les têtes...

L’envers du décor
Si l’on gratte un peu la peinture, par endroit, le rêve brille moins fort, et la désillusion peut faucher tel du blé mûr. Londres est la deuxième ville la plus chère du monde derrière Moscou, et un ticket de métro simple s’achète 4 £ (près de 6 euros !). Mieux vaut ne pas être un galérien, ou pas trop longtemps. Le système Blair a évidemment ses détracteurs. Pour arriver à ce taux de chômage aussi bas, les chômeurs sont très encadrés : rencontres hebdomadaires, aide à la rédaction de CV dans les job centers. Pour continuer à bénéficier de l’aide aux chômeurs, on ne peut pas refuser un emploi plus d’un certain nombre de fois, si bien qu’un informaticien peut tout à fait être contraint à faire la plonge. Sans aucunement vouloir dévaloriser le métier de plongeur, on conviendra que c’est assez différent de l’informatique...
Le rêve de tout Anglais est de posséder un appartement. Douce utopie, pusique l’arrivée des nouveaux riches (essentiellement venus des pays de l’Est) a fait flamber les prix, si bien que même la bourgeoisie moyenne anglaise ne peut plus se permettre d’habiter le centre de Londres. Je comprends parfaitement : le nombre de Porsche, de Jaguar, de Rolls Royce et de Mercedes coupées, scintillantes, qui sillonnent silencieusement le centre de Londres est hallucinant.
Alors imaginez les classes moyennes... La seconde solution pour acheter est de s’endetter pour pour cinquante ans. Sans rire, l’Angleterre est le pays où l’endettement personnel est le plus élevé en Europe. Et puis comme dans les pays anglo-saxons, se soigner (bien) coûte chère, alors mieux vaut être en bonne santé et avoir toutes ses dents.
La dernière épine dans le pied du gouvernement est évidemment l’intégration sociale des communautés et le communautarisme qui ont conduit aux attentats de 2005 et aux tentatives avortées de juillet dernier. Malgré tout, je n’ai pas eu la sensation d’évoluer dans une villes partitionnée entre races ou communautés. Au contraire, tout le monde semble fréquenter tout le monde sans problèmes...

Eldorado ?
Tony Blair n’aurait alors fait qu’accentuer le fossé entre les riches et les pauvres, à coup de libéralisme forcené. Peut-être, mais Londres et l’Angleterre attirent plus que jamais. Qu’importe les difficultés, beaucoup de jeunes préfèrent affronter un monde plus dur voire impitoyable, mais qui donne sa chance à tous, plutôt qu’un cocon (la France) dans lequel persiste une série d’illusions sur le travail, l’intégration, le racisme. Salomon me dira : On dit que l’Angleterre, c’est bien si tu es jeune, en bonne santé, et que tu bosses. La France, c’est bien que si tu es diplômé, que tu as la peau blanche et que tu t’appelles Pierre... Alors j’ai fait mon choix.

Le départ
Un pincement étreint mon coeur à l’heure du départ. J’ai été fasciné par ce pouvoir d’attraction, ce multiculturalisme et cette joie d’entreprendre, de réussir, de vivre des Londoniens. Bien conscient des difficultés inhérentes à ce genre de modèle social, je ne peux m’empêcher de regretter mon séjour, jusqu’à mon départ à l’aéroport. D’ailleurs, il pleut sur le tarmac.

Après un peu plus d’une heure de vol, j’arrive à Paris et prends le métro : le choc ! On me bouscule, les gens font la gueule, et le vendeur de ticket ne me dit même pas bonjour...


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