Merci à la commission d’avoir empêché le rachat d’Alstom par Siemens

par Laurent Herblay
mardi 26 février 2019

Il faut bien des premières à tout. En douze ans de blog, je n’avais jamais pu approuver une décision des instances de l’UE. Mais là, la décision de la commission européenne d’interdire la « fusion » d’Alstom par Siemens me semble une très bonne nouvelle pour la France, même si les raisons qui ont présidé à cette décision ne sont pas celles pour lesquelles je me réjouis.

 

La concurrence au secours de notre patrimoine
 
« Erreur économique qui servira les intérêts de la Chine (…) faute politique  » : Bruno Le Maire n’a pas maché ses mots pour dénoncer, par anticipation, la décision de la commission. Le ministre nous a servi tout le prêt-à-penser paresseux et éculé des euro-béats, sans craindre les contradictions. Il a ainsi osé dire que « le rôle de la commission européenne, le rôle des institutions européennes, c’est de défendre les intérêts économiques et industriels européens. Là, (elle) va servir les intérêts économiques et industriels de la Chine ». Il faut croire qu’il a oublié de lire les traités européens, pour qui toute préférence communautaire a été exclue au nom de la « concurrence libre et non faussée ».
 
Pour le coup, voir cet eurobéat geindre sur cette décision est d’une incroyable inconséquence. Les règles de l’UE, depuis des décennies, c’est justement de lutter contre toute préférence européenne ou nationale, même avec des pays qui la pratiquent chez eux. C’est ainsi qu’a été ouvert notre marché aux constructeurs automobiles asiatiques, sans la moindre réciproque, depuis près de 30 ans. Et tous les traités que Bruno Le Maire a soutenus refusent justement de défendre les intérêts européens, au nom du dogme de la « concurrence libre et non faussée ». Bref, le ministre se moque du monde en tenant un tel discours, entre propos électoralistes, mais aussi véritable démission nationale.
 
Car derrière ce rapprochement un peu trop rapidement présenté comme une fusion, c’était Siemens qui s’offrait le dernier morceau d’Alstom. En 2017, dans « Alstom, scandale d’Etat  », Jean-Michel Quatrepoint nous avait déjà alertés en rappelant que Siemens devait prendre 51% de l’ensemble et que l’actionnariat français serait complètement dilué avec 49%, d’autant plus que Bouygues avait annoncé vouloir sortir. Bref, encore une fois, nos dirigeants s’apprêtaient à solder à bon compte nos intérêts, notre savoir-faire et nos emplois, sachant que les trop nombreux précédents devraient inciter à la prudence. Merci donc à la commission de l’avoir empêché, sans le vouloir directement.
 
C’est ce que Quatrepoint soutient sur PolonyTV. Ce qui est frappant dans cette histoire, c’est la mauvaise foi crasse des eurobéats qui appellent à la défense d’intérêts européens, jamais pris en compte par l’UE, au nom de la concurrence libre et non faussée. Au début des années 1970, quelques pays européens avaient lancé, en dehors de la CEE, Airbus, puis Ariane. Mais depuis que le nœud coulant des traités a été serré, rien. Pourtant, ce ne sont pas les sujets qui manquaient, fournissant l’occasion de créer de nouveaux bébés industriels européens, dans le numérique ou l’économie verte. Sauf que cela est en contradiction complète avec la direction prise par ce monstre institutionnel qu’est l’UE.
 
 
Bruno Le Maire peut bien s’agiter. Il aura échoué, heureusement, à solder nos intérêts à l’Allemagne, et c’est heureux. Par un jeu de circonstances bienvenu, la religion de la concurrence de l’UE aura protégé les intérêts de notre pays, qui a tant investi dans cette filière qu’il aurait été scandaleux d’en abandonner le contrôle à trop bon compte à Siemens et ainsi parachever le dépeçage d’Alstom.

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