Migrants : ce que dit la fermeture des frontières

par Laurent Herblay
mercredi 16 septembre 2015

En quelques jours, la situation a radicalement changé. Il y a une semaine, l’Allemagne ouvrait ses portes et on parlait de quotas obligatoires d’accueil de migrants. Là, coup sur coup, l’Allemagne, suivie par d’autres pays, a décidé de rétablir un contrôle aux frontières, et les ministres de l’intérieur ne sont pas parvenus à s’entendre. Une évolution qui en dit long sur cette Europe.

 
Des règles et de leur relativité
 
Il y a quelques jours, on applaudissait la générosité de l’Allemagne, en oubliant sans doute un peu les intérêts bien compris d’un pays au faible taux de chômage, à la population déclinante, et qui peut trouver dans ces migrants une main d’œuvre bon marché pour soutenir sa compétitivité. Mais devant l’afflux des migrants, dépassant le cap des 10 000 sur une seule journée, Berlin a fini par rétablir des contrôles aux frontières pour juguler un flux devenu trop important. L’initiative allemande a été rapidement suivie par l’Autriche, puis d’autres pays d’Europe centrale. Pour l’instant, cela se passe encore dans le cadre des accords de Schengen, qui permettent une interruption temporaire. La Hongrie a annoncé qu’elle allait étendre sa clôture anti-migrant à la frontière de la Roumanie.
 
Mais ce faisant, la situation devient de plus en plus arbitraire. N’y-a-t-il pas un paradoxe à ce que Berlin s’exonère des règles de l’espace Schengen (même si cela n’enfreint pas les traités), tout en menaçant de sanctions financières ceux qui refuseraient d’accepter des quotas obligatoires de migrants  ? Cette Europe consacre la loi du plus fort, qui ose même s’affranchir des règles tout en ne cessant de vouloir en imposer à ses partenaires (que ce soit l’austérité, avec les « plans d’aide » ou le TSCG, et les quotas obligatoires de migrants). Cela est d’autant plus choquant que l’Allemagne avait été la première à ne pas respecter le pacte de stabilité de l’euro qu’elle avait pourtant demandé de mettre en place après Maastricht. Bref, en Europe, les règles allemandes s’appliquent surtout à ses partenaires.
 
Egoïsme ou simple réalisme ?
 
Bien sûr, le Monde, jihadiste néolibéral, en profite pour dénoncer « l’Europe des égoïsmes nationaux  ». Pourtant, c’est bien l’Europe, qui, en voulant imposer des quotas obligatoires, créé une telle pagaille, alors qu’il aurait été tellement plus simple de coordonner l’aide volontaire de chacun des pays. En voulant profiter de l’occasion pour imposer de nouvelles règles, c’est bien l’Europe qui responsable des querelles actuelles (ainsi que l’Allemagne, qui semble vouloir les imposer) et fait preuve d’égoïsme. Il n’y avait aucun besoin de mettre en place de nouvelles règles. Avec l’explosion des flux de migrants (dont une minorité seulement de réfugiés, et une majorité de migrants économiques), il est logique que les Etats ne veuillent pas signer un chèque en blanc à une commission aux positions aussi tranchées.
 
La situation actuelle montre bien qu’en absence de régulation, les flux explosent, ce qui n’est pas acceptable pour des sociétés souvent victimes d’une crise économique dure et prolongée et qui se questionnent sur leur identité. Les Etats ne sont pas des terrains vagues que n’importe qui peut occuper selon ses désirs. Ce sont des collectivités humaines faites de droits et de devoirs qui peuvent décider, ou non, d’accueillir des réfugiés de guerre ou de persécutions ou des migrants. Ne peut-on pas être généreux sans supprimer les frontières ? En outre, cette histoire de quotas est absurde dans un espace Schengen sans frontières internes, ce qui fait que les migrants affectés à un pays peuvent très facilement aller dans un autre, démontrant a contrario la nécessité de remettre en place des contrôles aux frontières.
 

C’est tout le paradoxe de la situaton actuelle. Bien sûr, l’Europe essaie de l’exploiter pour retirer plus encore de pouvoirs aux Etats qu’elles dépouillent avec leur consentement depuis trente ans. Mais en réalité, ce qui se passe démontre plus que jamais le besoin de frontières.

 


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