Mme Merkel sort l’Union de l’immobilisme
par Neos
lundi 25 juin 2007
Etonnant dénouement que celui du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007. Alors que l’on pouvait prêter au Royaume-Uni et à la Pologne une volonté douteuse de freiner par tous les moyens l’accès à un accord, la chancelière allemande a réussi à convaincre le Premier ministre britannique et les frères Kaczynski de la nécessité de travailler tous ensemble.
C’est la victoire du groupe sur les intérêts particuliers, et de la vision d’une Europe du compromis sur celle d’une Europe à la carte. Même si les principaux protagonistes de ce sommet de juin 2007 sont repartis dans leur capitale avec le sentiment du devoir accompli, en ne cédant pas (trop) sur les lignes rouges qui avaient été identifiées, l’objectif fixé par Angela Merkel est atteint : "Nous avons pu nous extraire de la phase d’arrêt et de réflexion pour jeter les bases d’un nouveau traité".
Alors que la Pologne se fait remarquer par son "imprévisibilité", en ne cédant sur la question du nombre de voix au Conseil qu’au prix d’une débauche d’énergie notable employée par les chefs d’Etat tout au long de la nuit du vendredi 22 au samedi 23 juin pour persuader les frères jumeaux polonais, les Etats supposés réticents sur certains dossiers jugés contraignants sont parvenus à leurs fins : les demandes du Royaume-Uni sur la limitation de la force obligatoire de la Charte des droits fondamentaux a été entendue, et le futur traité précisera le champ d’application de celle-ci. Les Britanniques ont également reçu satisfaction sur les domaines politiques étendus au vote à la majorité qualifiée en obtenant dérogation sur leur participation à ces politiques, ainsi que sur la dénomination de "ministre des Affaires étrangères européen", qui sera abandonnée et remplacée par un "Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères".
Pendant ce temps, les Pays-Bas obtenaient du Conseil européen que les Parlements nationaux soient plus impliqués, à l’avenir, dans l’activité législative européenne : si le Parlement national constate qu’une proposition de la Commission européenne contrevient au principe de la subsidiarité - la mesure devant être prise au niveau national et non pas à l’échelle européenne -, le Parlement national pourra émettre un avis motivé qui déclenchera une procédure spécifique de contrôle de l’acte législatif proposé.
La France a aussi obtenu satisfaction en voyant la mention "la concurrence libre et non faussée" supprimée du projet de traité.
Finalement, l’accord de compromis entre les Etats membres débouche sur un traité plus compliqué dont certains ont souligné l’opacité. Pour Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois, "le traité constitutionnel était un traité aisément compréhensible, ceci est un traité simplifié qui est très compliqué".
Angela Merkel a toutefois réussi son pari. L’Union européenne sort de la crise et sera dotée assez rapidement, au plus tard en 2009 après sa ratification par les Etats membres, d’un texte lui permettant d’avancer sur la voie d’une Union politique. Entre les souverainistes d’une part et les europhiles de l’autre, la chancelière allemande a su trouver un compromis équilibré qui ne délaisse finalement personne. Une manière de montrer qu’avec de l’implication et de l’abnégation, il est possible de trouver des conciliations a minima, quand bien même l’on est 27 à siéger autour d’une table.
Pour en savoir plus :
Toutes les décisions de ce Conseil européen résumées : http://www.eu2007.de/fr/News/Press_Releases/June/0623ER.html
Les conclusions de la présidence allemande du Conseil de l’UE : http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/fr/ec/94933.pdf