NON
par Michel Koutouzis
samedi 29 octobre 2011
En Grèce, le 28 Octobre est un jour de fête nationale. On célèbre le fameux NON. Cette fin de non recevoir à l’ultimatum Mussolinien, qui voulait occuper ce pays au seul bruit des bottes de son armée. S’en est suivi la guerre qui très vite se transporta sur le sol albanais où les Italiens, jour après jour et pendant six mois n’ont fait que reculer. Au point que Hitler fut obligé d’intervenir pour sauver son allié fasciste. La suite est connue : l’opération Barberousse retardée, avec les conséquences que l’on connaît ; celle de Crète décimant les parachutistes allemands qui en tirèrent les conséquences, limitant au possible l’usage de cette arme. Surtout, cette bataille de la Grèce fut la première défaite de l’Axe, jusque là invincible. Grandiloquent, comme à son habitude, Churchill déclarait alors : « Nous ne dirons pas que les Grecs combattent tels des héros, mais que les héros combattent tels des Grecs ». Plus étonnant, l’hiérarchie militaire allemande rendit hommage aux combattants grecs et Hitler déclara : « il doit être dit, pour le respect de la vérité historique, que parmi tous nos opposants, seuls les Grecs se sont battus avec autant de courage et de défiance envers la mort. » Comme en Yougoslavie, la résistance grecque fut d’une toute autre nature de celles du reste de l’Europe. Pour contrôler ce pays de huit millions d’habitants, la Wehrmacht utilisa un nombre de divisions égal à celui de la France, même après le franchissement de la ligne de démarcation.
Tout cela pour dire que la fête nationale du 28 octobre ne se réfère pas à Salamine ou aux Thermopyles, mais à l’histoire contemporaine impliquant directement le reste de l’Europe. La guerre froide aidant, l’Allemagne refusa de payer les dommages de la guerre ni même les « emprunts obligatoires », en d’autres termes la saisie des avoirs en or de la banque de Grèce qui représentent aujourd’hui un peu plus que la fameuse dette grecque. Par contre, elle organisa depuis les années 1950 l’arrivée massive des immigrants grecs qui participèrent à la renaissance de l’industrie allemande dans des conditions similaires à celles des travailleurs nord africains en France.
Tout cela pour dire que les festivités et le défilé militaire du 28 octobre font partie de la mémoire collective vivante et les perturber, comme ce fut le cas cette année, n’est pas un acte anodin : les manifestants criaient NON, les façades des immeubles exhibaient des NON à la place du drapeau, les indignés arrêtaient le défilé militaire, au nom de ce NON à l’occupant.
Car c’est ainsi que sont perçus les décisions du sommet européen. Les mesures imposées par l’Angélique Merkel sont considérées comme un abus de pouvoir, dont une des conséquences, et pas la moindre, sera qu’une grande partie des entreprises grecques tomberont aux mains de l’étranger, soit à travers le système bancaire, soit par des achats directs et pour une bouchée de pain, soit enfin à travers des opérations boursières.
Le sentiment d’injustice n’est plus en Grèce l’apanage des mal lotis. Un peuple entier refuse la déchéance, et le fera savoir au reste de l’Europe, signe annonciateur aux peuples européens de ce qui les attend.