NON au nationalisme en Europe
par Neos
mardi 20 novembre 2007
L’Union européenne est en perpétuelle mutation. 18 années se sont écoulées après la chute du mur de Berlin, que des historiens tendent à identifier comme l’événement-clé annonçant la fin du XXe siècle. Presque deux décennies au cours desquelles plusieurs élargissements ont permis aux peuples de l’Est et de l’Ouest de l’Union européenne de se réconcilier avec l’Histoire. Deux décennies pour commencer à apprendre à redécouvrir ses voisins, brasser les populations, créer des familles mixtes ou encore s’installer à l’étranger pour travailler et vivre... autrement. La conquête de la diversité n’en est qu’à son balbutiement, tant les tentations du pas en arrière sont malheureusement bien présentes.
Mercredi 14 novembre 2007 à Strasbourg, le Parlement européen a annoncé en séance plénière la dissolution du groupe parlementaire ‘Identité, tradition, souveraineté (ITS)’. Ce groupe parlementaire d’extrême droite n’a pu résister à la vague de contestations internes qui ont suivi les turbulences politiques générées par une succession de faits divers impliquant des populations d’origine roumaine en Italie. Repoussant les attaques des députés européens italiens de l’ITS, les membres roumains du groupe ont décidé de claquer la porte, plaçant ainsi l’ITS en grande difficulté puisque les 18 eurodéputés restants ne suffisent plus à composer un groupe parlementaire qui doit en contenir 20 au minimum.
Dimanche 18 novembre 2007, la marche organisée à Bruxelles sur l’initiative de Mme Marie-Claire Houart autour de la pétition ‘Pour l’unité de la Belgique’ a rassemblé une foule de Belges et de non-Belges soucieux de manifester leur refus de voir les discours sécessionistes et nationalistes emporter la Belgique et avec elle toute une culture de dialogue et de démocratie en Europe.
A quelques milliers de kilomètes, un peuple est peut-être en train de voir le bout du tunnel. Blessé par plus de dix années de tutelle par son voisin serbe, le Kosovo, sous l’égide de l’administration onusienne, a organisé en ce même dimanche 18 novembre des élections législatives et devrait, malgré une situation économique désastreuse, goûter à des vertus qui n’ont, elles, pas de prix : la liberté et l’indépendance.
A quoi bon être nationaliste aujourd’hui ? Que peut-on gagner à vouloir s’enfermer dans des certitudes selon lesquelles l’on vivrait mieux sans les autres, l’on offrirait un avenir plus sain à nos enfants en les préservant de l’extérieur, l’on maintiendrait notre haut niveau de vie plus aisément en nous contentant de fabriquer nos propres produits et en réduisant la part de nos importations, l’on maîtriserait mieux les flux migratoires en sécurisant à outrance les frontières, l’on aurait à gagner à substituer les efforts d’intégration au profit d’une politique plus musclée de l’immigration ?
Le monde a considérablement évolué depuis la Seconde Guerre mondiale. L’extension croissante et l’intensification au-delà des frontières nationales à la fois des transports, des communications et des échanges a déplacé le noyau des centres d’intérêt d’une conception dépassée fondée sur la souveraineté liée à la maîtrise de tout ce qui se passe à l’intérieur d’un espace fermé que l’on appelle le territoire, à une conception moderne qui repose sur la maîtrise de la vitesse et de la connaissance, au-delà de toute considération d’espace. Au XXe siècle, siècle de la maîtrise de l’espace territorial, succède le XXIe siècle avec ses enjeux nouveaux, tournés vers la maîtrise du temps, des connaissances et de l’information.
La question qui doit se poser lorsque l’on aborde le sujet de notre avenir face à des nationalistes pourrait être la suivante : souhaite-t-on vivre avec notre temps ou bien s’y refuser, au risque de voir d’autres franchir le Rubicon à notre place ? Veut-on s’accorder des instruments efficaces pour assurer le maintien d’un haut niveau de vie en Europe au XXIe siècle ou bien risquer de mettre en danger ces acquis par frilosité ou absence d’intérêt ?
Prenons le cas de la Belgique. Je me posais une question toute simple, mais qui m’interpelle tellement la réponse me semble cohérente et presque évidente. Quels intérêts ont ces personnalités politiques, quelles soient flamandes, francophones ou germanophones, à abandonner le niveau de représentation fédérale ? Si d’aventure un Etat flamand devait voir le jour, quel poids/influence aurait cet Etat au sein des institutions européennes ? Quand on pense qu’un Etat membre comme le Luxembourg compose avec 4 voix au Conseil et 6 députés, mais dispose d’un solide pôle d’attractivité financière et d’une expérience européenne reconnue, que pourrait bien gagner un Etat flamand sur la scène européenne, à part perdre de son influence actuelle au sein de la représentation belge (12 voix au Conseil et 24 députés), voire anéantir une réputation qui s’est battie pendant des décennies autour de la recherche permanente du compromis et qui a fait ses lettres de noblesse au long du lent processus de construction européenne ?
Quelles que soient les communautés, les Belges et la Belgique ont tout à perdre à s’engoufrer sur la voie du nationalisme/régionalisme exacerbé. La culture de la différence, prônée par certains hommes politiques, mène à la perte de ce pays et à une impasse à moyen terme. La chance de la Belgique est de ne jamais avoir baissé les bras lorsqu’il s’agit de devoir rechercher un compromis politique, au nom de l’intérêt général et en faveur du plus grand nombre, ainsi que des minorités. La diversité culturelle est une richesse sur laquelle ce pays peut s’appuyer. C’est au peuple belge de le rappeler à ces hommes politiques et à les presser en ce sens.
Certains pourraient s’interroger sur la présence d’ultra-nationalistes dans l’hémicycle du Parlement européen. Ou du comment peut-on multiplier les interventions anti-européennes... et siéger comme eurodéputé sur les bancs de Bruxelles et de Strasbourg. La manière dont le Parlement européen diffuse la démocratie est à ce titre un exemple qui devrait être enseigné et discuté plus régulièrement un peu partout dans l’Union européenne. Là où certains Etats membres ont vérouillé l’accès des nationalistes au scrutin (je pense à l’Allemagne notamment pour les raisons historiques que l’on connaît), le Parlement européen accueille ainsi toutes les sensibilités politiques en son sein, telles qu’elles resortent du scrutin des législatives européennes organisées tous les cinq ans (les prochaines en 2009) dans le cadre d’un système de représentation à la proportionnelle. Ainsi représentées, ces sensibilités extrêmes sont mieux combattues par les mouvances politiques modérées, et il n’est pas rare de constater que les groupuscules nationalistes évoluent sur leurs positionnements politiques en siégeant auprès des autres députés, effet positif qui favorise l’intégration idéologique des extrêmes et les oblige à prendre position.
Malgré des activismes exacerbés par des groupuscules politiques minoritaires, relayés par une classe politique en mutation, les nationalistes ne peuvent apporter des réponses satisfaisantes aux questions que se posent nos concitoyens européens. Prônant une voie populiste, démultipliant les actions médiatiques de large envergure, le discours demeure le même et s’articule autour de thèmes bien connus et particulièrement dépassés. Parmi les sujets de prédilection, le culte de la différence et le recroquevillement territorial sont des voies sans issue dans notre société postnationale en gestation. L’Etat nation, produit de la centralisation passée et des révolutions des XVIIIe et XIXe siècles, n’est en effet plus adapté à l’intégration économique et structurelle mondiale.
Il faut aujourd’hui réfléchir à une autre voie, à un autre moyen d’organiser la vie en société. Une voie possible est dès à présent d’oser penser notre avenir au-delà des nations en renforçant leur intégration dans la société internationale, en leur permettant de s’offrir les moyens de répondre ensemble, au sein d’une communauté toujours un peu plus intégrée et non pas seules de façon isolées, à la multiplicité des défis que nous offre le monde moderne chaque jour.
C’est tout l’enjeu des débats qui s’ouvrent ça et là entre les démocrates et qui visent à dégager, pour notre société, un autre horizon que celui, sans avenir, défendu par les mouvances nationalistes en Europe. Cette voie est celle de l’ouverture et du dialogue, de la solidarité et la curiosité entre nos peuples, de la recherche permanente du compromis. Elle est aussi celle du dessein et de cette volonté née de l’imagination de nos aïeux, que nos hommes politiques se doivent de cultiver et de nous rappeler chaque jour, de permettre à nos peuples de mieux se connaître et de travailler, main dans la main, à la construction de notre avenir commun.