Ouverture d’un musée de l’espéranto en Tchéquie, dans la ville de Svitavy

par Krokodilo
jeudi 19 mars 2009

Beau contraste avec l’attitude française envers cette langue construite !

1. Un peu de tourisme : en bon Européen, découvrons La ville de Svitavy
(page en français)

La liste (également en français) des sites ou activités touristiques recommandées en Tchéquie, par le site de L’Office National tchèque du tourisme

Présentation en français de ce nouveau musée de l’espéranto, par ce même site :
(page bilingue tchèque-espéranto)
La galerie photo.

Il ne se sont pas moqués du monde, le bâtiment est superbe (photo), et, comme ils disent « Jusqu’alors, il fallait se rendre en Pologne ou en Autriche pour visiter des musées similaires. Dans celui-ci, se trouve également une salle d´étude disposant d’un dictionnaire électronique et une bibliothèque fournie en livres écrits en espéranto. Vous y trouverez aussi toute l´histoire de la langue, de nombreux dictionnaires et un ordinateur où vous pourrez trouver toutes les informations sur l’espéranto. »

Comme tout musée actuel, outre les vitrines, il dispose aussi d’une salle d’étude, et vise à un peu d’interactivité, avec des écrans tactiles, la possibilité d’écouter des textes en Eo, ou des chansons. Selon la revue espérantophone Monato (article de Chrdle), le musée dispose aussi de trois chambres d’hôte payantes.

A noter que Svitavy est la ville de naissance d’Oskar Schindler, qui a sauvé des centaines de juifs de la déportation et de la mort, histoire popularisée par le magnifique film de Spielberg "La Liste de Schindler".
Le mémorial Schindler (fr.)

Un compte-rendu en français de l’exposition sur Schindler.

A noter que l’espéranto devient ainsi une des trois expositions permanentes de la ville de Svitavy. La ville permettra également des expositions temporaires, comme en octobre 2009, « Espéranto et jeunesse ».


2. Un rapide petit tour ailleurs qu’en Tchéquie

En Pologne, Ilona Koutny, Hongroise d’origine, a créé et dirige depuis dix ans le cours d’interlinguistique en espéranto à l’université Adam Mickiewicz (UAM) de Poznań ; elle enseigne également le hongrois et le programme de linguistique dans la spécialité "hongrois".

Il ne s’agit pas d’un cours d’espéranto à l’université, comme il en existe déjà dans divers pays, ni d’un cours sur l’espéranto en polonais, mais d’un module universitaire EN espéranto, probablement le premier du genre, fonctionnant depuis dix ans, ce qui justifie largement son élection comme espérantiste de l’année (cf. article de Libera folio, en Eo).

Citons également la Chine et son site polyglotte China.org, en dix langues dont l’Eo. Dans un tel régime, un tel site ne peut se concevoir sans l’aval et la surveillance des autorités. La Chine permet aussi l’enseignement de l’espéranto dans diverses classes primaires. Peut-être ce pays est-il tellement vaste qu’il peut se permettre d’avoir plusieurs fers aux feux.

3. Et en France ?


De nombreuses villes de France ont une rue Zamenhof (dont la mienne), ce qui est une reconnaissance de la nation assez facile à obtenir post-mortem pour un général, victorieux ou pas, mais exceptionnelle pour un ophtalmo linguiste autodidacte, qui confirme son statut de grand personnage historique, quoique méconnu.

Mais de là à promouvoir cette langue construite et à mettre à disposition de superbes locaux dans un bâtiment historique, puis l’inclure dans la liste des 133 sites touristiques et visites proposées...

On mesure le contraste entre l’attitude de la Tchéquie envers l’espéranto et celle qui prévaut en France, trop souvent faite de méfiance et de préjugés ; quoique les radios, médias en ligne et journaux régionaux aient progressivement changé, en se montrant maintenant plus ouverts.

Il est probable que se niche dans ce rejet un certain complexe de supériorité, une crainte que le rayonnement culturel de la France et du français ne s’accommodent pas du développement de l’espéranto.

Cette attitude finalement similaire à celle du British Council, mais à une échelle plus modeste, se voit bien dans la doctrine pédagogique qui tente d’infiltrer les cours de langues dans les autres matières : certains veulent en effet que les langues, l’anglais, soit utilisé pour enseigner l’histoire, la géo, les maths, etc.

Or, on retrouve souvent ce même raisonnement et ce thème de l’enseignement bilingue dans les disciplines non linguistiques, sous la plume de gens concernés par l’enseignement du français langue étrangère, par exemple dans la revue Le Français dans le monde.

Signe qu’il s’agit bien de territoire, de pouvoir, les articles optimistes sur l’étendue de la francophonie alternent avec les articles pessimistes, généralement adoucis par un titre au contenu rassurant : « pays de conquête ».

Le vocabulaire martial évoque en somme des nouvelles du front de la guerre des langues, celle qui selon certains n’existe pas...

Les apprenants du français ne sont pas seulement attirés par le rayonnement culturel de la France et du français, mais aussi par l’existence de structures, de fonds, de perspectives d’embauche et d’avenir, c’est bien rapporté dans l’article sur la Guinée équatoriale.

Nous avons tendance à ne voir que le rayonnement culturel, en négligeant ce que contient de violence toute lutte de territoire : nous la jouons grands Seigneurs !

N’est-ce pas cette petite tendance à la mégalomanie et à l’impérialisme linguistique qui nous rend si réticents envers le thème d’une langue véhiculaire commune ? Au point de refuser carrément le débat sur la politique linguistique de l’UE, de boycotter le sujet de la barrière des langues, pourtant essentiel à l’UE et au monde ?

Au fond, se disent bon nombre de nos dirigeants, la place de numéro deux linguistique de l’UE, derrière le dieu anglais, n’est pas si mauvaise que ça...

D’ailleurs, seuls sont encore réticents les 20 heures et grands journaux nationaux, comme par exemple Le Monde ou Le Nouvel Obs, dont j’apprécie les dossiers mais qui semble ignorer jusqu’à l’existence du mot espéranto ! Quant à rapporter des faits comme le soutien de quelques députées européennes, pour eux ce ne sont ni des faits ni de l’info ! Curieuse conception du journalisme...

Mais soyons justes : quelques femmes politiques ont su braver ces préjugés d’un autre âge, Hélène Mandroux, Mairesse de Montpellier, a permis le site officiel en huit langues dont l’Eo, et Mme Catherine Trautmann a soutenu la présence de l’Eo parmi les langues disponibles pour la visite de Strasbourg en bateaux-mouche,
dans les deux cas, grâce aux liens noués depuis des années entre les associations locales et la Mairie ; la démocratie locale n’est pas un vain mot.

Quoi qu’il en soit, le destin de l’espéranto n’est pas dans les musées, il est d’être parlé, lu, écouté à la radio, chanté - bref, de servir de langue-pont entre les autres langues, de langue véhiculaire simple (mais non simpliste) entre les peuples.
Que l’UE se saisisse de cette occasion ou la rejette au profit de l’anglais, l’espéranto poursuivra sa route et restera une porte ouverte sur le monde que chacun peut franchir, ne serait-ce que pour jeter un coup d’oeil !


Lire l'article complet, et les commentaires