Pourquoi F.Mitterrand a choisi le référendum pour le Traité de Maastricht

par emile wolf
lundi 20 septembre 2010

Les traités de Maastricht, Amsterdam et Lisbonne n’ont pas été ratifiés régulièrement. Les Français ont été grugés et les peuples de l’Union dupés par des dirigeants sans scrupules bien décidés à construire une Union bien peu démocratique.


Le Conseil Constitutionnel, ne révise pas la Constitution, il n’a pas la compétence de Constituant. Cette aptitude appartient exclusivement au peuple qui peut l’exercer par ses représentants, sur décision du Président de la République, conformément à l’article 89 de la Constitution.


Il serait cependant erroné de prétendre que le suffrage universel, expression de la souveraineté nationale par excellence, a entériné le Titre XV actuel de la Constitution en votant « oui » à la ratification du Traité de Maastricht. Le 20 septembre 1992 il s’agissait, en application de l’article 11 de la Constitution, de répondre oui ou non à la question : "Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le Président de la République autorisant la ratification du traité sur l’Union Européenne ?"


Ce référendum ne couvre pas la révision constitutionnelle consécutive à la décision du Conseil Constitutionnel viciées par la participation de Maurice Faure. Une telle révision est l’affaire du Parlement. Il amende ou non le projet de loi constitutionnelle qui lui est soumis et l’approuve, en termes identiques, à l’Assemblée et au Sénat à la majorité des suffrages exprimés, conformément à la procédure législative. C’est ensuite l’affaire du Congrès, réunissant les deux chambres, qui adopte la loi à la majorité de 60% des suffrages exprimés ou la rejette si ce pourcentage minimum n’est pas atteint.

En approuvant ce titre XIV (devenu XV), consacré aux communautés et à l’Union européenne, dont le contenu fait fi de la Constitution, le Parlement de 1992, puis de 1997 et enfin de 2007 a outrepassé très gravement le mandat constitutionnel reçu du peuple. Pas plus que le peuple, si le Président de la République avait choisi la voie du référendum pour approuver la loi constitutionnelle, le Parlement ne dispose du pouvoir d’adopter une telle révision transférant le pouvoir législatif à l’exécutif, il transgresse alors l’alinéa 5 de l’article 89. La révision de la Constitution est donc contraire aux dispositions de celle-ci. Ne pouvant abroger le principe de la séparation des pouvoirs, elle s’oppose toujours au traité et à sa ratification. L’application de l’article 55 ne saurait donc s’appliquer à celui-ci. Ceci explique peut-être les silences du Conseil Constitutionnel à ce sujet.


De leur côté les Présidents de la République successifs depuis 1992 ont, pour mettre la Constitution en conformité avec les traités communautaires, soumis au Congrès des projets de loi constitutionnelle qui ne respectent nullement l’alinéa 5 de l’article 89. Ils permettent aux membres du Gouvernement de voter les lois et au Président de la République de réviser des traités et d’approuver leur révision sur simple décision du collège européen. A l’aide de cette manœuvre, ils parviennent, en vertu de l’article 55, à contourner l’interdiction de réviser la forme républicaine du Gouvernement et outrepassent leurs compétences strictement définies par la Constitution. 


Intégré au titre XIV de la Constitution à l’occasion de la révision de 1992, l’article 88-4 du 25 juin 1992 dispose que : 

« Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des Communautés, les propositions d’actes communautaires comportant des dispositions de nature législative.

Pendant les sessions ou en dehors d’elles, des résolutions peuvent être votées dans le cadre du présent article, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée.  »

Cet article n’autorise pas le Parlement à voter l’application des actes de nature législative pris par le Conseil de l’Union européenne ou le Conseil européen. Une résolution n’a aucune valeur législative nationale et ne saurait être considérée juridiquement par une instance législative communautaire. Ceci est un placébo au goût de démocratie. L’exécutif empiète sur le législatif.


Les signataires des traités font de leur mieux pour exclure leur peuple des affaires de l’Union et, au fil des actes législatifs européens, le priver, à leur profit, de sa souveraineté sur la nation. Ainsi, par exemple, en vertu de l’article 311 du TFUE, auquel s’applique la procédure législative spéciale, prévue à l’article 289, le Conseil a pouvoir de créer, seul et à sa guise, tout impôt ou taxe assurant les ressources de l’Union et, en application du Titre XV de la Constitution, de l’imposer aux citoyens sans vote du Parlement national. Sous prétexte que le Titre XV introduit par le constituant souverain, règle la question de souveraineté, la décision viciée du Conseil Constitutionnel s’oppose à la Constitution et prive indirectement le Parlement du contrôle absolu des lois de finances pour en transférer une part au Gouvernement. Si l’Union européenne doit être financée, selon tout régime démocratique, les lois de finances en vertu du transfert de compétences doivent être adoptées par le Parlement européen. On ne peut prendre l’argent des peuples sans le consentement des représentants qu’ils ont habilités pour en décider, nos Ministres et nos Présidents n’ont pas reçu un tel mandat du peuple. 


Bien que, nonobstant l’oubli du Conseil Constitutionnel, la procédure de révision ait été, apparemment, respectée dans sa forme, le Parlement constituant n’est pas apte à outrepasser les dispositions de l’article 89 en fixant les limites. Pas plus que le suffrage universel, le Parlement ne peut confier tout ou partie du pouvoir législatif aux membres du Gouvernement. Il faut pour cela changer de Constitution et de République, en foi de quoi l’article 88-1 introduit par la loi constitutionnelle du 4 février 2008 « Le second alinéa de l’article 88-1 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

« Elle peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007. » n’est pas constitutionnel. Il ne saurait être adopté régulièrement. 

Depuis 1992, en application de l’article 54 original et avec le concours des décisions du Conseil Constitutionnel, dont 3 délibérées avec la participation illégale de Maurice Faure, le Titre XIV, devenu XV, de la Constitution transgresse le principe de la séparation des pouvoirs. La vigilance éloignée dont ont fait preuve les Présidents de la République successifs témoignent de leur souci de veiller sur la Constitution. 

En attendant, le mandat du Parlement étant clairement défini par la Constitution, celui-ci n’a aucune légitimation pour adopter une loi constitutionnelle modifiant la forme républicaine du Gouvernement. Voici, sans doute, qui explique que François Mitterrand décide de faire autoriser la ratification du traité par la voie du référendum en application des dispositions de l’article 11 de la Constitution.


Cette procédure législative n’entérine pas pour autant la révision de la Constitution créant le nouveau titre XIV et ne satisfait l’article 55 sur la régularité de la ratification d’un traité dont une clause est contraire à la Constitution. En supplément, le texte imprécis du traité annexé selon l’article 3 du décret 92-771 du 6 août 1992, « Le texte du projet de loi soumis au référendum ainsi que celui du traité qui lui est annexé sont imprimés et diffusés aux électeurs par les soins de l’administration. » ne contient pas la mention « acte législatif ». Elle ne permet pas aux destinataires de faire la différence entre un acte exécutif ou législatif du Conseil. En conséquence, selon la valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi que prévoit la Déclaration de 1789 et notamment ses motifs : « ..afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des Citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.  » le texte du traité doit être interprété par l’électeur conformément à la Constitution.


Aucune disposition de celle-ci ne permet à un membre de l’exécutif d’adopter une loi, un membre du Gouvernement n’est pas un parlementaire il n’exerce aucun mandat électif de député ou sénateur. A la lecture du traité de Maastricht l’électeur est, de plein droit, fondé à croire que les actes adoptés par le Conseil, selon les dispositions de l’article 145 définissant cette institution, sont purement exécutifs. Il serait audacieux de prétendre qu’en autorisant la ratification d’une telle clause, le Peuple, induit en erreur par sa formulation incomplète, a approuvé un traité inconstitutionnel. En revanche, la demande d’autorisation par voie référendaire d’un traité dont la version française est aussi imprécise peut être considérée comme un dol, au sens de l’article 1109 du code civil, rendant le consentement populaire invalide. Le dol consiste ici à passer sous silence les actes législatifs du Conseil violant des principes fondamentaux de la Constitution et son article 89 en proposant au suffrage universel la ratification d’un traité dont les clauses sont contraires à ceux-ci.


Non seulement la décision du Constitutionnel est invalide du fait des participations évoquées mais

le bon peuple est dupé sur le contenu réel du traité.

Le Conseil Constitutionnel ne saurait s’appuyer sur les engagements pris par la 4ème République à l’occasion du Traité CEE de Rome pour justifier l’abandon de la séparation des pouvoirs par un traité antérieur à la 5ème. Selon les dispositions de l’article 145 du traité instituant la CEE en 1957, le Conseil : « assure la coordination des politiques économiques générales des états membres et dispose d’un pouvoir de décision  » il ne légifère pas (cf.illustration). 

La ratification du traité de Maastricht est irrégulière, la loi constitutionnelle ne satisfait pas la condition de conformité d’une clause du traité comme exigée à l’article 54 de la Constitution, condition impérieuse rappelée dans la décision du 20 décembre 2007 du Conseil Constitutionnel à propos du traité de Lisbonne. La ratification irrégulière du traité de Maastricht ne satisfait pas la disposition de l’article 55 de la Constitution. Cet article ne peut s’appliquer au traité considéré. Cette irrégularité ne remplit pas non plus la clause de ratification prévue au traité lui-même. Celle-ci doit être conforme aux règles constitutionnelles de chaque état. Les traités d’Amsterdam et de Lisbonne, ignorant la séparation des pouvoirs, ne sont pas non plus conformes à la Constitution, leur processus de ratification n’est pas constitutionnel. 

Si la France applique le droit international, elle n’est pas partie à la Convention de Vienne sur le droit des traités (laquelle ne couvre pas rétroactivement les actes passés par les états signataires). Les traités qu’elle ratifie sont réglés par leurs propres clauses de validation. L’invalidité de la ratification aux traités communautaires n’est soumise à aucune forclusion, une telle clause est absente de leurs dispositions. La ratification des traités de Maastricht, Amsterdam et Lisbonne étant irrégulière de façon évidente et substantielle la participation de la France à ces traités semble invalide.


Le négociateur de celui de Maastricht, a cru bon de modifier la périmètre des attributions du Conseil défini par le traité de Rome, établi par la délégation conduite par Maurice Faure. Un traité que les parlementaires de 1957 ont approuvée des deux mains par 341 voix contre 235.

La République est ici devant un fait accompli, les traités communautaires ! Or il n’existe aucun code reconnaissant le droit du fait accompli, pas même la Cour de Justice Européenne. Son ordonnance du 20 septembre 1983 ne stoppe-t-elle pas le « fait accompli » de la France dans une affaire de subventions ? Cette ordonnance s’accorde au droit civil français, en particulier à l’article 1350 du code civil disposant que la loi déclare nuls les actes présumés faits en fraude de ses dispositions. En conséquence, l’usage d’un tel procédé ne saurait être reconnu pour légal dans un Etat que le Président de la République et le Gouvernement assurent être « de droit ». L’obligation de légalité incombe au Parlement comme au Conseil Constitutionnel et à toutes les institutions de l’Etat y compris au Président de la République. L’Elysée ne saurait devenir une zone de non-droit, les institutions de la République non plus.

L’autorisation de ratifier un traité non conforme à la Constitution est, par principe, irrégulière. L’article 55 de la Constitution, en vigueur en 1992, disposant que : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois.. » ne peut s’appliquer aux traités de Maastricht, Amsterdam et Lisbonne. 

Selon la Loi et la jurisprudence française, les actes déclarés illégaux par une juridiction de Droit public sont, en général, frappés d’annulation absolue rétroactive. Mais, si ce n’est le Conseil Constitutionnel, aucune juridiction n’est compétente pour régler un différend juridique d’ordre Constitutionnel.

L’illégalité de la participation de Maurice Faure aux décisions 92-308, 92-312 et 97-394, et les modifications des traités de Maastricht et Amsterdam, invalident le moyen de « l’autorité de la chose jugée ». Le Conseil de 1992 n’ayant pas offert les garanties d’impartialité et d’indépendance requises pour délibérer de la conformité de ces traités, c’est au Conseil de 2010, saisi en application de l’article 54, de réétudier, en fonction des normes de la Constitution en vigueur en avril 1992, le traité de Maastricht, puis ceux d’Amsterdam et de Lisbonne examinés jadis selon des normes résultant de révisions constitutionnelles issues de jurisprudences viciées.

Ceci, afin de décider, hors la présence de Jacques Chirac – il a négocié les traités d’Amsterdam, de Nice et le projet de Constitution européenne - si oui ou non ce traité est conforme à la Constitution de l’époque. Le principe du Conseil constitutionnel, de tenir compte dans ses décisions des jurisprudences accumulées au fur et à mesure des saisines et des révisions qui en sont le résultat, oblige à proscrire l’ensemble des décisions propres à l’Union européenne.

Dans l’attente d’une nouvelle révision de la Constitution les abrogeant, à défaut de pouvoir régler par une voie juridique, la question de l’illégalité des lois constitutionnelles adoptées par le Parlement pour permettre au Congrès d’approuver une révision inconstitutionnelle de la Constitution, cette saisine du Conseil Constitutionnel permettrait, peut-être, d’y voir plus clair.

Ce point est capital puisque, en vertu du principe prévu aux traités communautaires selon lequel ils doivent être ratifiés conformément aux règles constitutionnelles de chaque état, s’il s’avérait, ce qui semble le cas, que la France n’a pas rempli cette obligation, son engagement communautaire, ratifié illégalement, serait irrégulier. La ratification française de ces traités serait alors invalidée. Les traités communautaires exigeant à l’époque l’unanimité des membres pour entrer en vigueur, je vous laisse imaginer dans quelle déconfiture se trouverait l’Union. Retour à la case départ pour les états non signataires de la convention de Vienne.

Aucun doute, question ridicule, la France de Sarkozy est exemplaire.

Jacques Chirac savait bien se qu’il faisait en proposant au référendum un traité établissant une «  Constitution pour l’Europe  » et non un simple traité de Lisbonne ou d’ailleurs.


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