Quelles leçons tirer du Brexit après le volte-face de Theresa May ?
par Laurent Herblay
samedi 24 novembre 2018
La capitulation, finalement pas tellement moins marquée que celle de Tsipras en 2015, de Theresa May, amène forcément à prolonger les débats, démarrés il y a plus de 6 ans sur ce blog, sur la voie à suivre pour quitter ce monstre institutionnel qu’est l’UE. Quelles conclusions tirer de ces trente mois, tant d’un point de vue de la procédure que des personnes à qui la confier ?
L’article 50 est bien un piège
C’est un sujet dont je débats depuis longtemps, notamment avec les militants de l’UPR. Et plus de six ans après le premier papier consacré à ce sujet, avec plus de deux ans de recul sur la procédure avec le Brexit, j’ai vraiment l’impression d’avoir vu juste. La procédure de l’article 50 est ubuesque démocratiquement. En France, on se demande bien pourquoi un nouveau président et sa majorité devraient accepter de mettre entre parenthèses près de la moitié de leur mandat pour négocier, dans les conditions que nous avons pu expérimenter lors de ce Brexit, avec les institutions européennes et nos partenaires. Le choix des peuples en devient moins important que l’ordre oligolibéral européen.
De plus, on voit bien que cette procédure n’est pas favorable à la pleine sortie. Est-ce vraiment surprenant étant donnée qu’elle a été conçue par les tenants de l’ordre oligolibéral européen ? Ces trente derniers mois démontrent bien que la période de négociation n’est pas favorable à ceux qui veulent le quitter, laissant toutes les forces opposées à la sortie faire pression. Le fait de réclamer un second référendum semble être normal. Pourtant, qu’aurait-on dit de Philippe Séguin ou Jean-Pierre Chevènement s’ils avaient exigé un autre référendum sur Maastricht ? Dans cette Europe, tout accord semble devenir imprescriptible quand les refus semblent pouvoir toujours être remis en question.
Ce qui est rappelé, pour la énième fois, avec cet épisode, c’est que l’UE n’a que faire de la démocratie et de la volonté des peuples. Elle constitue un ordre toujours plus contraignant qui ne sert que les intérêts des plus riches et des multinationales, qui peuvent librement faire tout ce qu’ils veulent. Car derrière les craintes exprimées sur le Brexit, c’était bien la remise en cause de cet ordre qui apparaissait : horreur, les flux de marchandises risquaient de ne pas être aussi fluides que dans le passé… Or la démocratie, ce n’est pas cela. Quand un peuple exprime une volonté démocratiquement, elle doit pouvoir être mise en place tout de suite, comme cela avait été le cas en 1981 par exemple.
Mais ce que montre aussi cet épisode, c’est que le changement, pour être réel, ne peut pas être confié à n’importe qui. Tsipras et May ont trahi leurs promesses. Quellles que soient les motivations de ce choix, idéologie, conformisme, superficialité de l’analyse, cela montre bien que nous ne sortirons probablement pas de cet ordre oligolibéral européen avec des opportunistes ou des incertains. Pour moi, cela disqualifie plus encore Le Pen, Mélenchon ou Dupont-Aignan. Comment espérer quoique ce soit de personnes finalement plus timides, dans l’opposition, que Tsipras ou May au pouvoir ? Il faudra non seulement un mandat populaire clair, mais aussi des personnes vraiment déterminées.
Ce que le Brexit montre, c’est que la voie de l’article 50 n’est décidément pas la bonne. Le Frexit ne se mènera demain que de manière unilatérale et immédiate, sur la base, naturellement, d’un mandat électoral clair et sans la moindre ambiguité. Le retour à notre souveraineté, et à la possibilité d’un monde plus juste, ne passera que par un seul plan et un chef digne de ce nom.