Qui réveille les vieux démons ?
par Michel Koutouzis
samedi 28 janvier 2012
Il y a des mots qu’il ne faut plus laisser passer. Les propositions de Hollande concernant l’économie « vont à contre courant des tendances européennes » on entend dire à la télévision. La preuve ? Mario Monti qui projette de « libérer l’économie italienne des toute contrainte de l’Etat ». Comparer un candidat à l’élection présidentielle à un technocrate imposé par l’Allemagne, produit d’un chantage inadmissible envers un pays membre constitue une hubris à la démocratie et au concept même d’indépendance nationale. Et il ya pire : le gouvernement allemand « désire » l’installation en Grèce d’un commissaire chargé du budget national qui « aurait un droit de veto sur les décisions du gouvernement grec qui ne vont pas dans le sens des objectifs des bailleurs internationaux ».
Ce commissaire « serait nommé par les ministres de l’économie des pays de la zone euro » et aurait la responsabilité de « superviser le secteur dépenses du gouvernement grec ». D’après le Financial Times qui publie une copie de cette proposition, la proposition allemande considère cette nomination « comme un préalable au versement du deuxième paquet de sauvetage » qui prévoit 130 milliards d’euro, essentiellement destinés à combler la « démarche volontaire » d’abandon des exigences des bailleurs financiers vis-à-vis de la Grèce. Le texte de la proposition allemande, distribué aux ministères économiques des pays de la zone euro, et discuté aujourd’hui (Vendredi 28/1/2012) souligne que la Grèce doit accepter de céder son autonomie budgétaire à l’Europe, pour un « certain » temps.
Par ailleurs le même texte prévoit qu’Athènes doit « faire voter au plus vite une loi qui engage en priorité ses recettes pour le remboursement des bailleurs. C’est la condition, selon ce texte, pour que le « Marché soit apaisé et rassuré ». Le Financial Times indique pour sa part qu’en Grèce on déclare « ne rien savoir sur ce texte » et qu’en Allemagne « on se refuse à tout commentaire ». Normal : le premier ministre grec Papadimos, imposé par la Troïca à la manière Mario Monti, préfère jouer aux ignorants, et l’Allemagne se lance désormais dans une politique qu’elle voudrait imposer en toute discrétion, sachant pertinemment que les échéances électorales, en France et en Grèce sont en train de prendre une allure de sanctions envers ses thèses d’orthodoxie bornée, d’autant plus que les résultats sont loin d’être au rendez-vous. En Allemagne - même des voix s’élèvent pour dire qu’une « Europe allemande » n’aurait que des désavantages, même du point de vue de l’économie.
Si, aux dires de Joschka Fischer, Madame Europe s’est transformée en Frau Germania, l’aspect convergeant de cette transformation est de plus en plus ressenti comme une mécanique imposée et autoritaire, et l’Allemagne n’aurait aucun intérêt à faire étalage d’arrogance voire même d’un « mépris historique » vis-à-vis de ses partenaires et encore moins vis-à-vis de la Grèce à qui elles doit en dédommagements de guerre et autres emprunts obligatoires la quasi totalité du montant de la dette grecque.