Référendum, négociations : les logiques du gouvernement grec

par Laurent Herblay
jeudi 2 juillet 2015

Il peut être difficile de comprendre ce qui se passe dans la crise entre la Grèce et ses créanciers, entre ruptures de négociations et publication fréquente de nouvelles propositions. Mais au final, même si le jeu de chacune des parties n’est pas totalement transparent, les logiques ont plutôt simples.

 
Partie de poker menteur
 
Tout l’enjeu dans la négociation actuelle est de savoir lire le jeu de son adversaire. S’il est plus inacceptable pour le gouvernement Grec de quitter la monnaie unique que de capituler aux exigences de ses créanciers, alors son jeu est faible. Du fait de tout ce que Tsipras avait cédé en cinq mois, et de l’habitude à obtenir ce qu’ils souhaitaient, malgré le bilan calamiteux des plans, il y a fort à parier que la troïka a cru avoir le meilleur jeu, d’où une demande de capitulation à la Grèce sans même daigner ouvrir le dossier de la restructuration de cette dette insoutenable. Mais en convoquant dans la nuit de vendredi un référendum pour dans 8 jours, Tsipras a sorti l’atout démocratique de sa manche.
 
Le délai d’annonce du référendum ne laisse pas le temps aux créanciers pour obtenir son annulation, juste le temps de se déshonorer et révéler leur caractère anti-démocratique. Ce faisant, Tsipras dit qu’il ne va pas enterrer ses promesses et tente un coup de poker : si le peuple dit « non », alors il reviendra plus fort dans la négociation. Ainsi, il semble indiquer qu’il est prêt à la rupture si les créanciers ne l’écoutent pas (ce qui est confirmé par le défaut du FMI), même s’il ne le dit pas clairement, peut-être pour ne pas effrayer les Grecs, à moins qu’il ne soit pas prêt. Mais qui sait si les créanciers préfèrent céder sur les demandes faites à Athènes plutôt que de prendre le risque qu’Athènes quitte l’euro ?
 
Tsipras : europrogressiste ou libérateur de son pays ?
 
Bref, comme on le voit, beaucoup de ce qui se passe depuis plus de cinq mois a sans doute à voir avec le jeu de la négociation. Mardi soir sur France 24, la question s’est posée de la contradiction qu’il y aurait à ce que les Grecs veuillent rester dans l’euro en refusant les plans proposés par les créanciers. D’abord, il faut noter que beaucoup, au premier rang desquels les « prix Nobel d’économie » Krugman et Stiglitz, jugent les plans des créanciers irresponsables. Refuser des demandes aussi irrationnelles qu’inhumaines n’est-il pas du simple bon sens ? Et la volonté de rester dans l’euro s’explique par le fait que pendant 30 ans, l’Europe a beaucoup apporté au pays, ce qui rend toute rupture difficile.
 
Mais en plus, l’élection d’Erdogan et le contexte géopolitique actuel du Moyen Orient créent probablement une crainte de la Turquie, cet encombrant voisin, qui fait également que la Grèce ne souhaite pas vraiment rompre avec le cercle européen, même s’il l’asservit et provoque un massacre social dans le pays. C’est tout le paradoxe de la Grèce, et probablement aussi de Tsipras. Est-il incapable d’envisager l’avenir hors de l’UE, ce qui amoindrit ses atouts dans la négociation, même en cas de « non » ? Ou est-il favorable à la sortie de l’euro mais préfère avancer pas à pas pour ne pas perdre les Grecs, un peu comme le Général de Gaulle au sujet de l’Algérie, pourraient dire certains. Ou ne sait-il pas encore ?
 

Un « non » du peuple Grec dimanche peut ouvrir la voie à deux scenarii. Si les créanciers acceptent un vrai compromis, un accord semble rester possible, mais ce ne serait que l’adoucissement de l’asservissement du pays. La véritable solution, la libération du pays, passe obligatoirement par une sortie de l’euro.


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