Siemens : la pieuvre corruptrice

par Michel Koutouzis
samedi 17 juillet 2010

 Qu’est ce qu’il y avait de commun chez les trois quarts du conseil des ministres grec des années Karamanlis ? Un conseil de ministres fort nourri. Tourisme, culture, télécommunications, santé, travaux publics, transports… et j’en passe. Tous ces ministères, auxquels il faut ajouter la manne des jeux olympiques, de la marine marchande et autres clopinettes voulaient se « moderniser », passer à l’âge de l’informatique et du numérique, devenir « compétitifs », ouvrir grands les bras au vingt et unième siècle. La clé de ce sésame polymorphe ? Siemens. Que et surtout Siemens. La commission d’enquête du parlement, qui n’a plus peur des mots définit cette omniprésence par l’auguste « Etat dans l’Etat ». Pas une seule activité n’échappait à la compagnie. Depuis les scanners, les IRM et autres tomographes jusqu’aux lignes de haute tension et autres voies ferrées, depuis les câbles à fibre optique jusqu’à la couverture radio, les antennes, et la sécurisation des paris en ligne du ministère des sports, la sécurisation des sites et des trains, pas une seule photocopieuse n’échappait au monopole exclusif de Siemens et de sa filiale Intracom. Rien qu’au ministère de la santé, Siemens avait signé 164 conventions d’exclusivité avec les hôpitaux, ce qui perpétue sa présence à travers des contrats de maintenance jusqu’à la sainte Glin-Glin.

Cette omniprésence et les sommes distribuées pour la perpétuer sont si importantes que sur place le géant allemand s’est donné un nouveau nom (et une nouvelle direction) en espérant en faire un barrage qui arrêterait les cascades de scandales himalayens qui touchent la compagnie. Celle-ci, en Grèce, s’appelle « la nouvelle siemens » et son directeur déclare que plus jamais, au grand jamais, la compagnie ne s’appropriera un marché hors concours et appels d’offre en bonne et due forme. Peut-être. Mais, entre temps, une brochette de ministres de la très conservatrice et libérale « Nouvelle Démocratie » affrontent des accusations de corruption, de blanchiment, de délits d’initié, et last but not least d’obstruction à la justice. L’ancien président de l’organisme anti blanchiment, demis de ses fonctions par le gouvernement moribond avant les élections - le juge Zorbas -, déclarait encore la semaine dernière à propos du ministre de l’économie et des finances de l’époque, Mr Alogoskoufis : « il avait fait en sorte que je n’ai même plus du papier à lettres à mon bureau »…

Le nombre de sociétés écran, de comptes, de sociétés fictives (dont une grande partie ont été « découvertes » en Allemagne même et en Suisse, concentrent des centaines de millions que Siemens a généreusement distribué non seulement aux ministres mais aussi à des hauts fonctionnaires et autres directeurs des sociétés contrôlées par l’Etat. On leur donne aujourd’hui le nom de « caisses noires », des noms de code comme « A.Rocos » par exemple à usage exclusif de l’ex ministre des transports et télécommunications Mantelis qui est désormais inculpé de « blanchiment d’argent issu d’une activité criminelle » et interdit de sortie de Grèce.

Cependant, les enquêtes buttent sur le mur allemand. L’homme clé de l’affaire, Christophorakos, celui qui distribuait comptes et valises, avait eu la bonne idée d’accéder à la nationalité allemandes, et donc la court constitutionnelle de Karlsruhe refuse son extradition. Et il n’est pas le seul dans ce cas. La plus part des gérants des comptes noirs restent intouchables pour la justice grecque, malgré un nombre incalculable de preuves et indications. Au point que Monsieur Valirakis, présidant la commission d’enquête et en charge des pourparlers avec Berlin déclare amèrement : a quoi bon aller en Allemagne, si c’est pour revenir bredouille ? 


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