Syriza a-t-il capitulé face ŕ l’Eurogroupe ?

par Laurent Herblay
mercredi 25 février 2015

Il y a exactement un mois, les Grecs votaient pour mettre fin à la tutelle antisociale de leur pays par la troïka. Même si Alexis Tsipras semble encore très populaire et s’il est trop tôt pour émettre un jugement définitif, le nouveau gouvernement semble avoir beaucoup cédé vendredi et hier.

Capitulation en rase campagne ?
 
C’est la question qui se pose de plus en plus depuis le premier accord de vendredi. L’accord très rapide de l’Eurogroupe aux propositions de Tsipras incite sérieusement à la méfiance. D’ailleurs, le Monde a titré dans un premier temps son papier « la Grèce de Tsipras se plie aux exigences de Bruxelles  » et parle des remous que suscite au sein de la majorité tout ce qui a été cédé depuis une semaine. En fin de semaine, pas moins de quatre parlements nationaux, allemand, hollandais, estonien et finlandais, devront se prononcer sur les propositions du nouveau gouvernement grec. En cas de refus, le prolongement du plan grec ne serait pas confirmé. Le contenu de ces propositions est très inquiétant.
 
Tsipras prévoit de « répondre aux besoins liés à la progression de la grande pauvreté grâce à l’accès à la nourriture, à un logement, aux soins  » mais aucun détail n’est évoqué et il est précisé que ces politiques seront menées « en veillant à ce qu’elles n’aient pas d’impact budgétaire négatif  ». Il se focalise sur la lutte contre la désertion fiscale. Pire, il s’engage « à étudier les privatisations qui n’ont pas encore été lancées, de manière à maximiser les revenus que l’Etat pourrait en tirer  ». Et sur les salaires, il ne parle que d’« une approche intelligente de la négociation collective sur les salaires. Cela inclut une volonté d’augmenter le salaire minimum en préservant la compétitivité (…) L’augmentation de ce salaire et son timing seront décidés en concertation avec les institutions européennes et internationales  ».
 
Faut-il abandonner tout espoir ?

Devant les capitulations successives depuis vendredi, on peut se demander aujourd’hui si on peut encore placer le moindre espoir dans Syriza. La semaine dernière, le nouveau gouvernement grec a accepté de se placer dans le cadre des accords passés, tant honnis. Il a accepté de se soumettre (certes a posteriori) au jugement d’une troïka qui ne dit pas son nom. Lundi, Jean-Claude Juncker avait prévenu qu’avec le nouveau salaire minimum « il y aura six pays en Europe qui auront un salaire minimum inférieur  ». Mais que reste-t-il des promesses de fin de la tutelle du pays et de rupture politique avec les politiques antisociales du passé, pourtant votées de manière prometteuse quelques jours après l’élection.

Pour qui veut garder espoir, on peut se dire que les textes acceptés ces derniers jours pourraient être un moyen de se garder les mains libres pour les quatre prochains mois, qu’ils n’empêcheraient pas une remise en cause d’un certain nombre de politiques du passé. Il est sans doute encore un peu tôt pour juger Tsipras définitivement, mais la tendance est tout de même très inquiétante, comme le notait avec raison Romaric Godin dans la Tribune suite à l’accord de la semaine dernière. Où l’on voit que ne pas être capable de rompre avec ces maudites institutions européennes est une camisole qui limite grandement la capacité de décision d’un gouvernement, comme on le constate depuis si longtemps.

Il n’est pas exclu que Syriza nous surprenne en bien dans les prochains mois mais faute est de constater que les derniers jours représentent une sacrée douche froide pour ceux qui, y compris en Grèce, espéraient que leur pays sortirait de la tutelle de la troïka et des politiques antisociales.


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