Terrorisme : Les leçons de Molenbeek

par William Kergroach
samedi 23 février 2019

Les potentiels terroristes djihadistes en occident sont, au minimum, 8000. Il faut trente personnes pour surveiller chaque individu... Il serait peut-être temps de tirer les leçons de Molenbeek, capitale européenne du djihadisme en Belgique, pour s'attaquer aux racines du mal.

Les émeutes et les pillages qui ont encore eu lieu à Molenbeek, dans la banlieue de Bruxelles, au début de cette année 2019, renforceront encore son image de capitale européenne du Djihad, de quartier interdit aux flics et aux pompiers. C’est une réalité indiscutable. Il reste à comprendre ce qui a créé cette situation, si la Belgique est la seule touchée par le phénomène et s’il y a moyen d’y remédier.

Les neuf auteurs connus des attentats de novembre 2015 à Paris avaient séjourné à Molenbeek. Les attentats à la bombe de mars 2016 à l'aéroport de Bruxelles et à la station de métro Maelbeek ont ​​été planifiés par Salah Abdeslam, originaire de Molenbeek. Ce dernier est également derrière l’attentat du Bataclan, à Paris. Même les armes utilisées lors de l'attaque de Charlie Hebdo provenaient venaient de Belgique. Ayoub El Khazzani, l’auteur de l’attaque dans le TGV entre Amsterdam et Paris, en En août 2015, venait de Molenbeek... « Presque chaque fois qu’un attentat terroriste se produit, il existe un lien avec Molenbeek » résumait Charles Michel, le Premier ministre belge.

Il est vrai que la Belgique a produit plus de combattants djihadistes, par habitant, que n’importe quel autre pays d’Europe occidentale. 543 « Belges » sont partis combattre en Syrie et en Syrie aux côté des djihadistes. Les guillemets autour de la nationalité « belge » sont là pour questionner l’adhésion de ces jeunes gens, la plupart étaient Musulmans originaires d’Afrique, à un pays qui n’existe déjà pas pour les Wallons catholiques et les Flamands protestants d’origine européenne. La Belgique est un pays artificiellement créé en 1830 par la Grande-Bretagne pour empêcher la France et la Hollande de s’approprier ce territoire qui fait face à Albion. Comment intégrer des étrangers et leurs enfants dans un pays auquel on ne croit pas soi-même ? La réflexion peut être poussée vers nombre de pays occidentaux où l’idée de patrie est aujourd’hui tournée en dérision par les partisans de l’internationalisme et de la mondialisation triomphante.

Au-delà des chiffres et des sensations, tâchons d’identifier les causes profondes de cette situation et de voir si ces causes ne se retrouvent pas ailleurs qu’en Belgique, dans la périphérie de la capitale de l’Europe ?

Un des facteurs communs à la genèse d’entreprises terroristes à Molenbeek est économique et social. Molenbeek est la deuxième commune la plus pauvre de Belgique. 80% de sa population est musulmane, la plupart de ses habitants étant originaires d’Afrique du Nord, en particulier du Maroc. Un peu moins du tiers sont au chômage. En résumé et en clair, c’est un ghetto africain. Est-ce le seul d’Europe ?

Un autre facteur qui explique les faillites des services de sécurité et de police proviennent de la corruption des milieux politiques, sécuritaires et judiciaires belges. En 1989, Marc Dutroux, est condamné à 13 ans et demi pour le kidnapping et le viol de cinq enfants. Il est libéré au bout de trois ans, reçoit une pension généreuse pour compenser le "préjudice psychologique" qu'il a subi en prison…. Melchior Wathelet, le ministre de la Justice de l’époque, actuellement avocat général à la Cour européenne de justice, a été accusé d’avoir appartenu, lui-même, à un réseau pédophile. Jean-Marc Connerotte, le juge du dernier procès de Dutroux en 2004, se sentait tellement menacé qu’il demandait une protection policière accrue pour sa sûreté. Marc Dutroux a été protégé au plus haut niveau. La population belge a perdu confiance, à juste titre, dans sa police et sa justice. Là encore, les affaires de corruption des forces de l’ordre et d’implication, soigneusement tues, de magistrats dans les ballets roses ou bleus n’est pas un monopole bruxellois… Simplement, les parents qui craignent ou constatent la radicalisation de leurs enfants n'informent tout simplement plus la police.

Les soldats armés en treillis de combat sont fréquents dans les rues bruxelloises. Ils stationnent, comme leurs homologues français dans le cadre du plan Vigipirate, aux coins des rues et dans les transports en commun. A Bruxelles, une ville théoriquement bilingue, beaucoup ne comprennent pas le français, ne parlons pas de l’arabe. Si l’outil de la paix est le dialogue, des efforts d’enseignement et de formation à la citoyenneté d’un côté et de formation en langues étrangères et culture africaine de l’autre devraient être pertinents, non ? Pour cela, il faudrait que les politiciens soient motivés par leur patrie et qu’ils reconnaissent courageusement que l’Islam peut conduire au djihadisme, que certains quartiers ne diffèrent guère aujourd’hui de Bagdad, Kaboul ou…Marseille.

Beaucoup de jeunes Magrébins en colère semblent générés par Molenbeek. Là encore, on retrouve des quartiers ouvriers au nord et à l'ouest, comme Molenbeek, et des quartiers sud où une classe moyenne aisée vit sans dans un autre monde. La première grande vague d'immigration musulmane a eu lieu en 1964, lorsque la Belgique, sous la pression des grands patrons, a signé des accords d’immigration avec la Turquie et le Maroc.

Le rôle prépondérant de l'Arabie saoudite remonte, lui, à mai 1967 : un incendie détruit un grand magasin bruxellois, faisant 323 morts. Le roi Fayçal verse de l'argent à la ville à la suite de la catastrophe. On lui remet, en remerciement, les clés de la Grande Mosquée, la plus ancienne de Bruxelles… Le Salafisme, étroitement lié au wahhabisme prôné par le royaume saoudien, entre en Belgique avec l’autorisation des autorités belges… Les relations troubles entre les partis politiques au pouvoir en Europe et les bailleurs de fonds du Golfe n’est pas un dossier exclusivement belge. Le Wahhabisme est le ferment essentiel du terrorisme djihadiste d’aujourd’hui. Les Saoudiens et les autres pays du Golfe financent les réseaux islamistes en occident et dans le monde. Encore faut-il avoir politiquement le courage de le dénoncer.

Quel est le rôle des médias sociaux dans cette histoire ? Des sites anversois comme Sharia4Belgium ont fait penser que le net était le principal moteur du djihadisme. Mais on oublie que le partenaire d’affaire du djihadisme est le gangster. Un cas typique est Khalid Zerkani, le plus gros recruteur de l’Etat islamique en Belgique, qui enseignait aux gamins que le vol des « mécréants » était autorisé par Allah. L’argent du Golfe finançait le trafic. Un gosse qui part pour le Djihad rapporte 300 euros à ceux qui l’ont recruté.

Pour lutter contre des réseaux djihadistes internationaux organisés, il faut des services de sécurité formés, coordonnés et équipés, capables d’infiltrer les cellules terroristes, de contrôler les transactions d’armes, ainsi que des contrôles frontaliers efficaces et des échanges rapides entre services de renseignements. Sur tous ces points, la Belgique est nulle. Jusqu'en 2006, on pouvait entrer dans une armurerie à Bruxelles et acheter une arme à feu sans permis. 100 000 armes à feu circulent en Belgique. Si l’on ajoute les nombreux trafiquants qui viennent des Balkans pour écouler leurs armes de guerre, la Belgique mérite sa réputation de supermarché des armes illicites.

Si vous êtes donc un terroriste et que vous souhaitez attaquer une capitale européenne, la zone Schengen, qui permet la libre circulation entre 28 pays, vous autorise à frapper n’importe où. Il n’y a pas de force de police européenne.

Aujourd’hui, huit à dix mille personnes sont des terroristes potentiels du djihadisme, la plupart étant des désespérés en rupture de ban avec leurs familles et leurs amis « d’avant ». Surveiller chacun d’entre eux requiert trente agents. Il est donc impossible de les surveiller.

C’est donc du côté du chômage, de l’éducation et de l’intégration qu’il faut travailler. Aux yeux des revendications répétées de pureté morale et d’intégrité des mouvements intégristes qui suscitent la violence terroriste, une réflexion ouverte sur nos excès laïcards, sur l’argent devenu roi et nos devoirs familiaux oubliés ne saurait nuire. On pourrait ajouter, au risque de faire sourire, qu’un petit supplément d’amour ne serait pas de trop dans notre monde soumis à la technologie sans âme et au seul matérialisme vénal.

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