Tsipras demande aux Grecs d’appouver sa politique euraustéritaire

par Laurent Herblay
lundi 24 août 2015

Décidément, le feuilleton Grec nous réserve un flux continu de rebondissements. Après des tergiversations aboutissant à un référendum-surprise semblant pousser à la rupture, Tsipras a choisi de capituler sur toute la ligne, faisant passer trois textes à l’Assemblée en contradiction totale avec son programme. Maintenant, il démissionne pour provoquer de nouvelles élections. Qu’en penser ?

 
Syriza, nouvel avatar social-démocrate
 
Les sept derniers mois ont de quoi donner le tournis. En janvier, Syriza était encore en train de dénoncer les politiques austéritaires demandées par les dirigeants européens et acceptées par ses prédécesseurs. Mais après de longues négociations et un référendum brillamment gagné contre l’austérité, Tsipras a capitulé et fait voter par le Parlement trois textes demandés par la troïka : les hausses d’impôts mi-juillet, juste après l’accord du 13 juillet, puis un texte sur les réformes dites « structurelles », enfin, il y a quelques jours, le texte définitif de l’accord sur le nouveau plan, de 86 milliards. La semaine dernière, Athènes a touché la première tranche de ce plan et remboursé la BCE. En fait, Tsipras a attendu la mise en place de tout l’arsenal de la troïka pour démissionner et provoquer de nouvelles élections.
 
Tsipras admet qu’il « n’a pas obtenu l’accord qu’il souhaitait avant d’être élus en janvier (…) nous avons lutté et fait des compromis (...) Cet accord, nous sommes obligés de le respecter  ». Il soutient « avoir malgré tout réussi à obtenir des exigences inférieures à celles de l’accord précédent », ce qui est faux, car il a accepté plus que ce qui lui était demandé fin juin. Samedi, George Katrougalos, ministre du travail, était sur Europe 1 pour défendre Tsipras. Il a tenu le discours habituel du centre gauche, parlant même d’Europe sociale. Pire, il a défendu le fait que le gouvernement Grec n’aurait pas eu d’autres choix que d’accepter cela. Quand la gauche dite radicale qui reprend le TINA de Thatcher pour justifier l’austérité ! Sur Marianne, Panagiotis Grigoriou a dénoncé « le dernier acte de l’escroquerie politique Syriza  ».
 
Sortir d’une impasse politique

Mais il y a aussi des arguments plus politiques, que décrypte bien Coralie Delaume sur son blog. Au final, Alexis Tsipras n’a plus de majorité politique stable puisqu’il a du compter sur les voix des partis qui avaient soutenu les précédents mémorandums pour les trois textes de cet été, car un certain nombre des députés de sa courte majorité ont décidé de s’y opposer. A moins de former une alliance avec d’autres partis (ce qui est difficilement concevable étant donné que Syriza s’est bâtie sur l’opposition aux partis du passé, accusés de tous les maux), Tsipras est sans majorité. On peut imaginer qu’aujourd’hui, il pense sans doute pouvoir gagner une majorité avec un Syriza expurgé des membres opposés au nouveau mémorandum. Aujourd’hui, il occupe une place centrale dans l’espace politique.

Et, en agissant aussi vite, et par surprise, Tsipras asphyxie l’opposition, même si les frondeurs de Syriza devraient concourir avec un parti indépendant. Mais le timing choisi par Tsipras ne leur facilite pas la tâche. Ils n’auront que très peu de temps pour faire campagne, et expliquer notamment la nécessité de quitter la monnaie unique, ce qui demande de la pédagogie. Et les Grecs pourraient avoir l’impression de repartir à zéro en votant pour eux, ce que les longs mois de négociation pourraient ne pas leur donner envie de faire. En effet, malheureusement, il ne faut pas oublier que de nombreuses raisons poussent les Grecs à accepter le dur traitement qu’on leur demande de mettre en place depuis plus de cinq ans. Ce faisant, le pari d’Alexis Tsipras pourrait bien, malheureusement, être gagnant.

 

En fait, Tsipras fait la pari, pas fou, qu’une majorité des Grecs sont sur la même ligne que celle qu’il exprime aujourd’hui, que s’ils en ont assez de l’austérité et de la tutelle, ils préfèrent encore rester dans l’euro plutôt que d’y mettre fin. Pendant ce temps, les charognards pourront agir, et dépouiller le pays de ses aéroportsTsipras est devenu le meilleur ambassadeur de l’euraustérité, comme la réaction de l’UE le montre.
 

Lire l'article complet, et les commentaires