Un chevalier de Malte pas comme les autres
par Berkay WILLIAMS
mardi 27 avril 2010
En France, la laïcité et la République sont des mots qui vont bien ensemble à toutes les sauces, se servant de pilier en alternance. Mais combien de citoyens sont au courant que La France est le seul pays constitutionnellement laïque de l’Union Européenne ?
La constitution portugaise qui cite la laïcité une fois (article 41), n’est en fait qu’un concordat du modèle Alsace Moselle. Tandis que tous les autres pays membres sont plus ou moins séculiers, certains même pas...
La laïcité est donc bien une exception française dans l’espace européen. Mais pour combien de temps ?
La constitution portugaise qui cite la laïcité une fois (article 41), n’est en fait qu’un concordat du modèle Alsace Moselle. Tandis que tous les autres pays membres sont plus ou moins séculiers, certains même pas...
La laïcité est donc bien une exception française dans l’espace européen. Mais pour combien de temps ?
Malmenée par la montée non pas de l’islam, mais de l’islamisme parmi sa population musulmane la plus importante de l’Europe, remise en question même par “son” chef d’état Sarkozy, jusqu’à quand la France pourra assumer, et surtout comment assurer cette exception ?
La laïcité n’est pas un acquis naturel, c’est un choix social imposé par un vécu collectif. Sa survie dépend de la continuité de son enseignement aux jeunes générations qui en jouissent sans avoir subi son manque.
Si la laïcité est le pilier de l’éducation nationale, l’éducation n’en est pas moins de la laïcité et dans ce cas, l’on peut considérer que “l’exception française” est déjà bien égratignée par les concessions faites à l’école privée, voire confessionnelle.
L’implantation de la confrérie islamiste Fethullah Gülen est un vers de plus dans la laïcité vulnérable de l’Education Nationale. Il ne faut pas sous-estimer cette organisation mondiale, ni ses écoles encore peu nombreuses en France. Aucun pays de l’Europe n’est épargné, il y en a même à Malte !
Une fois en place, la machine est vorace. Certains pays le réalisèrent plus vite que d’autres. La Russie qui mène des enquêtes sur les établissements de la confrérie depuis 2003, ferma 16 écoles sous le motif officiel de “nuire à l’éducation nationale et faire la propagande de l’islamisme radical” et extrada 52 enseignants en 2006, qu’elle dénonce preuves à l’appui, de “fomenter des résurrections ethniques sur le sol russe”, dans le but (supposé) de servir les intelligences étrangères (Source : quotidien turc Cumhuriyet, 10.02.2006).
L’Ouzbekistan avait précédé la Russie : les 18 écoles qui s’y étaient implantées furent fermées et leurs enseignants turcs interdits de séjour entre 1999 et 2000. La raison était claire : en Février 1999, le président ouzbek Kerimov échappa de justesse à un attentat à la bombe, dont les commanditaires ouzbek étaient soupçonnés d’appartenir au mouvement Gülen, et qui fuirent... en Turquie.
Ils furent arrêtés à l’aéroport d’Istanbul et extradés vers l’Ouzbekistan en Mars 1999 puisque le “mouvement” n’était pas encore au pouvoir en Turquie via le gouvernement AKP, ce qui est le cas aujourd’hui.
L’avenir du mouvement Gülen est actuellement incertain au Kirghizistan aussi. Le gouvernement déchu de Kourmanbek Bakiev avait permis à la confrérie de cerner le pays (5,5 millions d’habitants) d’une quinzaine de collèges, lycées, une université et d’une chaîne de magasins appartenant au “meilleur ami” du premier ministre turc Erdogan et fervent serviteur de Fethullah Gülen, un homme d’affaire international nommé Remzi Gür.
Selon la presse turque (odatv.com) les opposants qui renversèrent Bakiev ont saccagé tous les magasins de ce dernier, avec une délectation particulière, et le nouveau régime de transition ne verrait pas d’un bon oeil les établissements du Maître, à son goût un peu trop soutenu par les Américains. Mais ce n’est pas tout : les Kirghizs soupçonnent la nébuleuse Gülen d’avoir incité la Révolution des Tulipes qui avait hissé l’ex-président Bakiev au pouvoir.
Bien sûr la France n’a rien à voir avec ces pays émergents d’Asie, immatures et fragiles. Elle ne risque pas d’être la scène d’une pareille infiltration islamiste, du travail de sape contre le régime ou d’un conflit qui opposeraient ses intérêts à ceux des Etats Unis. Pourquoi voudrait-on la déstabiliser d’ailleurs ? Elle n’a ni gaz naturel, ni pétrole...
Mais est-ce que les Américains contrôlent vraiment les politiques qu’ils mettent en place aux quatre coins du monde et les armes qu’ils créent ? Car la confrérie panturkiste islamiste de Fethullah Gülen en est une, ni ses écoles, ni ses entreprises ne sont sûrement pas là pour intégrer le penser français chez les jeunes immigrés musulmans, encore moins celle de la laïcité.
C’est une organisation profondement anti-laïque, qui prêche un islam évangéliste aux masses musulmanes que les EU ont décidé de rédempter, pour le bien et au nom de l’Occident, faute de pouvoir les contenir. Soit.
İl faut être aveugle pour ne pas voir que les sociétés judéochretiennes de l’Europe vieillissent et pour plusieurs d’entre elles, la relève sera issue d’une immigration plutôt musulmane.
Le projet d’éradiquer le radicalisme et l’obscurantisme avec une islamisation évangéliquement convergente et coopérative peut être un “dessein intelligent”. Et assurer ainsi la pérennité de l’héritage culturel judéochrétien, surtout en Europe, pourquoi pas ?
Et pourquoi si ? Qui peut garantir qu’un projet aussi ambitieux va réussir dans le sens prévu, que la manipulation presque génétique de l’islam servirait à le modérer et non pas le grossir ?
Sur une des sites web satellites de la confrérie Gülen, un acolyte se félicite en 2008 de la première école turque à Malte : “Ces établissements servent de relais vers la conversion à l’islam. Malte est un jardin fruitier, cette école est le premier arbre que nos émigres dévoués y plantent. ‘Inchallah’ nous vivrons assez longtemps pour voir ce jardin bien garni. Que leur nombre augmente et que la tâche soit aisée, par la volonté de Dieu.” (www.nurforum.org)
Je vous rappelle que Malte est hautement symbolique : la confrérie panturquiste et islamiste Gülen revient là, où les Chevaliers de Malte s’étaient battus contre les Ottomans, la croix avait arrêté l’avancée du croissant en 1565.
Comme toutes les écoles du mouvement Gülen, l’école de Malte aussi à un site web (www.visionmalte.com) qui ne laisse rien apparaître quant à son appartenance. En 2009, une seconde école s’est ajoutée à celle-là, mais je n’ai pu localiser son site web.
Il n’est d’ailleurs pas possible d’établir une liste complète ni des écoles, ni des sociétés affiliées, ni d’aucune activité de la confrérie. C’est à cause de cette opacité qu’elle est définie comme “galaxie ou nébuleuse Gülen”.
Les mauvaises langues racontent que les 2 écoles maltaises de la confrérie Gülen sont sous la protection du magnat Mubariz Mansimov, un armateur azerbaidjanais (turcoman) dont la flotte est l’une des cinq premières du monde.
Ancien agent du KGB et ex-oligarque russe, Mansimov prit la nationalité turque récemment. Il a bâti son empire depuis Malte, avec une première société Palmali Shipping, en 1989. Il est profondément panturquiste et musulman. Quelle coalition !
Et cette fois, la voie est libre, le marché libéral, et pas de Chevaliers de Malte à l’horizon...
(à suivre)
(à suivre)
Crédit image : bergolix