Un traité alternatif pour résoudre la crise financière européenne

par Bernard Dugué
mardi 6 décembre 2011

Depuis la crise financière de 2008, suivie par la crise de la dette, les sommets s’enchaînent et les marchés se déchaînent, prêtant à des taux élevés au risque de mettre les Etats dans des situations ingérables. La croissance ne sera pas la solution pour la dette puisque la décennie se dessine sous un scénario à la japonaise. Le bon sens conduit à penser qu’il n’y a pas de solution, ou qu’elle n’a pas été trouvée, sinon, ça se saurait et ce théâtre des sommets européens serait achevé. En fait, il y a une solution envisageable que je vais présenter en libellant un traité européen alternatif simple dans sa formulation et qui ne nécessite aucun bricolage puisqu’il peut se superposer sans aucune modification des traités en vigueur et peut être appliqué en très peu de temps.

 

Proposition de traité RCC monéthique européen


Article 1 : les pays volontaires membres de la zone euro s’entendent pour créer chacun chaque année une masse monétaire libellé en euro et créditée sur les finances publiques mais elle ne sera pas une créance.


Article 2 : le montant de cette masse obéira à deux critères. Il sera calculé à partir du PIB de chaque Etat membre. Le pourcentage sera fixé à la majorité qualifiée chaque année et ne pourra être inférieur à 3 %. 


Article 3 : l’emploi de cette masse monétaire sera strictement encadré. La monéthique ainsi créditée sera exclusivement, par la voie des fiscalités nationales, à octroyer aux citoyens des pays membres les plus démunis un revenu complémentaire. Les gouvernements de chaque Etat sont les exécutants de la mesure spécifiée à l’article 3 et fixent la répartition du crédit éthique en respectant une clause de progressivité. 


Conséquences du traité RCC monéthique européen 


Au niveau européen, ce traité assure l’équité financière puisque chaque pays crédite le montant monéthique proportionnellement à son PIB. La disposition prévue à l’article 2 devrait être de nature à satisfaire les exigences germaniques puisque chaque pays est récompensé par les résultats de sa croissance. Si cette disposition permet de sortir de la crise, elle le fera en contournant ces interminables marchandages sur les euro obligations qui noient les disparités économiques en faisant payer les pays vertueux pour renflouer les pays dépensiers. Contournées également ces interminables négociations sur le rachat des dettes par la BCE avec des arbitrages pas toujours impartiaux : mettez-moi 10 milliards d’espagnole, 15 d’italienne et 5 de portugaise et pourquoi pas, un peu de française. Dernier point qui n’est pas de détail, la création du montant éthique étant assignée à chaque Etat, la compatibilité avec la constitution allemande devrait être garantie (ce qui n’est pas le cas avec les eurobonds).

 

Au niveau national, on comprend que chaque pays sera doté d’un souffle financier conséquent, lui permettant de gérer les finances publiques avec une plasticité accrue. Prenons l’exemple de la France mais cela vaut pour chaque pays. Avec un PIB de 2000 milliards d’euro, le montant éthique sera de 60 milliards. Distribué sur environ 20 millions de foyers fiscaux les plus bas, cela donne une moyenne de 3000 euro l’an versé à chaque ménage, sous forme d’impôt négatif pour les foyers non imposables et sous forme de réduction d’impôt pour les foyers faiblement imposés. Par exemple, un ménage payant 1000 euros d’impôt sur le revenu pourrait voir sa fiscalité réduite de 500 euros. Le barème doit être voté par la voie parlementaire. C’est compliqué mais pas plus que le calcul des tranches d’imposition. Examinons la suite des arguments pour expliquer ce nouveau souffle budgétaire.

 

Au niveau social, les dispositions du RCC monéthique sont de nature à rétablir un équilibre en réduisant les inégalités et en renflouant ceux que le système a mis sur le côté. Ce point est acquis et ne nécessite pas d’explication supplémentaire autre que moral et éthique.

 

Au niveau économique et financier, le montant éthique ne peut qu’aider les Etats à retrouver le chemin des équilibres budgétaires et même de réduire à terme leur dette. C’est simple à comprendre puisque l’argent injecté dans le budget des ménages les plus nécessiteux sera dépensé, ce qui par le biais des taxes comme la TVA et autres répercussions sur l’imposition, fera des entrées fiscales supplémentaires. Dans le même temps, les aides sociales et les salaires publics peuvent être bloqués, ce qui n’a rien de scandaleux. Faites le calcul. Un ménage nécessiteux recevant quelque 5000 euros l’an d’allocations diverses pourra bien se passer des 3 % d’augmentation annuelle s’il est renfloué à hauteur de 3000 euros par le RCC monéthique.

 

Dans le même temps, la modération salariale pourra être acceptée, ce qui amène un cercle vertueux en créant un facteur de modération dans les tensions inflationnistes, point délicat à discuter, surtout pour nos amis allemands. En fait, l’inflation pourrait être contenue si on prend en considération d’une part la capacité productive globale ainsi que l’ouverture des produits à la concurrence. Quelques analystes craindront une baisse de l’euro mais est-ce bien grave dans le contexte de surévaluation de la monnaie européenne face au dollar ? De plus, cette baisse pourrait être limitée car si la perspective de la dette impayée s’éloigne, l’euro trouvera une confiance accrue. Quant à la BCE, elle conserve son rôle en limitant elle aussi les tensions inflationnistes.

 

Pour clore cette présentation, une vision globale permet d’anticiper une croissance nouvelle car avec 3 % de PIB injectés pour la consommation des plus démunis, cela devrait booster les PIB de quelques points, avec à terme la résorption des dettes et un effet sur l’emploi. Cette croissance sera bel et bien due à une économie réelle, celle qui permet au gens de travailler et consommer, au lieu d’une croissance artificielle qu’on a connue depuis deux décennies et qui a conduit notamment l’Espagne vers l’impasse des bulles immobilières. Pour finir, soulignons que les pays reprendront leur destin en main et parviendront à se libérer de l’asservissement des marchés pour gérer leurs finances publiques.

 

Et ce détail qui ne vous aura pas échappé. L’article premier n’impose pas l’unanimité dans les négociations. C’est voulu, afin d’éviter le cas où un pays bloquerait la signature de ce traité. Il suffit donc que l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne s’entendent. On voit mal alors les autres pays s’exclure de ce traité en se privant de cet outil budgétaire et social qu’est le crédit éthique.

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