Union bananière européenne

par Sébastien Ticavet
samedi 13 décembre 2008

L’affaire est entendue : les Irlandais ont mal voté en juin dernier, ils devront donc retourner aux urnes en novembre 2009 pour autoriser la ratification du Traité de Lisbonne.

Les 27 pays membres de l’Union européenne sont en effet arrivés à cette conclusion aujourd’hui, au terme du dernier conseil européen sous présidence française.

A vrai dire, cette décision n’est pas une grande surprise.

Dès l’annonce de la victoire du NON à 53% dans le seul Etat ayant organisé un référendum, on savait bien que les eurocrates n’allaient pas en rester là.

Cela fait maintenant quatre ans qu’ils s’évertuent à faire passer leur Constitution européenne, rebaptisée Traité de Lisbonne après le double NON franco-néerlandais de 2005. Peu importe les moyens, la fin est ardemment recherchée.

Cette décision appellent quatre réflexions :

1. Pour ceux qui en douteraient encore, voilà l’ultime preuve que l’Union européenne est devenue une machine antidémocratique.

Une lente mais sûre dérive depuis les années 1980 et l’Acte unique a conduit les "élites" européennes à se couper progressivement de leurs peuples, qui de façon de plus en plus récurrente se sont mis à rejeter les Traités qu’on leur concoctait.
Il y avait eu les seconds votes au Danemark (pour le Traité de Maastricht), et déjà en Irlande (Traité de Nice), dans les années 1990.


Il y eut le passage en force contre le double NON référendaire à la Constitution européenne : les parlementaires ont été appelés à la rescousse pour valider des textes rejetés massivement dans les urnes (rappelons qu’en 2005, quand 54,7% des Français disaient NON, 93% de leurs députés et sénateurs disaient OUI. Le vote positif des parlementaires étaient donc acquis, sans besoin d’un quelconque débat démocratique).

Il y eut l’accord des 27 à ne pas soumettre au référendum le Traité de Lisbonne. Seule l’Irlande n’a pu y échapper, contrainte par la jurisprudence de sa cour constitutionnelle.
Il y a enfin ce nouveau vote programmé des Irlandais.

L’Europe de Bruxelles s’est longtemps faite dans le dos des peuples, elle se fait maintenant ouvertement contre eux. Le président de la République tchèque Vaclav Klaus n’exagère pas quand il affirme que "c’est la post-démocratie qui gouverne l’Union", comme il l’a déploré ce week-end, répondant à une interpellation de Daniel Cohn Bendit. C’est une dérive plus qu’inquiétante que beaucoup dénoncent et à laquelle il est urgent de mettre un terme. Les élections européennes nous donneront une bonne occasion d’agir en conséquence ;

2. On peut ensuite s’étonner du fait que la décision de faire revoter les Irlandais soient le résultat d’un "compromis entre les 27 Etats membres de l’Union et la Commission européenne".

Dans une démocratie, le mode de consultation du peuple est une affaire de stricte souveraineté nationale.

Il n’y a guère que durant les périodes les plus sombres de notre Histoire que les Etats furent déssaisis de cette liberté démocratique élémentaire ;

3. On remarquera que contrairement à ce que nous ont dit et répété en 2005 les fanatiques de la Constitution européenne, un pays qui dit NON n’est pas en position de faiblesse à la table des négociations.

Au contraire, à condition qu’il y ait une volonté politique énergique, il peut défendre ses positions plus efficacement. Les quelques concessions faites à l’Irlande, tel que l’octroi d’un commissaire européen permanent, sont certes très loin de répondre aux attentes du peuple irlandais, mais elles prouvent que ce ne sont pas les pays béni-ouiouistes qui obtiennent des avancées et une meilleure promotion de leurs intérêts ;

4. Sur le fond même du Traité enfin, on ne peut s’empêcher de relever l’insupportable décalage entre les discours et les actes.

Alors que nos dirigeants sont tout occupés depuis quelques semaines à dénoncer les excès du libéralisme, de la mondialisation débridée, et des règles européennes de la concurrence, les voilà qui s’acharnent à faire voter un Traité qui accentue précisément toutes ces dérives !

Pacte de stabilité, culte de la "concurrence libre et non faussée", régime dogmatique de contrôle des aides d’Etat, libre-échange intégral intra et extra-européen, déréglementations des services publics, tout y est ! Tout se trouve inscrit noir sur blanc dans le Traité de Lisbonne. Aucune leçon n’a en réalité été tirée de la très grave crise que nous traversons. Il n’y a que des mots, des belles paroles, des leurres.

Sur ces quelques réflexions, que pouvons-nous souhaiter ?

Que les Irlandais disent NON, tout simplement. Que, plus nombreux encore qu’en juin dernier, ils assènent une vraie leçon de démocratie à nos eurocrates. Qu’ils leur signifient qu’on ne peut plus accepter un tel recul des principes démocratiques. Qu’ils réalisent sur le fond des choses que la crise que nous traversons est précisément la crise du modèle économique bruxellois, fondé sur le culte de l’argent, des marchés et de l’ouverture à tous les vents.

Quelles que puissent être ses convictions en matière de politique économique et européenne, tout démocrate digne de ce nom est scandalisé par ce qui se passe.

Tout démocrate digne de ce nom a le devoir de se sentir solidaire d’un peuple irlandais bafoué dans sa liberté. A travers ce que l’on fait aux Irlandais, c’est l’ensemble des citoyens d’Europe que l’on touche.
Réagissons, vite.

http://www.levraidebat.com


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