Zone euro : capitulation ou explosion ?

par Laurent Herblay
samedi 21 février 2015

On sait peut-être depuis cette nuit si la nouvelle réunion de l’Eurogroupe, débutée hier après-midi, a abouti à un accord sur la situation de la Grèce. Mais le bras de fer entre capitales européennes a été tellement tendu qu’il semble aujourd’hui qu’il n’y aura pas de compromis.

Coup de poker de Berlin ?
 
Comme le dit Romaric Godin, les négociations semblent aller dans le sens de Berlin. Lundi, le gouvernement grec a accepté des points qui semblent contradictoires avec son programme même si Sapir souligne que cela est plus compliqué. Sous conditions, Athènes a accepté de reconnaître les engagements passés et in fine les contrôles de la troïka et renoncer « à toute action unilatérale qui pourrait remettre en cause les objectifs budgétaires, la reprise économique et la stabilité financière  ». Tout ceci semble contradictoire avec les premières mesures prises juste après les élections (hausse du SMIC, fin des privatisations et embauche de fonctionnaires). Alexis Tsipras a-t-il capitulé devant Berlin ?
 
Sur la même longueur d’onde que Jacques Sapir, Romaric Godin, qui couvre les négociations pour la Tribune, émet l’hypothèse que « les Grecs aient cédé pour mieux montré l’intransigeance allemande et pouvoir refuser toute responsabilité en cas d’aggravation de la crise  ». D’ailleurs, comme on le pressent depuis quelques temps, c’est Berlin qui semble aux commandes aujourd’hui. Le même journaliste soutient que l’Allemagne est sans doute dans une logique politique, déterminée à faire un exemple pour « vider le programme politique de Syriza ». Ainsi, les pays membres n’auraient d’autres choix que d’accepter les conditions allemandes, ou partir, sans possibilité de compromis.
 
Trois issues pour une crise

Si on suppose, comme Romaric Godin, qu’Athènes craint davantage le Grexit que l’Eurogroupe (ce que pourraient indiquer les déclarations de VGE, qui s’y est déclaré favorable), la première issue possible pourrait alors être une reddition de Syriza aux conditions allemandes. Bien sûr, il y aura des petites concessions pour essayer d’assurer la survie du nouveau gouvernement. Mais une telle issue poserait deux problèmes : la stabilité politique de la Grèce ne pourrait pas être assurée, le peuple et quelques députés pouvant se désolidariser devant une telle reddition. Ensuite, cette nouvelle victoire de Berlin pourrait être une victoire à la Pyrrhus, sapant à terme une Union beaucoup trop inégale.

L’autre option serait un blocage complet, la Grèce refusant d’aller plus loin alors que l’Allemagne jugerait les concessions de lundi toujours insuffisantes, poussant Athènes, à défaut d’accepter son diktat, de voler de ses propres ailes en dehors de la zone euro, avec le concours financier de qui le souhaite, Russie ou Chine. Après tout, Berlin pourrait juger qu’il n’est pas acceptable de participer à la zone euro si les pays membres ne suivent pas ses règles. Alexis Tsipras serait contraint de quitter la zone euro, contre sa volonté déclarée. Mais après le départ de la Grèce, il y a fort à parier que la spéculation se déchainerait contre les autres pays en difficulté de la zone, dans un prélude possible à son démontage.
 
Les conséquences ultimes d’une absence d’accord font que, si Syriza refuse d’aller plus loin, il n’est pas impossible, sous la pression des autres pays de la zone, que l’Allemagne cède finalement aux dernières conditions grecques. Après tout, Athènes a fait des efforts et Berlin pourrait préférer ne pas être vu comme le responsable de l’explosion de la monnaie unique. Angela Merkel pourrait alors jouer au gentil policier, avec son ministre des finances comme le méchant, pour arracher encore quelques concessions et obtenir un accord politiquement vendable dans son pays, qui ne donne donc pas l’impression qu’elle cèderait trop aux cigales du Sud financées par les fourmis travailleuses du Nord.
 
Quelle que soit l’issue de cette nouvelle crise, elle démontre de facto que la zone euro est une construction instable, outre le fait d’être volontiers antisocial et antidémocratique. Un accord ne semblerait être qu’une étape de plus avant le démontage de cette construction si dysfonctionnelle qui attise les tensions.

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