Béziers : les envoyés spéciaux au front

par Julie Dep
jeudi 27 mars 2014

Ou au zoo. A trois jours de l'élection que devrait gagner Robert Ménard - dans un fauteuil, selon un sondage Ifop* et le climat local -, on voit s'aventurer dans les artères maudites de Béziers, mais surtout dans les permanences des candidats, plus douillettes, de jeunes journalistes envoyés là en première ligne par leurs supérieurs hiérarchiques comme les troufions d'antan. Mal assurés, renfermés, ils ne vont pas, ou guère, vers les premiers intéressés que sont les habitants. Dans l'attente d'un obus, ou au moins d'un esclandre digne d'être rapporté, ces spectateurs s'emmerdent ferme.

Il arrive alors qu'intervertissant les rôles on les aborde, ne serait-ce que pour les occuper, comme on l'a fait avec cette très jeune et très méfiante de Rue89 qui somnolait, hier, au fond d'un canapé distant, à la permanence de Choisir Béziers, dans la seule et unique attente d'y voir entrer l'un de ses soutiens FN. Ce qui demande une certaine patience, leur proportion n'étant que de 3%.

On lui demande de se faire un jugement par soi-même, non par Pierre Haski interposé, et coincé à 700 bornes ; d'aller considérer, juste à côté, l'état d'abandon du centre-ville, où un à un ferment les derniers commerces après plus d'une décennie de dégringolade ; de comparer les programmes des trois candidats, dont la seule différence notable est qu'ils furent inspirés par Ménard, seul à dégager l'enthousiasme et l'énergie nécessaires à leur mise en œuvre.

On se garde, bien sûr, d'évoquer un communautarisme qui crève les yeux, a fait fuir en périphérie ceux des middle class qui le pouvaient, et pleurer les autres sur le bon vieux temps où, au lieu d'hommes entre eux, de femmes voilées entre elles, c'étaient des couples qui arpentaient les Allées et flânaient aux terrasses des cafés.



Ni une police en vacances toutes les nuits de 23h à 7 h (vacances que le charmant M. Du Plaa justifie par le fait que plus personne n'est dehors, alors que si nul ne s'y risque, à part les dealers, c'est précisément, etc.). Sujets tabous.

Mais enfin, on lui a parlé. Et à peine s'étonne-t-on, dans l'heure qui suit, de lire en ligne un compte rendu passant la conversation sous silence, ou presque, pour se focaliser sur la visite d'un M. Beck, 'anticapitaliste identitaire', à la permanence.

L'article, résumé à cette présence d'un frontiste dans les locaux du candidat soutenu par eux, aura coûté des frais de mission dont Rue89/NlObs aurait pu faire l'économie.

De même qu'Elkabach pouvait engueuler Ménard du siège parisien d'Europe 1.

On ne s'en plaindra d'ailleurs pas trop, puisque de cet abandon du (vrai) journalisme de terrain bénéficie l'alterosphère.
 

*Pour Midi libre et Europe 1 (47% contre 30% à Aboud et 22% à Du Plaa-Couquet)


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