Faux départ et vrai succès pour le tramway clermontois
par Henry Moreigne
lundi 16 octobre 2006
Après trois années de travaux et un demi-siècle depuis la disparition du dernier tram, les Clermontois espéraient bien pouvoir se rendre, le lundi 16 octobre, au travail en tramway. Partie remise. Par une décision digne de Salomon, le préfet du Puy-de-Dôme a simultanément donné le feu vert pour l’inauguration et une gratuité de deux jours pour le public, et refusé l’autorisation d’exploitation commerciale. Derrière des enjeux très politiques, c’est pourtant une ville en liesse qui a fêté son tramway retrouvé.
Le retour du tramway à Clermont, c’est un projet vieux de dix ans. Rien n’aurait été possible sans la volonté de son maire Serge Godard. L’édile a de la suite dans les idées. Peu importe le lâchage en cours de route du projet par l’Etat, les millions nécessaires ont été trouvés ailleurs. Le modèle même du tramway n’est pas conventionnel. Ici, on est à Michelin ville. Ce sera donc un tram (le Translohr) fabriqué par l’industriel alsacien Lohr sur pneumatiques Michelin. Et ça marche. Ou plutôt, ça marchait comme sur des pneus, jusqu’au jour où un automobiliste inconscient a eu un accident sur un ouvrage d’art, le viaduc Saint Jacques. Un morceau d’enjoliveur coincé dans le rail de guidage aurait, semble-t-il, été à l’origine du "déraillement" d’un galet de guidage, sans gravité, d’une rame en cours d’essai.
Occasion inespérée pour certains de tenter de faire capoter une mécanique trop bien huilée, futures élections municipales obligent. Faisant fi des 100 000 kilomètres de parcours à blanc sans incident, le préfet, suivant officiellement les recommandations des services de l’Etat, a refusé dans un premier temps l’homologation de la majeure partie de la ligne, et donc, de facto, l’autorisation d’exploitation commerciale. Cinq nouvelles semaines de tests sont évoquées. Mauvais financeur, l’Etat se révèle aussi mauvais joueur. La candidature annoncée de longue date de Brice Hortefeux, actuel ministre des collectivités locales, à la mairie de Clermont-Ferrand laisse planer le doute sur la nécessité de ces prolongations d’essais, d’autant que le tout fraîchement nommé préfet du Puy-de-Dôme était préalablement un collaborateur direct de M. Hortefeux au ministère.
Des considérations dont se soucient peu les Clermontois, qui ont répondu en très grand nombre aux différentes fêtes de l’inauguration. Présenté comme le cinquième élément après l’eau, la terre, le feu et l’air, le tram clermontois, dans son habit bordeaux (couleur de lave en fusion), a fière allure. Une fierté partagée par les habitants d’une ville longtemps déconsidérée, aujourd’hui rajeunie. Au pied des volcans endormis, une ville s’éveille. Enfin.