Manifestation contre l’arrêté « anti-jeunes » à Montfermeil

par Olivier Bonnet
jeudi 27 avril 2006

L’information n’a pas vraiment fait les gros titres, mais depuis le 7 avril dernier, il est interdit aux mineurs de 15 à 18 ans de circuler à plus de trois dans le centre ville de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Quelle que soit l’heure. Les contrevenants sont passibles d’une amende de 38 euros. Un collectif appelle à une manifestation samedi.

Pour aller manger un grec ou s’offrir une séance de cinéma, interdit d’avoir plus de deux copains ! Xavier Lemoine, le maire de la ville (UMP, ancien villiériste, tiens, tiens...), génial promulgateur de cet arrêté, le justifie par une augmentation de "623 % des vols avec violence". Il explique que la mesure est destinée à permettre "la dispersion d’attroupements". Attroupements à quatre ? Si deux couples décident d’aller boire un verre ensemble, devront-ils y aller séparément ? Lemoine s’agace : "Il y a l’esprit et la loi. L’arrêté sera appliqué avec souplesse et discernement. Il permet simplement d’intervenir en cas de difficulté." Justement, monsieur le maire : une loi (inapplicable de surcroît) destinée à n’être utilisée que dans certains cas (lesquels ?) n’ouvre-t-elle pas la porte à l’arbitraire et au délit de sale gueule ? L’opposition municipale juge l’affaire "lamentable" et stigmatise un appel du pied aux électeurs d’extrême droite - Le Pen avait enregistré ici le score de 22,55 % des voix au premier tour de la présidentielle de 2002. N’est-ce pas justement la stratégie choisie par Nicolas Sarkozy ?

Une volée de bois vert
L’initiative du maire de Montfermeil fait en tout cas grincer les dents de la très officielle défenseure des enfants (fonction créée par la loi du 6 mars 2000) : "Je trouve cela consternant, des enfants peuvent se promener à plus de trois sans être par définition stigmatisés comme de possibles délinquants", déclare ainsi Claire Brisset, juste avant de tirer sa révérence, son mandat expiré. Le vice-président du Tribunal de grande instance et président du Tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig, glose quant à lui sur l’efficacité de l’arrêté : "Qu’est-ce qui justifie une telle mesure ? L’augmentation des vols à l’arraché dans la ville qui seraient commis par des mineurs. Admettons, avec les observateurs, la réalité du fait. Mais en quoi la mesure prise par l’édile municipal peut-elle contribuer à éradiquer le crime ? Les spécialistes policiers notamment sont sceptiques sur son efficacité. D’autant qu’en l’espèce le maire fait preuve d’une sacrée méconnaissance du modus operandi. Les agresseurs sont généralement deux ou trois dont l’un jouant à distance le rôle de guetteur ; jamais plus de trois ! Il eût donc fallu interdire tout rassemblement de plus de deux personnes et même là, comme je viens de le relever, on ne toucherait qu’une partie des équipes en cause !", écrit-il sur son blog. Mais malgré cette volée de bois vert, le scandaleux arrêté "anti-jeunes" reste applicable. Aussi le PCF, le PS, ATTAC et le MRAP ont-ils créé pour l’occasion un collectif baptisé Libres et égaux, annoncé qu’ils allaient déposer un recours devant le Tribunal administratif pour faire annuler cet arrêté "absurde", et appelé à une manifestation samedi prochain, à partir de 11 h 30, devant la mairie de Montfermeil.


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