Le protestantisme teutonique, prussien puis allemand... Cinq siècles de guerres
par L’apostilleur
samedi 5 avril 2025
- L'empire allemand et son protestantisme intégré.
On a vu l’intrication réussie du protestantisme et de l’univers prussien et son modèle de société militariste (1), une caractéristique de son origine Teutonique suprémaciste.
Ficelé dans l’appareil gouvernemental par Guillaume III, le ministère les affaires religieuses devient l’âme du royaume. L’ambition dominatrice du pouvoir royal se conjuguait avec l’inspiration idéologique du Calvin théocrate qui entendait déjà réformer le monde catholique. Le duché devenu royaume puis auto-proclamé empire entendait justifier cette usurpation avec une continuité supposée du « Ier Reich » (Xe s.). Sauf que ces protestants Teutoniques, devenus prussiens puis allemands n’avaient plus la légitimité papale d'un sacre impérial, ni les pouvoirs des empereurs précédents. Le « Saint-empire romain germanique » un mythe manipulé dont aucun empereur ne saura reproduire le modèle romain, une chimère pour le IIe Reich « empire allemand » de 1871. Et pour cause ... (cf. nota fin de page Saint empire romain germanique). Les prétentions germaniques en marche ne s’arrêteront pas à ces considérations historiques devenues prétextes pour ce qui suivra.
- Des nuages bien sombres pour l’Europe avec cet empire protestant allemand, d’essence prussienne.
En 1834 la suprématie militariste prussienne s’impose lors de l’unification allemande. Bismarck et Guillaume créent le IIe Reich en 1871, une émanation de l’influente Prusse pour qui l'Etat c'est l'armée. Les nationalistes deviennent impérialistes et reproduisent l'organisation et le colonialisme de l'ordre Teutonique, un modèle politique pour son expansion vers l'est, en taisant l'origine non protestante des moines - chevaliers.
Après sa victoire de 1870 sur la France, la Prusse veut imposer son protestantisme à l’Allemagne devenue impérialiste, un diktat protestant habituel dans les pays d'Europe du nord avec la religion protestante, religion d'Etat.
Après la guerre, les prussiens francophobes et aussi anticatholiques que les calvinistes (2) des Sept-Provinces (Pays-Bas), tenteront de convertir le Saint-empire romain germanique historiquement catholique. L'anticatholicisme était largement répandu chez les libéraux en Prusse et en Europe.
En 1871 Bismarck voulait lutter contre l'Église catholique principal danger pour l'unité nationale de l'empire. Comme dans les états protestants allemands, le souverain faisait office de "summus episcopus" (évêque suprême) des églises régionales, les protestants intégraient la gouvernance de l’Etat. En 1866 les prussiens vaincront les catholiques autrichiens et envisageront de se déclarer « Etat chrétien » (protestant) en 1870. Avec la Kulturkampf les catholiques subiront des mesures répressives, plus de la moitié des évêques catholiques de Prusse seront en exil, 1 800 prêtres seront emprisonnés ou expulsés du pays, les biens de l'Église catholique confisqués, et un quart des paroisses prussiennes resteront sans prêtre. Le despotisme prusso-protestant des siècles précédents se perpétuait.
En 1915, des pasteurs protestants célébrant le 100e anniversaire de Bismarck le jugeront "digne descendant de Luther".
- Les ennemis de mon ennemi sont mes amis.
Pour Léopold Ranke « la réformation c’est la libération nationale, la voie théologique qui conduit l’Allemagne à elle-même ». Une fusion de l’identité nationale et du protestantisme qui amènera une ère nouvelle pour « la liberté de la pensée et des démocraties nouvelles », grâce à Luther disait Michelet. Malgré les violentes diatribes anti-juives de Luther avec « Des Juifs et leurs mensonges », la gauche libérale majoritairement protestante s’alliera avec des juifs. D’autres verront plutôt dans cette nouvelle Allemagne les germes suprémacistes et racialistes prusso-allemands de la fin du XVIII siècle, pour Hegel "L'erreur pour un peuple est d'abandonner ses caractères biologiques. L'Allemagne proprement dite s'est gardée pure de tout mélange sauf sur sa frontière méridionale et occidentale ou la bande de territoire fut soumise aux romains." Un funeste présage de ce que réservait le nouvel empire allemand colonialiste avec son premier génocide du XXe s. en Namibie (4) et ses expériences anthropologiques raciales qui préparaient dans la foulée celles du nouvel Etat-nation allemand avec ses nazis. Ces prussiens ont laissé aux populations locales là-bas leur héritage protestant avec des négationnistes locaux descendants des colonisateurs.
Le premier génocide du dernier roi de Prusse protestant et dernier empereur allemand, préfigurait l’holocauste qui suivra.
En 1933 le suprémacisme germanique persistait avec l’idée d'une « … Église allemande (qui) ne devait pas effrayer le protestantisme, car il est lui-même Église populaire dans les limites de la germanité … ». Certains protestants pas très clairs et oublieux de leurs crimes se contrediront, les uns accuseront PIE XII et son silence sous entendant une collusion du Vatican avec les nazis, alors que leurs coreligionnaires reprochaient au Vatican son opposition aux nazis « …L’Église évangélique n’exaucera pas l’attente de l’Église romaine en nous appelant à une croisade contre le national-socialisme ». Des opinions désordonnées de protestants sans clergé.
- Le protestantisme séparé de l’Etat, pas pour longtemps.
Il faudra attendre la fin de la première guerre mondiale avec la fin de l’empire pour que les églises protestantes perdent leurs liens institutionnels avec les états, une décision de la nouvelle république.
Pas pour longtemps.
En 1933 l’activisme de protestants proches du parti nazi et constitués en faction sous l’appellation « Mouvement confessionnel des chrétiens allemands » conduira à la fusion des différentes églises, avec ces devenus « Chrétiens allemands » nationaux-socialistes. Au sein de l’Eglise protestante leur « Führer » le pasteur Joachim Hossenfelder considérait les chrétiens allemands comme « les SA de Jésus-Christ ». Cofondateur du mouvement religieux antisémite, il devient le premier dirigeant du Reich. Symbole du poids protestant, l’Allemagne d’après-guerre le laissera diriger des églises évangéliques luthériennes. Les protestants ont alors leurs représentants aux plus hauts postes de l’Etat.
Hossendorfer dira « … notre Adolf Hitler homme d'une seule pièce, fondé sur la pureté, la piété, l'énergie et la force de caractère ». En 1933 ces chrétiens allemands nazifient l’Eglise évangélique avec le Führerprinzip qui élimine notamment les références juives de la Bible, exclu les pasteurs d’origine juive ou mariés à des juives. Le judaïsme devient une catégorie racialisée.
« l’Allemagne à majorité protestante dirigée par des protestants a produit le nazisme » - Emmanuel Todd.
- Les nationalistes allemands revendiquaient leur attachement à l'ordre Teutonique.
Fasciné par les Teutoniques Hitler récupérera la croix de fer Prusse de leurs descendants pour sa croix de fer allemande.
Croix de fer prussienne (1803)
Croix de fer allemande
Pour effacer des mémoires les ravages de son histoire tragique, le territoire historique du royaume de Prusse sera finalement dissout en 1947 et partagé entre la Pologne, la Russie et la Lituanie. Les ruines du château royal des Hohenzollern (*) furent dynamitées en 1968 sur l’ordre de Leonid Brejnev afin de faire disparaître toute trace du « militarisme prussien ».
Le gigantesque mausolée allemand de Tannenberg qui célébrait la victoire prussienne de 1914, symbole de la revanche des prussiens Teutoniques vaincus cinq siècles plut tôt à Tannenberg (Grunwald), sera détruit aussi. La croix des chevaliers y côtoyait celle des nazis pendant la cérémonie d’enterrement du maréchal Hindenburg.
La Prusse inspiratrice de l’Allemagne nazie sera rayée des cartes.
Mémorial prussien de Tannenberg arrangé par Hitler 1934
Dans une Allemagne majoritairement protestante, les catholiques paieront plus cher que d’autres leur opposition aux nazis. Les catholiques du sud (Pie XII était bavarois) s’opposeront aux dirigeants protestants et seront parmi les premiers à rejoindre les camps de concentration ; 2720 prêtres et moines (dont 447 allemands) furent enfermés rien qu'à Dachau avec 2579 catholiques et 109 protestants.
L’histoire de ces protestants ne fut pas toujours glorieuse et participe de la réserve de ces historiens à nous en dire plus. Pourtant juifs et protestants souvent anti -catholiques, contribuent ici et là avec des documentaires sans nombre à rappeler leurs nombreux péchés aux catholiques. Reste que l’histoire du protestantisme aura été mêlée aux pires drames que l’Europe aura connus avec ses millions de morts et deux génocides.
- Une exploitation à postériori par des émancipés du Saint empire romain germanique.
Certains juifs et protestants auraient trouvé avec ces révoltes calvinistes, l’ébauche des lumières et de la Révolution française (3). Philo protestants et prussophiles voyaient avec cette émancipation prussienne la réussite possible de leurs aspirations pour « la Révolution française et la Réforme protestante ». Une justification probable des conséquences des révoltes et des guerres les plus meurtrières jamais connues en Europe, un tiers de la population européenne disparaitra dans ces carnages au XVIIe. Sous Napoléon III des socialistes révolutionnaires se réjouiront des succès calvinistes aux Pays-Bas. Eblouis par une émancipation réussie, ils passeront sur les libertés individuelles bridées, les carcans calvinistes, la furie de leurs iconoclastes (2) et les guerres religieuses entre ces chrétiens différents.
L’histoire dite par les raconteurs d’une communauté est souvent épurée de ses propres fautes, des historiens concernés négligent alors les causes et les turpitudes de leurs semblables et dérogent aux obligations de l’Histoire.
Les calvinistes se nourriront d’une doctrine contraire à l’humanisme des catholiques, elle résonne avec les crimes que certains commettront au titre d’une différenciation dogmatique ou « scientifique » entre les hommes ;
- « … Dieu a déterminé ce qu'il voulait faire de chaque homme. Car il ne les crée pas tous pareils en condition, mais ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à l'éternelle damnation. Ainsi selon la fin pour laquelle est créé l'homme, nous disons qu'il est prédestiné à la mort ou à la vie" (Calvin)
- En 1937, Mengele adepte de la science raciale pensait les Allemands biologiquement différents des autres races et qu’ils leur étaient supérieurs.
- Les calvinistes et l'immigration choisie.
Avec celle des Huguenots du Cap (Afrique du Sud), l'histoire partielle ne commence qu’avec la révocation de l’Edit de Nantes. L’immigration était choisie par leurs coreligionnaires hollandais pour cette destination, les français qui pouvaient accéder à ce territoire devaient avoir des compétences viticoles comme ceux de Lourmarin. Ils réussiront à développer de nombreuses exploitations (*), et leur mérite sera même salué sur un tunnel qui conduit à de très grands domaines.
(*) A noter qu’aujourd’hui encore, le résultat diffère pour l’essentiel d’avec les prodiges de nos vignerons.
- Des Teutoniques devenus prussiens protestants... aux Reiche (1/2)
- Victime de Louis XIV, Vermeer s’illustrera en France après une histoire en questions -
- VERMEER, les républicains socialistes et le marché de l'art.
- Restitution de crânes d’un autre génocide moins connu mais lourd de sens pour l’Allemagne. –
Nota. Le mal nommé "Saint empire romain germanique"
- De la Prusse état omnipotent des protestants au « Saint empire… », une ambition tirée par les cheveux.
La Prusse protestante n’avait pas grand-chose à voir avec le Saint empire romain germanique qu’elle entendait phagocyter. Hitler ŕevèlera ses ambitions en se faisant rapporter l'épée de Charlemagne.
Le " Saint-empire romain germanique" était devenu un titre usurpé et sans fondement depuis longtemps. La distinction impériale était une prérogative de Rome depuis Charlemagne, Napoléon Ier s’y pliera à sa manière.
Le Saint empire romain germanique devenu confédération (XIVe s.) permettra à Charles Quint d’acheter son titre avec son banquier Fugger, qu’ils négocieront mieux que François Ier avec les princes-électeurs.
Réduit à sa dimension germanique l’empire ne pouvait pas se réclamer romain et encore moins avec ses protestants en conflit avec Rome, « germanique » s’opposait à « romain », un protestant ne pouvait pas devenir empereur. On attache généralement la fin de l’empire à la date du renoncement de son dernier empereur en 1806. Or en 1648 le traité de Westphalie avait déjà entériné la perte des attributs mythiques de son modèle « empire » et « romain ».
« L’empereur du Saint empire romain germanique » devenait élu par sept princes électeurs, quand Charlemagne ira à Rome comme quelques autres chercher la couronne de l’empire des romains qui deviendra du « Saint - empire » avec Otton Ier ou Charles Quint couronnés par un Pape.
L’empire romain d’Occident avait marqué l’Europe avec ses conquêtes et sa religion unique, quelques siècles plus tard de nombreux prétendants aspireront au couronnement impérial. Selon les époques, certains seront couronnés, d’autres s’autoproclameront avec ou sans l’accord du Pape, d’autres encore se contenteront du titre de roi des romains notamment pendant les embrouilles avec les protestants. Avec Charles Quint l’empereur n’était plus qu’une pâle copie des originaux romains. Que pouvaient attendre ses sujets germaniques de cet empereur aux considérations nuancées : « Je parle espagnol à Dieu, italien aux femmes, français aux hommes et allemand à mon cheval ».
Si le titre de roi des Romains attribué par des Electeurs germaniques exprimait la prétention des postulants à rétablir l’empire romain d’Occident, lui ajouter le suffixe « germanique » soulignait des limites territoriales, des disparités religieuses et une inhomogénéité en contradiction avec sa référence historique.