Instantanés d’une plage ordinaire - 5 -
par C’est Nabum
samedi 17 août 2013
Le Bonimenteur reste à la maison ...
Le départ à la plage …
Qui n'est jamais venu à la mer en tribu, grande famille aux multiples branches, aux générations qui se succèdent, ne peut comprendre le petit billet qui va suivre. Pour les autres, voilà un moment que vous avez partagé. Si pour beaucoup, il est désormais rangé dans les souvenirs épiques, pour certains, il est encore d'une actualité brûlante.
Chez les Gagnant, la maison de vacances regroupe quatre générations. C'est un espace qui déborde de toutes parts, les adolescents et les jeunes couples ont planté des tentes autour de la vaste demeure, pleine comme un œuf. Toute la tribu a décidé de partir ensemble à la plage. La chose peut paraître anodine, elle demande pourtant une organisation digne d'une armée en campagne.
Entre l'annonce du départ et sa réalisation effective, il va s'en passer des palabres, des préparatifs, des agitations, des contre-ordres, des demi-tours et des disputes. Mettre tout le monde en branle n'est pas simple, obtenir un accord unanime semble tout bonnement impossible ! Les tenants de l'idée retenue seront les moteurs de la troupe quand les déçus traîneront les pieds sans avoir l'air de renâcler.
Le choix de la plage a, ce jour là, suscité bien des commentaires. Il s'agit d'aller en un lieu plus éloigné pour y retrouver des amis d'autrefois, des voisins de plage qui sont allés plus loin pour suivre les terrains de volley. Ce choix n'est pas sans conséquence. L'éloignement associé à la présence de très jeunes enfants impose des moyens de locomotion. C'est là, le point noir des congés d'été, la voiture est un calvaire et bienheureux sont ceux qui peuvent sans passer …
Un seul véhicule pour transporter parasols et serviettes, seaux et pelles, goûters pour les enfants et changes pour les tous petits. Si l'idée paraît raisonnable encore faut-il ne rien oublier. Le chargement s'avère un vrai casse-tête. Combien de fois le coffre sera-t-il ouvert et refermé, je n'en sais rien. La tension gagne pourtant ceux qui se sont rangés dans le camp des piétons.
D'autres ont fait le choix des bicyclettes. Si l'idée paraît raisonnable elle demande encore une certaine coordination. Les deux roues doivent partir ensemble, les cadenas viennent à manquer, toutes les clefs d'antivols n'ont pas été retrouvées. Il faut partir en peloton pour ne pas risquer d'ajouter des piétons au retour.
Les cyclistes, après des gonflements de précaution, des réglages de selles parfois délicats, des choix de coursiers sont prêts. Ils piaffent d'impatience car du côté de la voiture, tous les détails ne sont pas réglés. Qui va monter dans cette automobile au coffre si plein ? Qui va venir aider les deux automobilistes qui à eux seuls, ne pourront transporter tout le barda ? Voilà un nouveau point d'achoppement qui contraint les cyclistes à mettre pied à terre. Il est évident que quelques-uns d'entre-eux devront se rendre au devant des naufragés de la voiture.
Pour que cette délicate jonction puisse avoir lieu, il faut décider d'un parking susceptible de n'être pas complet. Le choix se porte sur celui d'un supermarché assez éloigné de la plage pour correspondre à cette nécessaire exigence. Voilà encore de nouveaux pas qui finalement ne font pas gagner grand chose aux tenants des véhicules. Les piétons rient sous cape, ils avaient bien dit qu'il serait plus simple de s'y rendre tous à pied …
Cela fait presque une heure que le départ a été décidé. Il n'est pas encore effectif. À la dernière minute, un biberon a été oublié, une bouteille d'eau manque à l'appel. Il faut encore attendre. Certains s'impatientent vraiment parmi les cyclistes, contraints à la solidarité avec les automobilistes chargés de la logistique. Les piétons sont depuis longtemps partis. Ils seront les premiers sur place.
Je regarde amusé et goguenard cette effervescence. Il est bien trop tôt pour moi pour risquer mon pauvre corps sous les rayons ardents. L'excuse est facile et j'en use à plaisir. Je ris de cette agitation comique, pense déjà au billet que je vais en tirer. Beaucoup penseront qu'il s'agit d'une farce, d'une mauvaise invention de ma part. Pourtant, rien de ceci n'est fictif. C'est ainsi que se déroule cette épopée estivale …
La maison est enfin vide. Je goûte ce calme si reposant pour coucher sur le pied ces instants surréalistes auxquels je viens d'assister. Pourquoi faut-il aller en vacances pour se compliquer ainsi la vie ? Pourquoi vouloir rester toujours en bande ? L'instinct grégaire sans doute. Je suis un vieux ronchon qui échappe à la norme. J'avoue ne pas en être mécontent.
Plus tard, quand le soleil sera beaucoup moins agressif, je rejoindrai la tribu pour apporter ma contribution à l'opération inverse, celle du retour. J'arrive un peu tard, la retraite s'est orchestrée sans moi. Les uns s'en sont retournés à leurs bicyclettes, les autres à leur voiture. Les piétons furent cette fois de corvée de bagage. Tout le monde (ou presque) a apporté sa contribution à cette migration si complexe. Je fais ma part, bien modestement, en immortalisant ce moment si intense. Que c'est beau les vacances !
Logistiquement vôtre.