Une rue de fil en aiguille

par C’est Nabum
vendredi 17 juillet 2020

Allée des Finettes

Le raconteur est toujours à la recherche de récits pour alimenter son moulin à paroles. Le nom des rues, quand les élus ont eu la sagesse de ne point les débaptiser au profit le plus souvent d’un homme (à 95 %) qui tombe rapidement dans l’oubli, provoque des réactions d’humeur ou bien n’a rien à voir avec la ville en question, permet de fouiller un pan de l’histoire locale.

C’est ainsi qu’allant faire prestation sur la rive sud de notre bonne cité ligérienne, je scrutais attentivement le plan à la recherche des traces laissées par la Loire en cette rive que Genevoix qualifiait de Berry quand La Fontaine disait Sologne. La rue de la Brèche rappelait les énormes dégâts causés par la rivière dans le quartier Saint-Marceau lors des crues centennales, la Bascule rappelant le passé marchand de cette rive également.

Bien sûr l’épopée Johannique a laissé ses traces avec Les Tourelles, les Augustins, la rue Vaucouleurs. Puis l’esprit peut vagabonder avec Le Coq Saint Marceau qui fait de l’œil au Lièvre d’Or qui évitait la Corne du Cerf alors que la Loire se signale à notre attention avec La Vieille Levée, la rue des Lavandières et naturellement la Croix Saint-Marceau érigée là en l’honneur des mariniers sauveteurs en 1846.

Je buttais sur la rue Guignegault qui m’intriguait sans que j’en trouve la signification dans cette partie de la ville ou guignes et cerises étaient à la fête. Je pensais avoir fait chou blanc quand l’Allée Finette m’interpella. Qu’est-ce donc là ? Perrault serait-il encore passé par là, lui qui fit naître de l’épopée notre Évêque Aignan, la fameuse réplique : Anne ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?

Que nenni puisque Finette ou l’Adroite Princesse est un conte de Marie-Jeanne l’Héritier de Villandon publié en 1695, merci Wikipédia. Le dictionnaire quant à lui ne répond que très partiellement à ma curiosité avec cette définition qui me met la puce à l’oreille : Finette ou Pilou-Pilou, étoffe de coton dont l’envers est pelucheux.

Ce pilou-pilou ne pouvait qu’éveiller bien des envies d’imaginaire même si le Coton me ramenait immanquablement à notre histoire de Loire lors de l’apogée du commerce triangulaire dans la ville. Il n’y avait pas que la mélasse qui arrivait par la Loire tandis que ce quartier n’échappa pas à la multiplication des raffineries sucrières. Le coton avait fait également son trou avec les tarbouches fabriqués en bord de Loire par des tanneries qui exploitaient les moulins tacreniers ou les bonneteries orléanaises du XVIII ème.

Il fallait donc creuser la question. La finette m’apprend-on supplante la flanelle qui nous venait du pays de Galles : Gwalen signifiant laine dans cette langue gutturale. Sa surface duveteuse est obtenue par foulage puis décatissage avant que la laine ne soit finement filée et grattée sur les deux faces. Le coton quant à lui fut gratté pour obtenir un frottage plus prononcé qui permet un aspect duveteux délicat et doux. Le pilou-pilou est gratté sur les deux faces tandis que la Finette se contente de l’envers.

La finette était idéale pour fabriquer les chemises de nuit et des vêtements légers que l’on portait en été. Doux, léger et frais ce tissu avait de quoi vous séduire. Pour éviter de vous ennuyer d’avantage, je ne m’étendrai pas sur sa fabrication qui semble si complexe que cette explication me laissa circonspect : « Le fil de trame passe sous un, puis sur trois autres fils de chaîne 3/1 en décalant d'un fil à chaque passage d'où l'effet d'oblique sur l’endroit du tissu. »

J’en savais assez pour associer ce nom de rue à l’histoire de la Loire, cela suffisait à mon bonheur. Par contre, je dois à la vérité de vous prévenir que désormais il est rare de trouver des chemises de nuit ou des pyjamas en finette et que si vous aviez l’intention de tester la douceur de ce tissu, vous n’aurez d’autre recours que de vous mettre à l’ouvrage. Le tissu s’achète encore dans les bonnes maisons spécialisées.

Finement vôtre.


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