De Spa à Monza 1991, les vrais débuts de Michael Schumacher : taxi londonien, résidence de cardinaux, chaises musicales et boomerang
par Axel_Borg
jeudi 27 septembre 2018
Jamais pilote de F1, pas même Ayrton Senna, Jacques Villeneuve, Juan Pablo Montoya ou Lewis Hamilton, n’a connu un début de carrière aussi agité que Michael Schumacher. De Spa Francorchamps à Monza en passant par Silverstone, le lac de Côme ou encore Londres, récit des quelques semaines qui allaient lancer l’odyssée du futur Kaiser …
Chaque saison à Silverstone, du milieu des années 90 jusqu’au milieu des années 2000, Eddie Jordan donnait un concert au public de l’ancien aérodrome Royal Air Force. Le team manager irlandais, batteur de ces live sessions improvisées, aurait pu faire de son mois de septembre 1991 le sujet d’une chanson.
Tout débute le lundi 10 décembre 1990, à Londres, près de Hyde Park Corner. Le pilote franco-belge Bertrand Gachot entre en collision avec un chauffeur de taxi londonien. S’en suit une altercation. Se sentant agressé, Gachot utilise un spray d’auto-défense. Le pilote ignore que ce type de bombe lacrymogène est interdit par la Perfide Albion. Huit mois plus tard, le jeudi 15 août 1991, celui qui est pilote de la naissante écurie Jordan parmi l’élite de la F1 est condamné par un tribunal britannique à 18 mois de prison ferme. Ce coup de pouce du destin va mettre le pied à l’étrier à un certain Michael Schumacher, jeune espoir allemand de Mercedes, au sein de l’arène des gladiateurs de la vitesse. Sans cet épisode qui porta l’estocade à la carrière de Bertrand Gachot, la fantastique aventure en F1 de Michael Schumacher n’aurait pas été la même. Il aurait sans doute accédé à la F1 tôt ou tard, avec le soutien de l’étoile Mercedes, afin de devenir le premier allemand champion du monde de F1, comblant les nostalgiques des titans Rosemeyer et Caracciola rivaux du grand Tazio Nuvolari dans les années 30.
Le comte Wolfgang Von Trips, décédé en 1961 à Monza, aurait pu devenir champion du monde avec la Scuderia Ferrari, tout comme Stefan Bellof, décédé en 1985 à Spa Francorchamps alors que Maranello souhaitait l’engager en 1986.
Ironie du destin, ce fut à Kerpen, là où le comte Von Trips avait légué à l’Allemagne une piste de karting, puis à Spa Francorchamps là où Stefan Bellof était décédé le 1er septembre 1985 au volant d’une Porsche 956, que la légende de Michael Schumacher prit corps.
C’est en 1973, après une collision contre un lampadaire que Rolf Schumacher, le père de Michael, décida que son fils aîné ferait du kart sur la piste construite par le défunt comte. Ancien maçon, Rolf devint gérant de la piste de kart pendant que sa femme Elisabeth s’occupait de la cafétéria.
En 1980, spectateur au championnat du monde de karting à Nivelles en Belgique, le jeune allemand (11 ans) n’était pas encore rentré dans l’adolescence qu’il découvrit la virtuosité d’un pilote venu d’outre –Atlantique, du Brésil : Ayrton da Silva, futur Ayrton Senna … Comme Senna, Michael Schumacher serait nourri par les fées du destin au nectar et à l’ambroisie. Plus encore que le Brésilien, l’épouvantail allemand allait cannibaliser la F1 avec des statistiques stratosphériques pour ne pas dire stellaires, faute de trouver un rival du calibre d’Alain Prost sur sa route par la suite. Entre 1988 et 1993, le sémillant duel entre Alain Prost et Ayrton Senna offrira à la F1 des montagnes russes d’adrénaline et des joutes d’anthologie.
Le décès d’Ayrton Senna en 1994 facilita l’ascension de Schumacher vers le sommet. Mais le pilote allemand était déjà en avance sur les temps de passage du fait de son transfert chez Benetton en septembre 1991. Si Damon Hill (Williams-Renault) en 1993, Jacques Villeneuve (Williams-Renault) en 1996, Juan Pablo Montoya (Williams BMW) en 2001 ou Lewis Hamilton (McLaren Mercedes) en 2007 ont très vite accédé à des top teams, beaucoup de futurs champions du monde ont dû patienter dans une écurie plus modeste à leurs premiers pas dans l’élite du sport automobile : Alain Prost chez McLaren Ford Cosworth en 1980 (avant la reprise du team par Ron Dennis), Ayrton Senna chez Toleman Hart en 1984, Mika Häkkinen chez Lotus Judd en 1991, Jenson Button chez Williams BMW en 2000, Fernando Alonso chez Minardi European en 2001, Kimi Räikkönen chez Sauber Petronas en 2001, Nico Rosberg chez Williams Cosworth en 2006, Sebastian Vettel chez BMW Sauber puis Toro Rosso Ferrari en 2007 ... Conjuguant sa progression au sein d’une écurie talonnant les top teams McLaren et Williams au changement de génération (retraites de Nelson Piquet, Nigel Mansell fin 1992 et Alain Prost fin 1993, décès d’Ayrton Senna au printemps 1994), Michael Schumacher est sacré champion du monde fin 1994, à sa troisième complète comme gladiateur de la vitesse. Dans l’Histoire de la F1, seuls trois hommes ont fait mieux : Emerson Fittipaldi en 1972, Jacques Villeneuve en 1997 et Lewis Hamilton en 2008.
Idole de jeunesse de Schumacher, l’archange et triple champion du monde Senna suscita bien plus tard une autre vocation, par une stupéfiante victoire le dimanche 11 avril 1993 à Donington Park sous une pluie apocalyptique, celle de Lewis Carl Hamilton, jeune métis britannique qui débuterait en F1 avec McLaren en 2007, reprenant le casque jaune de son idole défunte en 1994 avec Williams Renault sur l’autodrome Enzo e Dino Ferrari d’Imola, casque aussi célèbre et universel que le heaume noir de Dark Vador.
L’aîné des Schumacher fut en outre formé par Jochen Mass, pilote allemand des années 70 qui ne put jamais incarner l’espoir d’un titre mondial, au contraire de Von Trips et Bellof fauchés en pleine ascension sur l’échelle de la gloire.
Bernie Ecclestone souhaitait ardemment le retour des constructeurs allemands en piste, après que BMW (titrée en 1983 avec Nelson Piquet et Brabham) puis Porsche (championne du monde avec McLaren en 1984 via Niki Lauda, puis en 1985 et 1986 grâce à Alain Prost) aient déserté le paddock en pleine ère des turbos.
Mercedes, après plusieurs décennies de silence suite au drame des 24 Heures du Mans 1955, était prête à s’engager à deux conditions, une couverture télévisée et un pilote allemand de renom.
Bernie Ecclestone avait déjà fait 50 % du travail en s’assurant que RTL achèterait les droits de la F1, dans un sport devenu de plus en plus cathodique …
Il manquait le pilote … C’est alors qu’en 1988, Domingo Piedade, ancien mentor d’Emerson Fittipaldi, remarqua un jeune prodige sur la piste de Kerpen. Personnalité influente du sport automobile, Piedade a accompagné Michele Alboreto et Ayrton Senna à leurs débuts. Ses propres fils lui disent le plus grand bien de ce « Michel Cordonnier » qui deviendrait bien plus célèbre qu’autre Schumacher : Harald Toni Schumacher, le boucher de Séville face à Patrick Battiston en 1982, gardien de but de l’équipe nationale d’Allemagne de football et du FC Cologne. En 1987, le gardien publie un livre Anpfiff (traduit par Coup d'envoi en France) dans lequel il dénonce certaines scandales au sein de la sélection allemande. Parmi ces scandales, il y a les soirées arrosées lors des stages de préparations, le recours à des prostituées et au dopage aux amphétamines. Le camp d'entraînement de la Mannschaft situé sur le Lac de Schluch était même surnommé Schlucksee : le lac de la picole. Ce livre créé un scandale en Allemagne et Toni Schumacher est banni à vie de la sélection et renvoyé de son club. Il a reconnu dans cet ouvrage avoir utilisé un produit dopant, l'éphédrine. Si sa carrière internationale est terminée, lui faisant manquer la Coupe du Monde 1990 victorieuse en Italie pour la RFA, ce n'est pas le cas de sa carrière professionnelle, le gardien jouant jusqu’en 1996. Mais à partir de 1987, la voix est libre pour un autre Schumacher …
Directeur d’AMG, Domingo Piedade alerta aussitôt Gerd Cremer, directeur des relations publiques de Mercedes, alors qu’un certain Willi Weber, ancien gérant de discothèques, se porta garant pour financer la carrière de Michael Schumacher, fils de maçon, comme Juan Manuel Fangio … A son essai en F3 début novembre 1988 au Nürburgring, Michael Schumacher égala les temps de Frank Biela, alors leader du championnat d’Allemagne de la catégorie en 1988, devançant le chrono de Frank Engstle, pilote de l’écurie WTS de Willi Weber !
Ce dernier avait déjà remarqué Schumacher lors d’une manche de Formule Ford en 1988 à Salzbourg. Sous une pluie de fin du monde, le jeune pilote avait manqué son envol. 7e au premier tour, il avait remonté ses rivaux un à un avant de s’imposer avec vingt secondes d’avance, comme il le ferait le dimanche 2 juin 1996 avec Ferrari sur le circuit de Barcelone. Présent dans le public dans la ville natale de Mozart, Willi Weber avait alors noté le nom de Michael Schumacher : Malgré la pluie qui tombait à seaux, il dessinait tour après tour exactement les mêmes trajectoires, signe d’une parfaite maîtrise. Etonnant pour un pilote si peu expérimenté.
Une saison de F3 coûtant 300 000 euros, Schumacher lui-même s’interroge. Willi Weber réagit en businessman : Ne t’occupe pas de ça. Contente toi de courir, et aide moi à récupérer mon investissement. A ce moment là, Michael signe avec Willi Weber un contrat de management portant sur dix ans.
En 1989, Schumacher termina 3e du très relevé championnat d’Allemagne de F3, derrière l’Autrichien Karl Wendlinger et l’Allemand Heinz-Harald Frentzen. Wendlinger s’impose avec 164 points, devant Frentzen et Schumacher, 163 unités chacun. Mais Frentzen, ainsi que Michael Bartels, signe trois victoires, contre seulement deux à Schumacher et Wendlinger. Rendu célèbre par sa relation avec Steffi Graf, Michael Bartels se souvient de cette époque : Nous étions jeunes et fous. Nous abordions chaque virage le couteau entre les dents.
En 1990, surclassant la concurrence en F3 allemande, remportant le Grand Prix de Macao de F3, le jeune Schumacher rejoignit Wendlinger et Frentzen dans le Junior Team Mercedes de Peter Sauber, apprenant comme une éponge : l’anglais, indispensable pour communiquer avec les ingénieurs, la diététique, sur les conseils de Willy Dungl, ancien gourou de Niki Lauda, la communication et les relations publiques, et surtout la compréhension technique du pilotage et de la mise au point.
Fan de chocolat et de chaussons aux pommes, Schumacher respecta à la lettre les instructions de Willy Dungl, faisant tout pour gagner, tel l’ordinateur Lauda quinze ans plus tôt …
C’est ainsi qu’il signa le record du tour aux 24 Heures du Mans 1991, quelques semaines avant une entrée fracassante en F1, favorisée par Bernie Ecclestone.
L’écurie Jordan avait besoin de remplacer son pilote belge Bertrand Gachot, qui risquait la prison ferme en Angleterre pour avoir utilisé un gaz lacrymogène contre un taximan londonien … Eddie Jordan tenait la condamnation de Gachot pour acquise, et lança donc un processus de remplacement de son pilote.
Les candidatures de Stefan Johansson, Keke Rosberg et Derek Warwick étant rapidement écartées, le duo Willi Weber / Jochen Neerspach (Mercedes) se mit rapidement en action pour contacter Eddie Jordan, parti en vacances en Espagne. Weber se porte garant de la somme exigée par Eddie Jordan pour le test de Silverstone et la course de Spa, soit 150 000 livres sterling.
Orphelin de Gachot emprisonné par la justice d’outre-Manche (18 mois ferme), Eddie Jordan accepta donc un essai pour Schumacher à Silverstone. Le jeune espoir allemand de 22 ans arrive sur l’ancien aérodrome de la Royal Air Force lundi 19 août 1991, moulant son siège à l’usine Jordan adjacente du circuit. Le test eut lieu le mardi 20 août 1991. Ce fut la révélation pour les différents adjoints du team manager irlandais, Ian Phillips, Gary Anderson et Trevor Foster …
Incroyablement rapide pour un débutant, ne montrant aucune nervosité malgré le fait d’utiliser le moteur qui le propulserait cinq jours plus tard sur le toboggan des Ardennes, Michael Schumacher impressionna donc les adjoints d’Eddie Jordan, persuadés d’avoir trouvé un pilote capable de tenir la dragée haute à Ayrton Senna en personne, le champion brésilien étant à l’époque la clé de voûte de McLaren, la figure de proue du sport brésilien orphelin du roi Pelé, tout autant que le mètre étalon de la discipline reine du sport automobile.
Le vert de la monoplace ne symbolisait plus seulement le trèfle irlandais mais aussi l’espoir d’une ascension au sein du paddock.
Tel Frank Williams en 1983 à Donington lors des premiers tours de roue d’Ayrton Senna dans le cockpit d’une F1, l’écurie Jordan comprit rapidement qu’elle avait mis la main sur une star. Pour Trevor Foster, même Ayrton Senna n’aurait pas pu faire ce que Michael Schumacher fit ce jour là à Silverstone pour son bizutage avec une F1 …
Mais comme Williams, qui mit son veto à l’engagement du jeune espoir brésilien au motif qu’il n’était qu’un rookie, ou Brabham qui privilégia alors les intérêts du carioca Nelson Piquet plus que ceux de son sponsor italien Parmalat (explication officielle pour justifier l’engagement de Riccardo Patrese en 1984 au détriment d’Ayrton Senna), l’écurie Jordan rata le diamant de la décennie avec Michael Schumacher, qu’elle fit cependant courir pour son baptême du feu, le dimanche 25 août 1991 à Spa Francorchamps.
Le jeudi 22 août 1991, à Spa Francorchamps à la veille des premiers essais du Grand Prix de Belgique, Eddie Jordan revenu de ses vacances ibériques voulut faire signer un contrat au jeune prodige allemand, contrat portant sur plusieurs saisons. Affolé, l’espoir germanique appela Jochen Neerspach, son mentor chez Mercedes. Il veut que je signe. Sinon, il fait courir Johansson, explique Michael à Neerspach. Ce dernier conseilla au Mozart de la F1 de ne rien signer sans sa présence physique à ses côtés et de ne pas céder au chantage d’Eddie Jordan : Ne fais rien en mon absence. J’arrive demain. J’étudierai avec Eddie Jordan une lettre d’intention pour les saisons à venir, procédure préalable à un contrat que nous signerons après Spa.
A ce moment là, je lui ai dit « très bien, on oublie ça », ajoutant que j’allais faire appel à Stefan Johansson, se souvient Eddie Jordan. Je ne voulais pas faire courir Schumacher avant d’être au clair sur le futur et sur l’option que je voulais sur ses services pendant les trois années suivantes. Je prenais un gros risque en l’engageant. Je ne voulais pas l’amener en F1, constater qu’il était une future star et me le faire souffler sous le nez en 1992. Ca n’aurait pas été logique ...
Bien que menacé de rester à pied, Schumacher obéit à Jochen Neerspach. Ce dernier se fit faxer le contrat et n’en modifia qu’un mot, le retournant à Michael qui le signa. Eddie Jordan se croyait dès lors protégé.
Le changement était le suivant, mais on sait que le diable se niche dans le détails : la lettre d’intention de Jordan disait que Michael Schumacher était d’accord de signer LE contrat avec son écurie après le Grand Prix de Belgique. La modification suggérée par Neerspach transformait la phrase en un accord pour signer UN accord après le Grand Prix de Belgique. De la sorte, tout restait ouvert puisqu’il n’était plus fait allusion à un contrat en particulier. Deux lettres changèrent le destin et la carrière de Schumacher, mais aussi le futur de la Formule 1 pour les quinze années à venir, soit jusqu’en 2006 ...
Jordan ne sentit pas le piège mortel. Le fait que le pilote allemand ait signé un papier en sa faveur lui sembla d’un poids suffisant. Michael pilota la Jordan numéro 32 de couleur verte, sponsorisée par Seven-Up. Le papier prévoyant un espace publicitaire pour Mercedes et ses partenaires, un homme se présenta sur le circuit wallon le vendredi 23 août au matin pour apposer des autocollants TicTac et Dekra sur les flancs de la carrosserie de la Jordan Yamaha.
Ainsi, Michael Schumacher débuta bien en F1 à Spa Francorchamps le 25 août 1991, dominant copieusement son expérimenté coéquipier italien Andrea de Cesaris.
Logeant avec Willi Weber dans un chalet miteux d’un village de vacances niché au-dessus du circuit wallon, le jeune Allemand fit grand bruit sur le toboggan ardennais, se révélant aux yeux du paddock ébahi, 7e en qualifications et 4e du warm-up derrière le trio Senna / Mansell / Patrese, abandonnant en course sur rupture de son embrayage … Une telle démonstration sur un juge de paix tel que Francorchamps ne pouvait mentir, la F1 tenait là un pilote d’exception, une nouvelle étoile.
Ceux qui travaillaient dans l’écurie Jordan en 1991 l’affirment tous sans détour, Michael Schumacher aurait pu remporter (comme Giancarlo Baghetti en 1961 au Grand Prix de France) son premier Grand Prix en F1, exploit colossal que même Jacques Villeneuve en 1996 (à Melbourne) avec Williams-Renault ne put accomplir.
Qualifié 7e sur la grille belge, 4e du warm-up, le futur Pantagruel des circuits fut trahi par son embrayage au bout de 300 mètres de course. Son coéquipier italien Andrea de Cesaris, médusé par le talent de ce pilote venu d’ailleurs, se qualifia 11e et poussa dans ses ultimes retranchements le vainqueur du jour en Wallonie, le double champion du monde Ayrton Senna ! La Jordan donna ce jour là sur le toboggan ardennais du fil à retordre au bolide de Woking, si bien que beaucoup pensent que le David allemand aurait pu battre le Goliath brésilien pour leur premier duel sur l’asphalte.
Dans sa rubrique à l’hebdomadaire Autosport, le journaliste anglais Nigel Roebuck ne tari pas d’éloges sur le jeune prodige allemand : J’ai campé dans le stand Jordan tout le week-end. J’ai observé la manière dont il parlait à ses mécaniciens, ses ingénieurs, son équipier ainsi qu’aux journalistes. D’emblée, il a trouvé la juste mesure. Il sait écouter, il sait aussi trancher. Il n’est pas oppressé par l’ampleur de la tâche qui l’attend. Il ne sombre pas non plus dans l’excès de confiance. Le sport automobile allemand est mort à Spa avec la disparition de Stefan Bellof en 1985. Il vient de renaître, à Spa, six ans plus tard, avec l’avènement de Michael Schumacher.
Le jeudi 29 août 1991, Michael Schumacher retourne à Silverstone pour d’autres tests avec Jordan. Lors de ces essais, le jeune pilote parla longuement avec Trevor Foster du moteur Yamaha, se plaignant de son manque de puissance et de son poids excessif : Je ne voulais pas piloter avec le Yamaha, se souvient Michael Schumacher. Par loyauté, l’Allemand voulait finir la saison 1991 avec Jordan. Mais c’était impossible … Il devait choisir maintenant ou jamais de passer chez Benetton, par un subtil jeu de chaises musicales … Un avenir à long terme étant en jeu, le choix était vite fait.
Le lendemain, vendredi 30 août, Ian Phillips téléphone à Jochen Neerspach pour finaliser les détails contractuels. Eddie Jordan est loin d’imaginer ce qui va lui arriver … Je ne me méfiais de rien. Nous avions convenu d’un rendez-vous à notre usine le lundi avant Monza pour signer un contrat portant sur les saisons à venir. A l’heure dite, pas de Michael. J’ai appris plus tard qu’il était chez Benetton, en train de mouler son siège.
Rendez-vous était donc pris pour le lundi 2 septembre afin de signer le contrat. Mais le dimanche 1er septembre, Neerspach téléphone à un certain Tom Walkinshaw, collaborateur de Flavio Briatore chez Benetton … L’Anglais, membre du team Jaguar en endurance, a connu Michael Schumacher, tout comme Ross Brawn, en tant que concurrent. Ravi de recevoir cet appel de Neerspach, Walkinshaw confirme l’intérêt de Benetton pour le jeune virtuose allemand. L’adjoint de Briatore porte une banderille terrible aux desseins d’Eddie Jordan … Révélant à Willi Weber et Jochen Neerspach que l’écurie irlandaise, exsangue financièrement ne pourrait plus se payer des V8 Ford en 1992, et devrait donc se contenter de blocs moteur Yamaha, Tom Walkinshaw propulse Benetton en tête de gondole des écuries susceptibles d’attirer Michael Schumacher … dès la fin de la saison 1991. Pourquoi attendre 1992 pour enrôler un tel phénomène ? Tom Walkinshaw n’a pas hésité à franchir le Rubicon mais la F1 est un univers darwinien, un marigot de crocodiles, une jungle sans pitié quand il s’agit de dénicher un sponsor riche comme Crésus, un motoriste fiable et pérenne, ou encore un pilote d’avenir talentueux. Aucun état d’âme donc pour Walkinshaw et son éminence grise, Flavio Briatore.
Cet Italien qui a implanté la marque Benetton en Amérique du Nord n’appartient pas au sérail du sport automobile. Les traditions de la F1, fondées sur la parole donnée, le laissent de marbre : la F1 n’est un sport que le dimanche après-midi. Le reste du temps, c’est du business. Dans le monde des affaires, on ne regarde pas en l’air quand passe une opportunité. Michael à Spa, c’est un diamant qui arrive en F1. Les patrons d’écurie applaudissent. Moi, pendant qu’ils sont les mains prises, je sors mo, stylo ? Pourquoi il crie Eddie ? Il lui a fait signer un contrat ? Non. Moi oui. Une équipe qui laisse un pilote de ce talent traîner dans le paddock sans contrat formel, c’est de l’inconscience. J’ai sauté sur l’occasion.
Contrairement à l’écurie Jordan, Benetton et Flavio Briatore ne demandent pas d’argent à Mercedes et à Michael Schumacher, offrant 150 000 euros au jeune prodige pour la saison 1992, avec un bonus de 4 000 euros par point marqué au championnat du monde. Lundi 2 septembre, Eddie Jordan est pris de panique, voyant les heures s’égrener sans que Schumacher, Neerspach et Weber ne débarquent. Appelant Neerspach, il voit l’Allemand arriver à l’usine proche de Silverstone avec Julian Jakobi d’IMG. Prétextant une maladie diplomatique de son poulain, Jochen Neerspach présente à Eddie Jordan un contrat préparé par IMG, aux antipodes des attentes du manager irlandais, orphelin de son juriste.
Eddie Jordan, livide, était parvenu à joindre Jochen Neerspach dans les locaux d’IMG à Londres, pour une entrevue en fin d’après-midi du lundi 2 septembre 1991. A 16 heures 40 méridien de Greenwich, Neerspach vient accompagné de Julian Jakobi (IMG) à l’usine Jordan. Toujours pas de Michael Schumacher, à qui on prétexte une maladie diplomatique. Jordan exige de Mercedes un concours financier pour la fin de saison 1991, les finances de son écurie criant famine. Mais les clauses rédigées par Mercedes et IMG sont inacceptables pour Jordan en terme d’espaces publicitaires, de salaire versé à l’écurie par le firme allemand, et de durée du contrat.
Jochen Neerspach demande un délai de réflexion jusqu’au mardi matin, bien qu’il sache déjà que rien ne sera signé avec les Irlandais. Un nouveau rendez-vous est fixé au mardi matin à 10 heures. Repartant avec Julian Jakobi, Neerspach contacte Benetton le lundi soir pour signifier que Michael Schumacher était bien libre de tout contrat, aucun engagement formel n’ayant été signé avec Jordan.
L’épée de Damoclès suspendue au-dessus de lui, Jordan ne peut en effet signer ce document contenant de nombreuses clauses intenables pour lui. Dès le lundi soir, puisque rien n’a été signé avec leur contrepartie irlandaise, Neerspach et Jakobi rappellent Benetton.
Le mardi 3 septembre, le fax d’Eddie Jordan crépite à 9 heures 55 minutes, cinq minutes avant l’heure fatidique. L’auteur du fax est Michael Schumacher. Sur ce papier, le pilote allemand indique qu’il est désolé, mais qu’il ne peut plus conduire pour l’écurie. Les négociations sont terminées, le scandale est énorme pour l’écurie irlandaise.
Découvrant qu’il a été joué et que Benetton orchestre l’engagement du jeune prodige, Eddie Jordan dresse la guillotine, il sait qu’il a perdu Schumacher mais il veut pour Benetton une victoire à la Pyrrhus, avec les pertes les plus importantes possibles, donc le dédommagement le plus fort possible pour lui en vue de pérenniser son team en F1 dans l’optique de la saison 1992.
Loyal, Schumacher voulait finir la saison avec Eddie Jordan mais c’était impossible sans contrat, il fallait donc trancher le dilemme et la real politik vint ingérer dans ce choix qui n’eut finalement rien de cornélien. La collaboration Schumacher / Jordan devint donc vite utopique.
Afin de calmer Eddie Jordan, Tom Walkinshaw se rend en hélicoptère à l’usine de l’écurie irlandaise mais le team manager met son veto à un accord à l’amiable, jugeant la contrepartie, en l’occurrence la somme proposée par Benetton, ridiculement faible comparé au préjudice subi, à savoir à la perte d’un futur ogre de la F1.
Jordan veut utiliser la lettre d’intention signée par Schumacher deux jours avant le Grand Prix de Belgique et souhaite plaider son cas devant la Haute Cour de Londres … En parallèle, Flavio Briatore licencie son pilote brésilien Roberto Moreno, ami d’enfance de son pilote titulaire Nelson Piquet. Le motif est cousu de fil blanc : incapacité morale et physique de piloter !
Assemblant petit à petit son puzzle, le duo Briatore – Walkinshaw va recevoir une aide inattendue et partiale. Moreno, lui, porte plainte auprès du tribunal de commerce de Milan, pour conserver son cockpit en vue du Grand Prix d’Italie doit se courir en Lombardie, à Monza, dimanche 7 septembre 1991.
Nelson Piquet prend la défense de Moreno mais Flavio Briatore menace le triple champion du monde. Le courroux de l’Italien est tel qu’il indique à Piquet qu’il pourrait le licencier aussi pour le remplacer par le jeune pilote italien de F3000, Alessandro Zanardi.
Benetton fait signer mercredi 4 septembre un contrat portant jusqu’à la saison 1995 à Michael Schumacher, avec une clause incluse par Jochen Neerspach. Si Mercedes revenait en F1 en 1993, elle aurait alors la priorité pour faire courir son pilote. La stratégie de Stuttgart est de rôder le jeune pilote en 1991 et 1992 avant de le récupérer, puisque l’ingénieur Harvey Posthlethwaite est en charge d’un projet d’écurie mandaté par l’état-major du groupe Daimler Benz en personne. Le projet avortera, et Mercedes ne reverra pas Michael Schumacher avant 2010, malgré plusieurs tentatives au nom des écuries Sauber (1994) ou McLaren (1995-2009 comme écurie d’usine, 2010-2014 comme écurie cliente) via l’intermédiaire de Norbert Haug.
C’est alors que Bernie Ecclestone entra en scène, machiavélique … Persuadé de tenir là le futur champion du monde et héritier d’Ayrton Senna, Ecclestone fit en sorte que la carrière de Schumacher décolle plus rapidement pour booster le marché allemand de la F1, et conseilla à Flavio Briatore d’engager le jeune prodige, sans contrat avec Jordan. L’Italien, directeur de l’écurie Benetton, avait aussi reçu en interne des échos très positifs de Ross Brawn et Tom Walkinshaw, anciens de Jaguar qui avaient côtoyé le jeune pilote allemand en endurance face à l’armada Mercedes. Et le talent de Michael Schumacher ne leur avait pas échappé. Il fallait donc signer un contrat au plus vite avec Schumacher et ses mentors, Willi Weber et Jochen Neerspach.
En effet, seule une lettre d’intention liait Jordan et Schumacher après Spa Francorchamps, brèche ouverte dans laquelle s’engouffrèrent Julian Jakobi et Jochen Neerspach, qui défendaient les intérêts de Schumacher.
Willi Weber attaquait également Eddie Jordan au motif qu’il ne disposerait que d’un modeste moteur Yamaha en 1992, et non plus du Ford Cosworth comme en 1991.
Jordan avait alors compris la trahison d’Ecclestone, seul ce dernier et son adjoint Herbie Blash étant au courant de la transaction avec la firme japonaise …
De son côté, Nelson Piquet prend la défense de Roberto Moreno, autre dindon de la farce. Mais Flavio Briatore menace de licencier le triple champion du monde carioca pour le remplacer par Alessandro Zanardi, un jeune pilote italien courant en F3000. Bernie Ecclestone intervient alors pour calmer la situation dans ce concours Lépine des coups tordus …
Reçus en grande pompe par Flavio Briatore dans son appartement londonien, Michael Schumacher et Willi Weber se voient proposer un contrat de pilote payé et non plus de pilote payant … Contrairement à la légende, Briatore n’a pas découvert Schumacher, il a juste suivi les chaudes recommandations de Bernie Ecclestone, politicien orfèvre, et de Ross Brawn et Tom Walkinshaw, deux racers venant du sérail et qui étaient les adjoints de l’italien chez Benetton en 1991 …
Eddie Jordan sollicite un jugement de Salomon, qui se tient le lundi précédant le Grand Prix d’Italie, près du lac de Côme, dans l’hôtel luxueux du Villa d’Este, ancienne résidence d’été des cardinaux. Bernie Ecclestone sert de médiateur mais il y a anguille sous roche, tant le grand argentier de la F1 a besoin d’une star allemande pour développer son business outre-Rhin. Après les banderilles de Weber, Jakobi et Neerspach, Eddie Jordan se voit porter l’estocade par le tandem Ecclestone / Briatore … Il perd son joyau allemand qui courra pour Benetton au Grand Prix d’Italie, sur l’autodrome de Monza. Eddie Jordan, Flavio Briatore, Jochen Neerspach, Willi Weber et un bataillon d’avocats s’enferment dans un salon du Villa d’Este. Dans le hall, Ayrton Senna a pris Briatore à partie : C’est ignoble ce que tu as fait à Moreno.
Piégé par Bernie Ecclestone qui tirait les ficelles en coulisses, Eddie Jordan dut accepter la contrepartie de la perte de Schumacher, futur épouvantail des circuits : engager le pilote brésilien Roberto Moreno, viré manu militari par Benetton, avec dédommagement financier par Benetton.
Ian Phillips, en quittant le Villa d’Este, décor aux antipodes du dortoir belge miteux où Schumacher avait partagé la nuit avec Willi Weber deux semaines plus tôt, avait un goût amer à la bouche. Le jeune Allemand vint lui parler avec un air désolé : Je suis désolé, je ne voulais pas que tout se termine comme cela.
A 22 heures, celui qu’on surnomme Spoon Face était déjà venu s’excuser auprès d’Eddie Jordan : Je suis désolé. S’il n’avait tenu qu’à moi, j’aurais continué à courir pour toi. Puis, Schumacher va se coucher.
A son réveil, le jeune espoir allemand apprend qu’un accord à l’amiable a été trouvé : Moreno retire sa plainte, en contrepartie d’un dédommagement de 500 000 euros de la part de Benetton. Le pilote brésilien pilotera pour Jordan jusque fin 1991. Ian Phillips, bras droit d’Eddie Jordan, est désabusé en repensant à cette journée de dupes en Lombardie : A Spa, Michael était obnubilé par les temps de Nelson Piquet, premier pilote Benetton. J’ai compris après pourquoi : il y avait déjà anguille sous roche, et il voulait impressionner Benetton. Nous étions logés dans un hôtel à 10 euros la nuit. Quinze jours plus tard, Michael dormait à la Villa d’Este, un palace. Comment mieux dire le fossé qui séparait Jordan de Benetton ?
Arrivant face au triple champion du monde brésilien Nelson Piquet chez Benetton (Moreno étant l’ami d’enfance du pilote de Rio de Janeiro), Michael Schumacher n’était donc pas en odeur de sainteté face au pilote carioca, qu’il pulvérisa à Monza malgré tout ce maelström politique et juridique autour de lui. Parvenant à garder sa concentration, le Mozart confirme donc l’impression vue en Belgique, il a l’étoffe d’un futur champion du monde, s’offrant le luxe d’éclipser le grand pilote qu’était Piquet. Avec panache, l’Allemand récidiva à Estoril et Barcelone, provoquant la fin de carrière anticipée de Piquet, lauréat quelques mois plus tôt de sa 23e victoire en F1 sur le circuit Gilles Villeneuve de Montréal.
Toutes les planètes sont alignées pour le jeune Michael Schumacher en ce mois de septembre 1991, sa madeleine de Proust. A son juteux contrat chez Benetton, le prodige de Kerpen voit le cigarettier Camel le suivre chez Benetton. Et surtout, Michael officialise à Estoril son idylle naissante avec Corinna Betsch, sa future épouse pour qui il a les yeux de Chimène : Michael et Corinna se marieront en août 1995 à la chapelle de Petersberg, dans le nord de l’Allemagne. Dans les deux cas, le nom du perdant est le même : Heinz-Harald Frentzen, ancien coéquipier de Schumacher au sein du Junior Team Mercedes, ancien protégé de Camel, en couple avec Corinna depuis quatre ans ... Mal conseillé, Frentzen suit Camel début 1991 en F3000, le cigarettier ayant comme Mercedes pour projet d’accéder à la F1. HHF se fourvoie tandis que Michael Schumacher reste fidèle à l’étoile, disputant avec Karl Wendlinger les 24 Heures du Mans 1991, où le futur Kaiser signe le record du tour sur le tracé sarthois.
Frentzen, prodigieux 5e temps sur sa première grille de départ avec Sauber Ilmor en mars 1994 à Interlagos, refusera un volant Williams Renault en 1994 après le décès d’Ayrton Senna à Imola … Mais il ne voulait pas trahir une deuxième fois Peter Sauber, qui venait de l’engager aux côtés de Karl Wendlinger début 1994 … faute d’avoir pu mettre la main sur Michael Schumacher par l’entremise de Jochen Neerspach. Malgré son veto envers Didcot, HHF rejoint Williams en 1997, le top team anglais ayant déménagé entre temps à Grove en 1995. Comme avec Nigel Mansell en 1992 et Alain Prost en 1993, Frank Williams a été sans pitié avec son champion du monde Damon Hill, fin 1996, poussé vers la sortie … Jamais soutenu psychologiquement par Frank Williams et Patrick Head en 1994 et 1995, le fils de Graham Hill subit en 1996 un terrible et cynique camouflet verbal de la part du patron de Grove : Damon a été remercié par un titre obtenu par 251 personnes et des millions de livres sterling.
Même si l'écurie britannique a depuis quelques saisons des vues sur lui, l'Allemand sait qu'il doit aussi sa place aux déclarations de son compatriote Michael Schumacher en 1995, qui ne cessait alors de répéter qu’Heinz-Harald Frentzen au volant d'une Williams Renault peut l'inquiéter. C’était en tout premier lieu une manœuvre d’intimidation psychologique de Michael Schumacher à l’encontre de son rival Damon Hill à Silverstone en 1995, trois jours avant leur accrochage le dimanche 8 juillet, climax de la tension entre les deux hommes …
Lors de la conférence de presse du jeudi 5 juillet 1995, Damon Hill répond à la punchline de son rival Michael Schumacher qui l'avait traité de perdant et avait enfoncé le clou en déclarant qu'il aurait été plus inquiet cette saison si Alesi, Frentzen ou Hakkinen pilotait la Williams-Renault.
Le Britannique réplique : Bien sûr, j'ai un ego et il me dit que je ne suis pas un perdant. Schumacher n'est qu'un clone, formaté par ses sponsors.
Malheureusement pour Frentzen, quatre obstacles vont ruiner ses rêves de gloire chez Williams. Le premier est le fait que Grove se retrouve orpheline d’Adrian Newey à l’hiver 1996-1997. Personne ne saura correctement régler la FW19 du fait du départ du gourou de l’aérodynamique, qui passe à l’été 1997 chez McLaren. Comme Flavio Briatore en 1991 avec Michael Schumacher, Ron Dennis ne rate pas une si belle occasion, faisant venir Newey à Woking en vue de la saison 1998 qui verra le décollage des flèches d’argent de McLaren Mercedes … Le second est son manque de résistance à la pression médiatique d’un top team. La superbe saison 1999 réussie par Frentzen chez Jordan Mugen Honda viendra prouver que le pilote a un talent exceptionnel, tirant la quintessence d’une monoplace moins véloce que la McLaren Mercedes MP4/14 et la Ferrari F399. Le troisième est Jacques Villeneuve, coéquipier de Frentzen plus rapide que lui cette année là. Le quatrième est le retraite de Renault, le motoriste français ne faisant plus évoluer son V10 qu’il laissera par la suite à Williams, Benetton et British American Racing sous les marques Mecachrome puis Supertec commercialisées par … Flavio Briatore, avant le retour du Losange en 2001 !!
Frentzen, lui, garde un souvenir mitigé de cette année 1991 qui voit la fin de son amitié avec un certain Michael Schumacher, nouveau compagnon de Corinna. Michael et moi étions vraiment amis. A partir de ce jour, nous ne sommes plus parlé. Bonjour, bonsoir, c’est tout. Mais il n’est pour rien dans ma rupture avec Corinna. Je n’étais pas facile à vivre à l’époque. Ma carrière était au point mort. J’avais quitté Mercedes pour sombrer dans le mirage de la F3000. Et Camel, qui voulait accompagner un pilote allemand en F1, m’avait tourné le dos pour soutenir Schumacher chez Benetton. C’est à ce moment là que Corinna est tombée amoureuse de Michael. Je suis parti courir au Japon. C’était une fuite.
Quand Frentzen décroche à Imola son premier succès en F1 au printemps 1997 avec Williams Renault, il devance la Ferrari de Schumacher sur l’autodrome Enzo e Dino Ferrari. Son dauphin du jour compte déjà deux titres mondiaux, et 22 succès au compteur … Leurs routes ont déjà trop divergé. Le symbole ultime de cette divergence est leur dernier podium commun à Indianapolis en 2003 : 70e succès en F1 pour le Pantagruel Schumacher, qui décrochera au Japon son sixième titre mondial, dépassant le record historique de Juan Manuel Fangio. Aux Etats-Unis, Frentzen signe lui son seizième et dernier podium parmi l’élite, avec Sauber, bouclant la boucle d’une honorable carrière en F1 qui valait bien mieux que 3 victoires en Grand Prix au vu de son talent intrinsèque dans un cockpit (un succès avec Williams Renault en 1997 à Imola, deux avec Jordan Mugen Honda en 1999 à Nevers Magny-Cours et Monza). En 2004, Frentzen se retrouve à pied, remercié comme son compatriote Nick Heidfeld par Peter Sauber, aux dépens de la paire italo-brésilienne Giancarlo Fisichella / Felipe Massa. Heidfeld, lui, trouve refuge chez Jordan … étant le quatrième pilote allemand à cohabiter avec Eddie Jordan après les frères Schumacher et Frentzen (2001).
En décembre 1991, Julian Jakobi vint aider Jordan à se financer via un contrat avec le pétrolier Sasol, intéressé par le retour de la F1 à Johannesburg début 1992, conséquence de la fin de l’apartheid via la libération de Nelson Mandela. Mais le juteux contrat s’accompagnait d’une obligation, engager Mauricio Gugelmin, ami personnel d’Ayrton Senna, pilote le plus influent de la F1 à qui les négociations du Villa d’Este n’avaient pas échappé. Senna avait donc dit ses quatre vérités à Flavio Briatore dans les salons du grand hôtel lombard. L’épilogue de ce gloubi-boulga juridique appartient à Eddie Jordan : Je n’en veux pas à Michael. Il n’était qu’un instrument entre les mains de Mercedes. Je garde de cet épisode un immense regret. Je suis certain que nous aurions pu faire avec Michael ce qu’il a fait chez Benetton : grandir ensemble, jusqu’au sommet de la F1.
L’analyse a posteriori du manager irlandais est un peu optimiste. Primo, en septembre 1991, l’écurie Benetton était déjà présente depuis 1986 en Grand Prix, ayant racheté Toleman (arrivée en 1981 dans le paddock de F1, meilleur résultat la deuxième place d’Ayrton Senna en 1984 à Monaco), et comptait déjà quatre victoires : Suzuka 1989 pour Alessandro Nannini, maudit en septembre 1990 avec un terrible accident d’hélicoptère, et Suzuka 1990, Adelaïde 1990 ainsi que Montréal 1991 pour Nelson Piquet. Secundo, peu d’écuries vont briser l’ordre établi en F1 à partir des années 90 : si Renault (2005-2006) et Mercedes AMG (2014-2017) feront parler leur expérience de motoristes, Benetton (1995 avec Renault) et Red Bull (2010-2013 avec Renault) réaliseront l’exploit de battre les constructeurs historiques comme Williams pour le marchand de pulls italien, ou Ferrari et McLaren pour le vendeur de boissons énergétiques autrichien ! Reste l’inclassable cas Brawn GP en 2009 (avec Mercedes), phénix né des cendres de Honda lui-même phagocyté BAR fin 2004, Craig Pollock ayant lancé l’aventure British American Racing en 1998-1999 en rachetant l’écurie de Ken Tyrrell. Brawn GP sera repris par Mercedes AMG en 2010 … avec Michael Schumacher au volant … Tous les autres titres mondiaux des constructeurs, de 1991 à 2017, reviennent au triumvirat Ferrari / McLaren / Williams (héritier de Lotus à la fin des années 70) : deux couronnes pour McLaren en 1991 (avec Honda) et 1998 (avec Mercedes), cinq sacres mondiaux pour Williams en 1992, 1993, 1994, 1996 et 1997 (avec Renault), et huit titres pour la Scuderia Ferrari en 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2007 et 2008.
L’écurie Jordan, elle, finira sa vie d’entité autonome en 2004, cédée pour la saison 2005 à l’investisseur canadien d’origine russe Alex Schnaider, propriétaire du Midland, entreprise spécialisée dans le commerce de métaux. S’en suivra une célèbre photo de la présentation de l’EJ15 sous la neige de la Place Rouge à Moscou, avec le Kremlin et la Basilique Basile le Bienheureux en toile de fond … Mais le Jordan F1 team aura eu le temps de gagner quatre courses en Formule 1, Spa 1998, Nevers Magny-Cours 1999, Monza 1999 et Interlagos 2003 (sur tapis vert), avant un ultime et improbable podium à Indianapolis en 2005 avec le Portugais Tiago Monteiro, dans une course seulement ouverte aux trois écuries fournies en pneus par Michelin : Ferrari, Jordan et Minardi. En 2006, Jordan meurt, renaissant sous le nom de Midland F1 Racing : s’en suivront Spyker en 2007 puis Force India à partir de 2008.
Flavio Briatore, lui, embauchera en 2000 un jeune pilote espagnol ayant tiré la substantifique moelle de sa F3000 sur le toboggan des Ardennes : Fernando Alonso. L’Italien soufflera le prodige d’Oviedo à Ferrari pour la saison 2002 où Alonso devait être pilote essayeur. Mais la garantie d’un volant de titulaire en 2003 chez Renault fera basculer le pilote asturien vers le Losange. Ce nouveau coup de Jarnac de l’homme ayant séduit les top models Naomi Campbell et Heidi Klum sera torpillé en 2005 par Ron Dennis, qui engagera l’Espagnol en vue de la saison 2007 chez McLaren Mercedes, en même temps que le patron de Woking privera Ferrari de son sponsor Vodafone pour le même horizon … Vodafone, sponsor parti de Jordan vers Ferrari en 2002, pour un autre imbroglio juridique en défaveur du team irlandais ...
L’histoire de Vodafone en F1 débute en 2000 ... Transfuge de chez Coca-Cola, David Haines a pour mission de déterminer la politique marketing de Vodafone.
Dans le cadre de son expansion européenne, le groupe britannique souhaite faire de la F1 un formidable vecteur de communication marketing ...
Après avoir envisagé de sponsoriser les Jeux Olympiques ou la Coupe du Monde de football, Vodafone porte son choix sur la F1.
Dès septembre 2000, Vodafone est contactée par un certain Ekrem Sami, responsable marketing ... de McLaren !
Mais aucun accord n’est trouvé car McLaren est liée au groupe allemand Reemtsma, propriétaire du cigarettier West.
Vodafone ne sera donc pas le commanditaire de McLaren-Mercedes en 2002.
Invité à Maranello en janvier 2001 par Luca Di Montezemolo, Haines se voit imposer un veto pour être le commanditaire principal de Ferrari, titre encore réservé au géant Philip Morris via Marlboro ...
Courtisé par Eddie Jordan, Haines va rendre visite au patron irlandais dans son fief de Silverstone. Jordan exige 180 millions de dollars pour un partenariat de trois ans, offrant bien entendu le titre de sponsor principal à Vodafone, qui pourrait alors repeindre les Jordan en rouge et blanc, mettant aux oubliettes le jaune et noir du cigarettier Benson et Hedges.
Réceptif, David Haines limite son offre à 140 millions de dollars. Le point de convergence avec Jordan n’est donc pas encore atteint.
En parallèle de ces pourparlers, Haines rencontre Flavio Briatore à Dusseldorf en février 2001. Le patron de Benetton-Renault, businessman d’exception puisqu’il avait dévéloppé la marque italienne de pulls en Amérique du Nord dans les années 80, sait que l’écurie d’Enstone est sponsorisée par Mild Seven ... Briatore, relayé par son ami Ecclestone, offre un espace de deuxième sponsor à Vodafone sur les F1 bleues de Benetton.
En mars 2001, le directoire de Vodafone décide que le choix doit intervenir avant fin avril ... Deux options s’offrent au géant britannique des télécommunications.
Primo, devenir le partenaire principal d’une écurie du ventre mou du peloton, telle Jordan ou Benetton (l’écurie anglo-italienne ayant décliné depuis fin 1995, orpheline de Schumi après son départ chez Ferrari). Secundo, sponsoriser de façon secondaire un top team, critère auxquels seules McLaren et Ferrari répondent en 2001 en Formule 1.
L’appétit gargantuesque d’Eddie Jordan est nourri par une série de succès financiers orchestrés depuis 1995 : cession du contrat d’Eddie Irvine à Ferrari pour 1996, partenariat exclusif avec Peugeot de 1995 à 1997 (la marque au lion étant violemment congédiée par Ron Dennis et McLaren fin 1994), manne providentielle de la banque d’investissement Warburg Pincus en 1998 à hauteur de 45 millions de dollars, participation de Deutsche Post comme sponsor secondaire en 1999 ...
Du Capitole à la Roche Tarpéienne, il n’y a qu’un pas ... Eddie Jordan va l’apprendre à ses dépens en 2001. Le vent en poupe, puisqu’il vient de briser le contrat d’exclusivité qui liait BAR à Honda, le patron irlandais dispose du V10 japonais pour 2001. Impatient, ignorant les rouages à multiples étages d’une multinationale telle que Vodafone, véritable poupée gigogne sans fin, Eddie Jordan finit par harceler David Haines au téléphone.
Les contacts avec Ferrari se précisent, Luca Di Montezemolo précisant que Vodafone pourra remplacer tous les commanditaires mineurs de Ferrari, en l’occurrence Tic-Tac, FedEx, Telecom Italia, Tommy Hilfiger et Magneti-Marelli. Tentant un ultime coup de poker, Eddie Jordan va tenter de forcer la main par une lettre pleine d’audace à Peter Harris, le directeur du sponsoring de Vodafone, validant noir sur blanc un accord qui n’était même pas acquis verbalement avec David Haines !
Déjà, en 1988, Jordan avait tenté l’épreuve de force avec Camel, débarquant à Jerez, sur une course de F3000 avec deux monoplaces en livrée jaune. La victoire de Johnny Herbert en Andalousie avait donné un écho particulier à cet accord qui n’était pas encore officiel !
Vodafone privilégiant Ferrari, Eddie Jordan devient le plan B, malgré ses méthodes cavalières et peu orthodoxes ... Le veto définitif de Vodafone intervient en mai 2001, et marquera pour Jordan le début de la fin. Le chant du cygne interviendra en 2003 avec la victoire de Fisichella au Brésil, mais la descente aux enfers sera inexorable.
Le samedi 25 mai 2001 à Monaco, dans la luxueuse salle Empire de l’Hôtel de Paris, Luca Di Montezemolo et le chairman de Vodafone, Chris Gent, officialisent leur accord pour 2002, à hauteur de 150 millions de dollars sur trois ans. La Scuderia Ferrari pérennise ses ressources financières avec Vodafone, son commanditaire secondaire. 50 millions de dollars par an, un pactole fabuleux même si Marlboro verse déjà 65 millions et Shell 26 millions, permettant à Ferrari de payer le salaire pharaonique de Schumacher et d’orchestrer le développement de ses bolides écarlates. La poule aux œufs d’or Philip Morris n’est donc plus le seul atout financier de Maranello, qui vient de surcroît de signer un axe de développement avec Bridgestone ... Presque dix ans après Monza 1991, Michael Schumacher sortait (indirectement) encore vainqueur d’un panier de crabes politico-financier au détriment d’Eddie Jordan. Ce dernier verra deux de ses pilotes se casser les dents chez Ferrari face au Baron Rouge : Rubens Barrichello et Eddie Irvine.
Mercedes, elle, entra véritablement en scène en Formule 1 début 1993 via la firme Ilmor à Kyalami, auprès de l’écurie Sauber avec qui elle avait gagné les 24 Heures du Mans 1989, trente-quatre ans après la dramatique édition de 1955 qui avait conduit au retrait des flèches d’argent d’Alfred Neubauer de la F1. Début 1994, Jochen Neerspach tenta de récupérer Schumacher mais Benetton s’interposa par un irrévocable veto, au motif que l’écurie n’était pas Mercedes mais Sauber Ilmor, donc la clause signée en septembre 1991 était nulle ... C’était autour de Neerspach de se reprendre le boomerang Schumacher en pleine face, plus de deux ans après Eddie Jordan ! Flavio Briatore s’oppose cette fois à son ancien allé de Mercedes : Mercedes fournit des moteurs à Sauber. Ce n’est pas un engagement officiel. En effet, la firme à l’étoile ne courra sous son propre nom qu’en 2010, ne dévoilant son nom sur les moteurs qu’en 1995 avec McLaren.
Soutenu par Briatore et Weber, Schumacher resta fidèle au top team italien, qui lui permettrait de croiser le fer avec Ayrton Senna et Williams pour la couronne mondiale des pilotes 1994. Déménageant de Whitney à Enstone courant 1993, trouvant avec le V8 Ford Zetec un moteur capable de propulser sa B194, l’écurie Benetton rentrait dans la cour des grands tandis que McLaren tombait du Capitole à la Roche Tarpéienne.
S’attirant tous les superlatifs, pilotant avec la rage chevillée au corps et refusant viscéralement la défaite tout au long de 1994, tutoyant la perfection à de nombreuses reprises dans une F1 orpheline de l’archange Senna, Michael Schumacher tira la quintessence de ce bolide accusé par beaucoup d’avoir disposé d’un anti-patinage prohibé. Tirant la substantifique moelle de sa Benetton Ford, Schumacher fit cavalier seul en 1994 avant que Damon Hill ne fasse fondre son avance comme neige au soleil après l’épisode de Silverstone. Victime du syndrome Al Capone, Schumacher et Benetton ne furent jamais reconnus coupables d’anti-patinage mais toute opportunité fut utilisée par le pouvoir sportif pour détruire l’avance colossale accumulée par le jeune pilote allemand, vainqueur de 6 courses sur 7 en début de saison, tel un ouragan : Interlagos, Aïda, Imola, Monaco, Montréal et Magny-Cours.
Descendant de sa tour d’ivoire de façon partiale, la FIA condamna Schumacher de façon très lourde pour non-respect du drapeau noir à Silverstone : perte de sa deuxième place anglaise et surtout deux courses de suspension. Benetton fit appel mais la disqualification de Spa Francorchamps fit tomber le sursis accordé durant l’été. L’Allemand manquerait les Grands Prix d’Italie et du Portugal 1994, ce qui laissait un boulevard à Damon Hill.
Suspendu par la FIA à Monza et Estoril sous pression de Bernie Ecclestone pour sauver les audiences de la F1 dans une ère cathodique, Schumacher revint aux fondamentaux de Willy Dungl : deux semaines de sport dans les montagnes suisses avant de revenir tel un phénix en Andalousie, à Jerez de la Frontera, chaussant ses bottes de sept lieues pour vaincre son rival Damon Hill, joker inattendu à Didcot dans la funeste FW16 dessinée par Adrian Newey.
Le Londonien réagissait à Suzuka sous la pluie, chasse gardée du Regenmeister allemand pourtant … A Adelaïde, le pilote allemand commet le péché d’orgueil et part à la faute. Quatre ans après un accrochage volontaire à Macao au détriment de Mika Häkkinen en F3, Schumacher sort Damon Hill mais la FIA a trop sanctionné le pilote allemand tout au long de 1994 pour changer le destin final d’une saison que Spoon Face a dominé de façon intraitable. Max Mosley se mue alors en Ponce Pilate, restant en retrait.
Jamais Mercedes ne put donc récupérer Schumacher durant sa première carrière, pas plus avec Sauber en 1994 qu’avec McLaren par la suite, l’Allemand relevant le challenge Ferrari de 1996 à 2006, quittant Enstone fin 1995 pour Maranello. Ingrat, Flavio Briatore avait alors craché dans la soupe avec son venin habituel : Nous saurons bientôt qui, de Schumacher ou de Benetton, faisait gagner l’autre.
Effectivement … Avec Schumacher, Benetton a remporté 21 Grands Prix entre 1992 et 1995, dont 19 pour le seul pilote allemand … Enstone ne gagnera plus qu’une seule fois en F1 avant d’être phagocytée par Renault fin 2001 : à Hockenheim en 1997, via Gerhard Berger. De 1986 à 1991, Benetton n’avait gagné que quatre fois. Ferrari, elle, bénéficie de l’effet inverse … la Scuderia a décroché 87 victoires entre 1996 et 2006 sur onze campagnes (dont 72 pour le seul ogre de Kerpen), contre 16 Fratelli d’Italia joués sur les circuits du monde entier lors des onze campagnes précédentes (1985-1995) : 5 pour Alain Prost, 5 pour Gerhard Berger, 3 pour Nigel Mansell, 2 pour Michele Alboreto et 1 pour Jean Alesi. Sur les onze campagnes mondiales suivant le départ du Baron Rouge (2007-2017), Ferrari ne décroche que 37 victoires : 11 pour Fernando Alonso, 9 pour Felipe Massa, 9 pour Kimi Räikkönen et 8 pour Sebastian Vettel.
L’usure du pouvoir ne fit jamais son œuvre sur le pilote allemand, poussé par un ultimatum de Luca Cordero Di Montezemolo à quitter la Scuderia en vue de 2007, le marquis ayant coupé l’herbe sous le pied de Jean Todt dès avril 2006 en signant un contrat avec Iceman, alias Kimi Räikkönen, qui n’aurait pas accepté un statut de pilote n°2 face au fauve d’outre Rhin.
Orpheline de Schumacher, Mercedes ne retrouverait le Kaiser qu’en 2010, seize ans plus tard, et entama 1994 avec les deux autres pilotes de son ancien Junior Team, Karl Wendlinger et Heinz-Harald Frentzen. Dans l’intervalle, Mercedes gagnerait des titres mondiaux avec McLaren (1998), Mika Häkkinen (1998 et 1999) puis Lewis Hamilton (2008), voyant également BMW débarquer en F1 avec Williams en 2000, quittant la F1 fin 2009 après avoir phagocyté Sauber en 2006.
Entre 2010 et 2012, date du chant du cygne du septuple champion du monde de F1, Michael Schumacher et Ross Brawn furent les artisans de la lente progression du team Brawn né des cendres fumantes de Honda fin 2008, préparant le titre mondial 2014 d’un autre prodige programmé par Mercedes pour gagner, Lewis Hamilton.
Coriace, Eddie Jordan mena une nouvelle action en justice, qui s’éternisa plusieurs années. En juillet 1996, elle s’apprêtait à être jugée sur le fond, Jordan se plaignant d’un grave préjudice ayant modifié considérablement le cours de l’Histoire pour son écurie. Toutefois, avant que les magistrats n’en viennent à statuer, Michael Schumacher et Eddie Jordan tombèrent d’accord pour oublier le litige. Adressant de nouveau la parole à Will Weber, le manager des frères Schumacher. Car après avoir fait courir l’aîné le temps d’un week-end belge en août 1991, Eddie Jordan lancera aussi la carrière en F1 du frère cadet, Ralf, en 1997. Ralf Schumacher restera deux ans dans l’équipe irlandaise, jusque fin 1998, ayant pour coéquipiers Giancarlo Fisichella et Damon Hill. Avant de partir pour Williams Supertec en 1999, le cadet de Michael décrochera trois podiums avec le team Jordan : en 1997 sur le circuit Oscar Galvez de Buenos Aires, et en 1998 à Spa Francorchamps puis à Monza.
Eddie Jordan, il tirera une conclusion humoristique de l’épisode Schumacher … Quand on fait signer un contrat à un pilote, il doit être en acier forgé, scellé sur du granit, entouré de barbelés et protégé par une hydre à sept têtes.