Des trains sans entrain

par olivier cabanel
mercredi 9 mars 2011

L’enfer est pavé de bonnes intentions, et s’il semble tout naturel pour un écologiste de promouvoir le rail aux dépens de la route, n’importe quel projet n’est pas défendable.

Le constat est cruel et pourtant indéniable : certains, en défendant n’importe quel projet  ferroviaire contre la route, se trompent parfois de combat en faisant la promotion de l’inacceptable.

Le fret ferroviaire est en panne pour des raisons connues : il est trop lent, trop cher, et pour tout dire peu fiable.

Les convois se trainent en moyenne à 15km/h, (lien) les marchandises s’égarent sur des voies de garage.

Depuis le 28 février, Sernam (ex filiale SNCF) a décidé de ne plus utiliser le train pour le transport du courrier, et va le remplacer par 25 poids lourds chaque nuit, en se plaignant des tarifs élevés, d’un manque de régularité et de flexibilité. lien

Aujourd’hui, plus de 300 locomotives stagnent à la gare de Sotteville-Lès-Rouen,

2 millions d’euros la machine, ce sont près de 600 millions d’euros qui rouillent tristement faute d’emploi.

Au niveau européen, nous sommes une fois de plus la lanterne rouge : en France, seulement 15% des marchandises sont transportées par le train, en Allemagne ce chiffre est de 33%, en Autriche 37% et en Suisse, 40%.

Entre 2000 et 2009 la chute du fret ferroviaire à diminué de plus de la moitié, passant de 55,4 milliards de tonnes-kilomètre à 26,5. lien

Pourtant la CGT cheminots de la région de Lyon veut y croire encore, et organise un débat sur le sujet le 10 mars à la bourse du travail de Lyon.

Question voyageurs, les accords des « grenelle de l’environnement  » montrent aujourd’hui les limites de la cohérence de ses acteurs.

Ils ont prévu la création de 2000 km de nouvelles voies à grande vitesse, au moment ou certaines lignes TVG coutent beaucoup d’argent à la SNCF, pour cause de non rentabilité.

Il s’agit tout de même d’un investissement de 100 milliards d’euros, alors que nous avons franchi depuis peu la barre des 1700 milliards de dette dans notre pays. lien

Le plus paradoxal, c’est que l’initiateur du grenelle de l’environnement, Jean Louis Borloo a déclaré lui-même « la politique du tout TGV s’est faite au détriment du niveau de maintenance et d’investissement sur le réseau ferroviaire classique ».

Les citoyens, même s’ils ont envie de privilégier le rail, aux dépens de la route, sont unanimes, ou presque, pour préférer le trafic régional aux lignes LGV qui ne font que traverser des territoires.

Guillaume Pepy, le nouveau patron de la SNCF, est-il sincère lorsqu’il affirme : «  je milite pour que le développement des lignes à grande vitesse ne se fasse pas au détriment des lignes existantes  ». lien

Question finances, ça va mal.

La dette ferroviaire atteint des sommets : elle dépasse 40 milliards d’euros. lien

L’infrastructure ferroviaire est saturée et, bien plus grave, sinistrée.

612 gares ont été fermées en 10 ans.

Depuis 2002, ce sont 22 000 emplois qui ont été supprimés, et 3700 supplémentaires s’y sont ajoutés en 2010.

Un quart des lignes LGV n’est pas rentable au point que la SNCF prévoit de supprimer ou de réduire le trafic sur certaines lignes. lien

La rentabilité des lignes est passée de 20,1% en 2007 à 10,2% en 2009, et selon un expert 30% des TGV ne sont plus rentables. lien

Comme le dit l’économiste Nicolas Baverez dans un article du Point : « La moitié des aiguillages ont 60 ans, et les dépenses d’entretien ont baissé de 20% en 20 ans, provoquant une augmentation inquiétante des accidents : 0,33 par « millions de train/kilomètre » en 2009, contre 0,24 en 2006 (…) Nous sommes dans la situation du Royaume Uni, qui en privatisant le réseau, l’a poussé à prendre des risques, amenant des accidents à répétition, comme celui de Hatfield  ». lien

Le 17 octobre 2000, un train à grande vitesse a déraillé provoquant la mort de 6 personnes, et en en blessant une trentaine. lien

Si l’on veut que le rail l’emporte sur la route, il faut lui donner de la cohérence.

Aujourd’hui, les voyageurs potentiels sont surtout demandeurs de liaisons régionales simples, rapides, et économiquement intéressantes.

Les transporteurs aussi.

Les concepteurs du procédé r-shift-r (R-SHIFT-R rapport final vf) sont porteurs d’un projet efficace et innovant, car en permettant le chargement des marchandises, sous n’importe quelle forme (camions complets, remorques, ou simple containers) en moins de 6 minutes, en permettant d’utiliser une voie historique transformée, en pouvant franchir des pentes au-delà des 1% habituels, ils permettent de proposer un service efficace et rentable, capable de prendre des parts de marché à la route, et donc de débarrasser celle-ci des poids lourds qui l’encombrent.

Cette technologie a été expertisée par Patrice Salini Consultant, le  LET (laboratoire d’économie des transports), l’INSA de Lyon, l’IPFL (institut polytechnique fédéral de Lausanne), T&L associés consulting, et elle est soutenu par l’ADEME, le PREDIT,

En sécurisant, et modernisant le réseau voyageur, en y faisant passer des TER, la SNCF, au lieu de perdre des fortunes sur des lignes LGV, répondrait aux besoins légitimes des voyageurs, et résoudrait petit à petit ses problèmes financiers.

Il serait temps que ce gouvernement, si souvent autiste, se résolve à décider un moratoire sur toutes les lignes nouvelles programmées par le « grenelle de l’environnement » afin de permettre une modernisation du rail.

Aujourd’hui, moins de la moitié des voies TGV ne voient passer que 20 trains par jour, alors que les voyageurs préfèrent abandonner leurs voitures pour des trajets courts, de ville à ville, leur permettant de s’arrêter où ils veulent.

La SNCF transporte chaque jour 6 millions de voyageurs, dont seulement 350 000 sur le réseau TGV. lien

Quel a été l’intérêt de la ligne Paris Strasbourg qui a couté 3,5 milliards d’euros pour faire gagner 15 petites minutes, lesquelles seront perdues à l’arrivée, le temps de trouver un taxi, ou une correspondance ?

Quel est aussi l’intérêt du projet Paris-Rennes, estimé à 3,4 milliards d’euros, dont la minute gagnée (37 minutes par rapport à la desserte actuelle) coute plus de 90 millions d’euros. lien

Le projet obsolète Lyon Turin, imaginé il y a plus de 20 ans, vient heureusement de perdre la confiance européenne, (lien) mais malgré tout quelques élus savoyards s’y accrochent, soutenus par des syndicats de cheminots aveuglés par la défense de l’outil de travail, et des écolos de façade, incapable de réalisme, obnubilés qu’ils sont de vouloir à tout prix favoriser un projet « rail » même s’il est mauvais. lien

Ne faut-il pas aujourd’hui faire preuve de bon sens en modernisant le réseau régional afin d’améliorer la sécurité du transport ferroviaire au lieu de gaspiller des sommes folles pour gagner quelques minutes.

Car comme dit souvent mon vieil ami africain : « plus tu vas vite, moins tu vas loin ».

L’image illustrant l’article provient de « fen.com »

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Le fret ferroviaire sur une voie de garage

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