Les nouveaux coloniaux du Maghreb

par William Kergroach
jeudi 4 mai 2023

Les pays du Maghreb connaissent une nouvelle colonisation. Les États-Unis, la Russie et la Chine s'incrustent dans la région pour exploiter ses richesses, mais sans investir un centime pour la population.

Après la volonté civilisatrice des administrateurs coloniaux du 19e siècle, voici venu l'heure du cynisme des affaires. Les nouveaux colonisateurs que sont les États-Unis, la Russie et la Chine n'envoient, certes, plus de colons ou d'administrateurs. Ils n'investissent pas non plus. Ces colonisateurs modernes exploitent les richesses de la région sans investir dans les infrastructures essentielles, comme le faisaient les anciens colonisateurs. Cela commence à soulever des préoccupations quant à l'avenir du Maghreb, devenu une zone d'exploitation économique. Cela amène également les populations maghrébines à s'interroger amèrement sur la validité future de leur indépendance durement gagnée lors des dernières guerres d'indépendance du 20e siècle.

Les ressources naturelles, rien d'autre

Les pays du Maghreb sont riches en ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz, les minéraux et les métaux rares. Les Américains, les Russes et les Chinois viennent exploiter ces ressources pour alimenter leur propre développement économique. La Chine investit massivement dans les mines de phosphate en Tunisie pour répondre à sa demande croissante de fertilisants.

La Russie, quant à elle, a récemment construit une usine de production de véhicules, en échange de l'exploitation du pétrole et du gaz algérien. Selon l'analyste économique algérien, Abderrahmane Mebtoul, cet accord est "inéquitable" car la Russie "ne contribue pas au développement de l'Algérie".

Pas d'investissement dans les infrastructures essentielles

Malheureusement, ces grandes puissances mondiales ne sont pas disposées à investir dans les infrastructures essentielles telles que les hôpitaux, les écoles et les structures de développement des pays exploités. Elles ne sont intéressées que par la seule exploitation des ressources naturelles. L'investissement et le développement autonome à long terme des pays du Maghreb n'est pas leur problème. Cette absence d'investissement dans les infrastructures essentielles entrave le développement économique et social de la région ? No comment...

Les États-Unis ont, ainsi, signé un accord avec le Maroc pour l'exploitation massive de ses gisements de phosphates. Uncle Sam n'a pas investi un cent dans le développement des infrastructures locales. Le journaliste marocain, Omar Brouksy, dénonce là "une forme de colonialisme moderne, qui vise à exploiter les ressources naturelles du pays sans apporter de bénéfices réels à la population".

Les préoccupations quant à l'avenir du Maghreb

Cette nouvelle forme de colonisation commence à soulever des préoccupations quant à l'avenir du Maghreb. Sans investissement dans les infrastructures essentielles, la région va devenir dépendante de ces nouveaux exploiteurs de ses richesses naturelles. C'est le développement économique et social à long terme du Maghreb qui est ignoré. Sans oublier les impacts environnementaux de cette exploitation qui seront dévastateurs pour la région.

L'exploitation des mines de phosphate en Tunisie, par exemple, a un impact environnemental considérable. Selon l'ONG tunisienne Al Bawsala, l'exploitation de ces mines a entraîné une pollution de l'air, de l'eau et des sols, ainsi qu'une détérioration de la santé des populations locales. Les habitants de la ville de Gafsa, où se trouvent les mines en ont marre d'être empoisonnés et asphyxiés par ces nouveaux parasites. Ils ont organisé des manifestations pour dénoncer les conditions de travail et les impacts environnementaux de l'exploitation des phosphates.

Le Maghreb est donc confronté à une nouvelle colonisation. L'exploitation aveugle des ressources naturelles de la région sans investir dans les infrastructures essentielles entravera, à coup sûr, le développement économique et social des pays du Maghreb. Il est temps que les pays du Maghreb réfléchissent à leur avenir et prennent des mesures pour s'assurer que leur développement ne soit pas entravé par cette exploitation politiquement discrète de leurs ressources naturelles. Comme l'a souligné le chercheur en géopolitique, Gilles Pargneaux, "le Maghreb a besoin d'une véritable stratégie de développement, basée sur une coopération équilibrée avec les grandes puissances mondiales".


Lire l'article complet, et les commentaires