1938, 1948, 1968, 1978, 1988... 2008... et 2009

par Bernard Dugué
jeudi 1er janvier 2009

2008 année en 8 et JO de Pékin. 8 chiffre magique pour les Chinois, qui du reste ont largement devancé les Etats-Unis au nombre de médailles d’or. Nul besoin d’être numérologue pour se prêter à ce petit jeu historique visant à pointer quelques années en 8 comme marquées d’événements importants. Mais attention au fétichisme du chiffre, car chaque année il se passe des événements. 2008 a été marquée par deux événements importants, la crise financière et l’élection d’Obama. L’intervention militaire à Gaza laisse peut-être augurer d’une issue plus grave à moins qu’une trêve ne repousse à plus tard la crise sans fin entre le Hamas et Israël.

1918 fut une année en huit, marquée par la fin de la Grande Guerre.


1938 mérite un détour. Cette année là, le Japon occupe les grandes villes chinoises, avec à la clé l’exposition sur la doctrine du nouvel ordre en Asie orientale. L’Allemagne impose elle aussi son nouvel ordre pour l’Europe, après l’Anschluss, les Sudètes et le traité de Munich. C’est aussi cette année que se produit la Nuit de Cristal et que des mesures coercitives sont décrétées par les autorités nazies contre les Juifs, contre les réfractaires au travail, contre les « asociaux », mendiants, handicapés, tziganes (visés par le décret Himmler). En Roumanie, fin du régime parlementaire et suppression des partis décrétée par Charles II qui instaure un régime royaliste gouverné par un front de renaissance nationale, censé se substituer aux partis. Et en Russie eurent lieu les troisièmes Procès de Moscou signant la mise à mort des derniers opposants à Staline. Voilà, autant dire que la tonalité des prochaines années fut donnée en 1938. La drôle de guerre de 1939, bien qu’elle eût surpris les Français, semblait inéluctable, tout comme la plupart des événements jusqu’en 1945.


1948. Année riche. Le blocus de Berlin annonce la guerre froide, avec le coup de Prague. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Tant qu’à choisir, autant privilégier une guerre froide plutôt qu’un conflit généralisé. 1948, création de l’Etat d’Israël et là, premier conflit israélo-arabe qui annonce la guerre chaude, plus que jamais dans l’actualité avec la guerre contre Gaza. Dieu merci, cette année là, des bonnes résolutions ont été prises. Déclaration des droits de l’homme, plan Marshall décrété pour appuyer la reconstruction des nations européennes mais surtout pour éviter de faire tomber l’Europe entre les mains des partis communistes très puissants. La France et l’Italie étaient visées en premier. La politique intérieure diligentée par Truman fut également un signe positif laissant augurer les années Kennedy (une fois le maccarthysme évacué) logements sociaux, assurance santé, droits civiques, subventions pour l’instruction, augmentation des salaires. Soixante ans après, la démocratie ne se porte pas si mal, avec la surprise Obama. La Russie renoue avec ses vieux démons impérialistes et autocratiques. Et ça pète au Proche-Orient.


Un clin d’œil à 1968. La révolte étudiante annonce le passage vers 1969, l’année érotique, l’année Woodstock et surtout en France, la démission du Général de Gaulle. C’est aussi en 1968 que fut assassiné MLK. Evénément conjuré quarante ans plus tard par l’élection d’Obama alors que cette même année, le parti travailliste israélien était créé pour finir dans les cendres de l’histoire quarante ans plus tard. Autre fait marquant, le Printemps de Prague, violemment réprimé. Ce n’était pas l’heure pour la sortie du bloc soviétique. En 1969, Dubcek évincé, c’était prévisible. Tout comme le changement de politique extérieure allemande à l’initiative de Willy Brandt.


De 1978, on retiendra que Khomeiny fut expulsé d’Irak par Saddam Hussein, pour être accueilli en France, à Neauphles-le-Château, lieu d’où il écrira et enregistrera ses prêches. Un an plus tard, la révolution islamique détrône le shah d’Iran. Une nouvelle époque commence au Proche-Orient. Il s’en suivra la prise d’otage à l’Ambassade américaine de Téhéran. Il y eut beaucoup d’événements marquant en 1978, notamment Jean-Paul II élu pape. Le choix de pointer Khomeiny répond au souci d’illustrer une continuité historique d’année en année, alors que certains faits marquent des décennies. En 1988, nous pourrions évoquer le retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan, événement apparemment anodin bien que marquant. Suivi un an plus tard de la chute du mur de Berlin.


Ce petit jeu des dates et événements devrait permettre d’anticiper quelques faits prévisibles pour 2009. Sans être devin ni divin ni sorti de l’X, la crise russe ne devrait pas s’achever, d’autant plus que la récession sera au rendez-vous, incitant les Russes à détourner l’attention des populations mais aussi exiger de l’Ukraine le paiement de la dette. 2009 sera-t-elle l’année de la crise du gaz ? A surveiller aussi la question palestinienne et le dénouement improbable du conflit avec le Hamas. L’élection d’Obama a été un événement. Mais rien ne permet de penser que cela va beaucoup changer la donne aux Etats-Unis. La récession laisse planer une situation sociale peu enviable. L’économie ne devrait pas sombrer dans la dépression mais cette secousse venue des finances semble, à la faveur d’une ruse de la technique que ne connaissait pas Hegel, s’articuler avec une prise de conscience des populations. L’ère du consumérisme pourrait entamer son achèvement, qui se fera sur plusieurs décennies, c’est certain. Toujours est-il que les médias ont joué le miroir grossissant, chiffres, événements financiers et analyses de Cassandre se conjuguant pour ancrer dans le cerveau des gens que c’est la crise. Il faut dire que le spectre de 1929 a été brandi depuis des mois.


2009 verra une récession aussi importante sinon plus qu’en 1993. Et elle sera perçue avec encore plus de crainte par les citoyens criblés de propagande alarmiste. Il n’y a ni complot, ni orchestration des infos mais juste un emballement médiatique comme on en connaît de plus en plus. Rien à signaler. Le point le plus inquiétant reste le Proche-Orient et un engrenage d’Israël dans une solution finale qui échouera forcément mais aura pour conséquence de renforcer les mouvances islamistes, en Iran, au Liban, au Pakistan, en Afghanistan. Et même le Hamas, amputé de ses membres, saura se recomposer pour la prochaine partie. Ces gens n’ont rien à perdre et iront jusqu’au bout. Voilà ce qui est prévisible pour 2009. J’ai oublié l’Europe et l’action de notre Superman président. Il paraît qu’il a été extraordinaire, cette réactivité face à la crise, ces déplacements sur la planète. Hélas, il n’y a sans doute que du vent, y compris la réunion du G20. Les médias sont bien complaisants et les élites veulent croire qu’il est possible d’agir contre la crise. Les actions de Sarkozy ont été nombreuses, pléthoriques, mais rien de commun avec des actes posés, comme cette année 1948. Logiquement, 2009 devrait être une année creuse pour Sarkozy. Alors, citoyens, n’hésitez pas, dégustez une douzaine de creuses de Bretagne pour rire de ce cirque. Et bon réveillon !



Lire l'article complet, et les commentaires