Abdoulaye Wade : l’autre discours de Dakar

par Jocksy Ondo Louemba
mardi 24 mars 2015

« Le drame de l’Afrique c’est que l’Homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire », cette phrase du discours du 26 juillet 2007 prononcé à Dakar par un Nicolas Paul Stéphane Sarközy de Nagy-Bocsa, alors président de la République Française, se plaignant d’une angine, avait provoqué un tollé général dans le monde intellectuel et artistique africain. Des livres ont été écrits, dont le plus connu, L’Afrique répond à Sarkozy - bien que maltraité à sa parution par le journal le Monde[1] journal français j’en conviens - avait ceci de particulier de rassembler une partie de l’élite intellectuelle Africaine. Des chansons sont publiés, dont certaines très virulentes envers le président de la république Française d’alors et reprenant en cœur les innombrables griefs – et Dieu ou Allah sait qu’il y en a – contre la France. La colonisation, la Françafrique, le Franc CFA, Guerre du Biafra, les morts d’Abidjan dans lesquels l’armée française est fortement mise en cause en 2004… tout y passe ! Nicolas Sarkozy est cloué au pilori, traité de nostalgique de l’Afrique de papa, du temps béni des colonies. La toile dresse un bûcher où il est régulièrement brulé. Les africains – francophones – sont présents sur tous les fronts pour faire savoir qu’ils ne se laisseront plus insulter. L’Afrique, la grande Afrique est de retour ! Et puis...et puis – tempus fugit - le temps passa, continua sa course, Sarkozy fut battu, les plus rancuniers s’en réjouirent y voyant même « un juste châtiment pour ses propos infamants sur les fils du premier monde, et non du tiers monde ».

Le 24 février 2015 toujours à Dakar, Abdoulaye Wade, ancien président de la république du Sénégal, ancien opposant (historique ?) à Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, Mathématicien, avocat, docteur en droit et j’en passe, déclare lors d’une réunion de son parti à propos de Macky Sall actuel Président de la République du Sénégal, autrefois son premier ministre et challenger lors de la dernière élection présidentielle : « c’est un descendant d’esclaves. (…) Ses parents étaient anthropophages (…) Ils mangeaient des bébés et on les a chassés du village. (…) Ceux qui sont propriétaires de la famille de Macky Sall sont toujours là, vivants. Il sait [qu’il est] leur esclave. Je le dis et je l’assume parce qu’on ne peut pas toujours cacher les vérités. (…) Jamais mon fils Karim n’acceptera que Macky Sall soit au-dessus de lui. Dans d’autres situations, je l’aurai vendu en tant qu’esclave (…) ». Juste ciel !

La réaction de la classe politique sénégalaise est vive, et celle du Président du Sénégal d’une rare élégance. Du côté de l’intelligentsia africaine francophone, rien ou pas grande chose se confondant avec rien. Pourtant, il s’agit de propos extrêmement graves car Abdoulaye Wade confirme une vielle théorie chère aux milieux racistes et à un certain Olivier Grenouilleau qui affirme dans Les Traites négrières. Essai d'histoire globale que la traite intra africaine représente plus de cinquante pour cent des déportés africains durant la traite négrière. Sans oublier, l’accusation d’anthropophagie, chère aux anciens explorateurs tels Paul du Chaillu, et aux médias occidentaux récents. On se souvient des accusations portés contre Jean Bedel Bokassa empereur de Centrafrique et celles encore relayés curieusement contre le Maréchal Président à vie, accessoirement parrain du terroriste, Idi Amin Dada. Et cerise sur le gâteau, non seulement Macky Sall est inférieur à Karim Wade (on se demande bien pourquoi et en quoi) mais que Wade n’aurait pas hésité à vendre Sall en tant qu’esclave « en d’autres situations ». Confirmant donc la théorie de Grenouilleau, tout le moins abondant dans le même sens que le très controversé historien. Soutien de poids s’il en est…

Les propos d’Abdoulaye Wade sont graves surtout si on le compare à ses prédécesseurs. Mais qu’est ce qui explique ce silence des intellectuels et artistes africains qui avaient été pourtant si prompts à « faire la peau » à Sarkozy ? A quand un livre ? Des chansons ? Où sont les bûchers sur la toile ? Personne dans la grande famille africaine n’est choqué outre mesure par les propos de Gorki, surnom d’Abdoulaye Wade, qui au moment où j’écris ces lignes n’a pas battu sa coulpe (d’ailleurs pense-t-il le faire ?) Et la très remuante diaspora africaine de France a-t-elle posée une action à ce propos ? Comme écrivait René Maran dans Batouala : « mata, nini, rien, rien ».

Pendant ce temps Le monde est allé chez les esclaves de la famille Macky Sall : « les africains se vendaient entre eux on vous dit… ».

 

[1] « L'ennui est que l'ouvrage, plutôt que de développer des ripostes constructives et des analyses opérationnelles, offre un étalage souvent atterrant d'absurdités, d'approximations et de conformisme intellectuel. Comme si seule l'outrance grandiloquente pouvait rétorquer à l'agression pontifiante ».

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