Affaire Snowden-Morales : Qu’on devienne tous Américains ?

par MUSAVULI
samedi 6 juillet 2013

L’affaire Snowden, à l’origine de l’affaire Morales, nous a au moins permis de retenir deux enseignements, dont on se doutait, mais qui deviennent quasiment officiels. Le premier est qu’un Etat étranger s’est octroyé le droit de mener des intrusions dans la vie privée de n’importe qui dans n’importe quelle région du monde, y compris la France et l’Europe. C’est encore pire dans certaines régions de la planète (Irak, Afghanistan, Pakistan, Afrique) où les Etats-Unis exercent carrément le droit de vie et de mort sur les individus. A tout moment un missile de croisière US ou un drone peut frapper et tuer sans qu’aucune autorité locale soit en mesure de demander des comptes aux auteurs de l’attaque. Le deuxième enseignement est que les dirigeants de nos pays, à l’exception de quelques cas (Russie, Chine,…) sont tellement inféodés à la « Grande puissance » qu’ils lui obéissent au doigt et à l’œil, ce qui trahit, aux yeux du grand public, l’aveu d’une indiscutable perte de souveraineté.

Les Etats déshabillés

Jusqu’à un passé récent, les concessions sur la souveraineté des Etats respectaient des règles du droit international, en particulier le droit des traités. Ainsi la construction de l’Union européenne s’est-elle réalisée par étape, puisqu’il fallait chaque fois rechercher l’approbation des nations « souveraines ». Cette approbation des nations souveraines, puisqu’elle modifie l’ordre institutionnel, exige un référendum de ratification (par le peuple) ou un vote solennel du parlement réuni en Congrès dans le cas de la France (article 89 de la Constitution). Toutefois, on n’est pas dupe. On savait que derrière les textes qui étaient présentés aux peuples se dissimulaient des lobbies et des puissances d’argent désireuses d’asservir les nations. Mais il y avait de la manière et l’illusion de la souveraineté était préservée.

Avec l’affaire Snowden et l’incident autour de l’avion du Président bolivien, les Etats-Unis viennent de mettre à nu la réalité des relations entre la Première puissance et les dirigeants du reste du monde, mis à part quelques pays (Russie, Chine, Iran, Syrie,…). C’est la réalité d’un empire qui impose sa volonté et qui se fait obéir par des autorités, jusqu’alors considérées comme incarnant la souveraineté qu’ils tiennent de leurs peuples. Il n’en est donc rien et les peuples devraient en tirer toutes les conséquences.

Les Romains, les Gaulois et les Germains ?

De tous temps, face à un empire surpuissant, les peuples n’ont eu que deux alternatives : soit ils résistent en se liguant derrière des dirigeants déterminés à lutter pour la préservation de leur indépendance, soit ils se soumettent, en général à l’issue d’une défaite militaire. Les Gaulois et les Germains peuvent ainsi servir d’exemple.

Les Gaulois, battus par les Romains, devinrent des sujets de l’empire romain. Ce qui leur permis de bénéficier des droits garantis par l’empire en contrepartie de leur soumission à l’autorité de Rome.

Si nos pays considèrent qu’il n’y a plus rien à faire face à la toute-puissance américaine, qu’on aille jusqu’au bout du raisonnement et qu’on devienne des provinces de l’empire de Washington. Sur le plan juridique, les autorités américaines n’auraient pas seulement les avantages de l’empire (intrusion dans nos vies, soumission de nos dirigeants, bombardements çà et là,…). Elles assumeraient parallèlement, comme Rome, les obligations constitutionnelles de l’autorité supranationale que l’Oncle Sam semble avoir l’ambition d’incarner (développement, sécurité publique, hôpitaux, enseignement, sécurité sociale, lutte contre le chômage,…)

Mais les peuples n’ont pas toujours fait le choix de la soumission aux empires, si puissants soient-ils. Ainsi, face à Rome, les Germains firent le choix de la résistance et l’obstination des légionnaires à soumettre la Germanie finit par épuiser l’empire et entraîner son déclin.

Bien évidemment, on ne s’imagine pas dans un affrontement de type militaire avec nos « amis » américains. Ils ont juste un problème avec leurs dirigeants actuels qui, depuis les années Bush, sont engagés dans une politique internationale plutôt agressive contre des « petits pays ». Ils les écrasent sans état d’âme (Libye, Irak, Afghanistan,…). Quant aux autres, ils doivent se soumettre, parfois de façon humiliante, quitte à susciter, comme dans le triste cas de la France, des railleries jusqu’à l’autre bout de la planète.

Le précédent palestinien

Si cette situation doit durer, nous nous retrouverions, inévitablement, dans le genre de situation auquel le Président palestinien fut un jour confronté. Réalisant que son pouvoir n’était qu’une coquille vide et qu’en réalité, c’est une puissance étrangère qui décidait du sort de sa population, le leader palestinien menaça de déposer sa démission entre les mains des autorités israéliennes.

L’allusion à la Palestine est assez osée, je le concède, puisqu’il y a la dimension violence contre la population que les Européens ne subissent pas de la part des Américains. Il s’agit, au fond, d’illustrer la difficulté dans laquelle se retrouve un dirigeant obligé de se plier à la volonté d’une puissance étrangère, au mépris de la légitimité qu’il tient de son peuple.

S’il ne peut résister et qu’il est honnête, il doit rendre sa démission et mettre son peuple directement en face de la puissance qui vide son pouvoir de son contenu. Dès lors, le peuple concerné a le choix entre reconquérir sa souveraineté et devenir sujet de la puissance dominante.

Boniface MUSAVULI


Lire l'article complet, et les commentaires