Afghanistan, la spirale de l’échec
par Bertrand C. Bellaigue
vendredi 17 novembre 2006
On compte quatre fois plus de morts qu’en 2005 et 3700 insurgés et civils tués depuis janvier 2006. Il faudra accroître de « 15 à 20 % » le contingent de 18 000 soldats actuellement déployés en Afghanistan, a évalué le vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, le sénateur Pierre Claude Nolis.
En réalité, M. Nolis en soulignant cette obligation pour les pays membres de l’Otan a joué au « bonneteau » en refilant ce devoir aux autres pays de l’Alliance.
« Avec plus de 2000 militaires sur le terrain, le Canada a eu déjà largement sa part", a-t-il dit, faisant clairement savoir que la balle est maintenant dans le camp des vingt-cinq autres pays membres de l’Alliance atlantique. »
Un argument qui assurément mettra de l’huile sur le feu des passions lors de la prochaine conférence de Riga, au moment où la commission permanente de l’organisation, dans une déclaration publiée en novembre 2006, se plaint du peu d’enthousiasme manifesté par ses vingt-cinq membres à financer les diverses opérations en cours et à fournir les effectifs militaires nécessaires pour rétablir l’ordre dans les pays concernés.
Pendant ce temps l’Afghanistan, par ailleurs le premier producteur d’opium de la planète, (92 % de la production mondiale), est ravagé non seulement par une guerre qui sévit depuis vingt-trois ans, mais par la famine, la maladie, la tuberculose, le mépris des droits et l’asservissement des femmes.
La pénurie d’effectifs militaires est telle que les Etats-Unis suggèrent de faire appel à des milices civiles, comme ils le font déjà en Irak en embauchant, par l’intermédiaire de sociétés civiles spécialisées, 40 000 mercenaires payés à prix d’or et qui jouent leur vie à la roulette de combats sans prestige et sans victoire, dans un conflit aussi sale qu’atypique.
Certains stratèges au sein de l’Otan suggèrent d’agir de même en Afghanistan où, de l’avis général, la situation s’est tellement aggravée qu’elle met désormais en jeu la crédibilité des capacités militaires de l’organisation atlantique.
Plus de 3700 insurgés et civils ont été tués dans des combats ou des attentats depuis le début de l’année en Afghanistan, selon un rapport officiel très pessimiste concernant la situation de ce pays. Ce nombre a quadruplé par rapport à 2005.
Ce rapport ne précise pas combien de civils ont été tués. Mais selon des organisations internationales de défense de Droits de l’homme, un millier d’entre eux a péri.
Les violences liées à l’insurrection sont passées "de moins de 300 par mois à la fin de mars 2006 à plus de 600 à la fin septembre, alors qu’elles étaient d’environ 130 par mois en 2005", relève le rapport publié sur un site Internet du gouvernement afghan.
L’intensification de ces violences, notamment dans le Sud et dans l’Est du pays, a eu un impact direct sur "le développement économique du pays, beaucoup plus lent et géographiquement limité que ce que nous espérions", selon la même source.
Les résultats de ce rapport ont été présentés à Kaboul à une délégation du Conseil de sécurité de l’ONU, venue évaluer les défis auxquels fait face l’Afghanistan cinq ans après la chute supposée des talibans.