Afghanistan, les dollars de la corruption
par William Kergroach
mardi 11 avril 2023
Les Afghans aiment leur liberté, c'est une évidence. Ils se sont debarrassés de tous leurs envahisseurs : les Perses achéménides, au 6e siècle avant J.-C., les Grecs d'Alexandre le Grand, au 4e siècle avant J.-C., les Arabes au 9e siècle, les Mongols au 13e, les Timourides au 16e, les Moghols puis les Perses safavides au 18e siècle, les Britanniques au début du 20e siècle, l'Union soviétique en 1989 et, enfin, les Américains en 2021. Les Américains ont laissé un cadeau empoisonné : des milliards de dollars de corruption.
De 2001 à 2021, les Américains ont choisi leurs hommes en Afghanistan. Et ils y ont mis le prix, 143 milliards de dollars pour s'assurer des amitiés corrompues dans un pays qui les vomissait.
La majeure partie de l'argent américain a alimenté la corruption de tous les responsables du pays. L'Afghanistan est devenu, pendant l'occupation américaine, un des pays les plus corrompus au monde, selon Transparency International. Tous, du ministre au gouverneur, en passant par les chefs de police et les responsables locaux, ont été achetés. Les affaires de la banque de Kaboul en 2010, l'affaire de la Loterie nationale en 2011 et l'affaire du ministère de la Défense en 2013 sont significatives, mais des milliers d'affaires ont marqué la présence américaine de 2001 à 2021.
Les principaux responsables Américains impliqués dans cette gabegie, et possiblement bénéficiaires de rétrocommissions, sont George W. Bush, Président des États-Unis au moment de l'invasion de l'Afghanistan en 2001, Dick Cheney, Vice-président des États-Unis sous George W. Bush. Cheney a été le grand architecte de l'invasion militaire en Afghanistan. Donald Rumsfeld, Secrétaire à la Défense sous George W. Bush, a directement supervisé l'effort financier et militaire en Afghanistan. David Petraeus : commandant de la coalition en Afghanistan de 2010 à 2011, a été l'un des principaux défenseurs de la stratégie de la soi-disant " contre-insurrection." Barack Obama, Président des États-Unis de 2009 à 2017, a supervisé l'escalade de l'effort financier et militaire en 2009-2010. À partir de 2011, avec Joe Biden, son Vice-président, aurait pris conscience de la nécessité du retrait des troupes américaines d'Afghanistan...
En 2001, l'administration Bush a lancé une opération militaire en Afghanistan pour renverser le régime taliban qui, selon elle, avait fourni un refuge à Al-Qaïda, organisation soi-disant responsable des attentats du 11 septembre 2001 dans lesquels l'administration Bush, et l'Etat profond américain, ont un rôle ambigu. Ces attentats, qui n'ont jamais fait l'objet d'une enquête sérieuse sur leurs commanditaires, leur mise en place et leurs auteurs, ont fait l'objet d'un storytelling plein de zones d'ombre. Ils ont été le prétexte pour les autorités américaines d'attenter aux libertés individuelles des Américains et de tous les citoyens dans le monde en faisant passer des lois liberticides et en mettant en place les systèmes de contrôle orwelliens que nous subissons aujourd'hui.
Les États-Unis ont mis en place le gouvernement afghan qui leur était le moins défavorable, ou le plus corruptible : le clan de Hamid Karzaï, devenu président en 2004.
Après les élections présidentielles en 2014, Ashraf Ghani est devenu président de l'Afghanistan, succédant à Karzaï. Les États-Unis ont continué à fournir une aide financière considérable pour obtenir le soutien de ce clan.
D'innombrables affaires de corruption ont impliqué des fonctionnaires du gouvernement afghan, des entrepreneurs locaux, des membres des forces de sécurité et des membres de la communauté internationale présente en Afghanistan.
En 2010, la Banque centrale d'Afghanistan a pris le contrôle de la banque de Kaboul, la plus grande banque privée du pays, après avoir découvert que des prêts avaient été accordés à des entreprises fictives liées à des dirigeants politiques afghans. Plusieurs responsables ont été impliqués dans l'affaire de la banque de Kaboul. Ces Afghans corrompus étaient Mahmoud Karzai, le frère de l'ancien président afghan Hamid Karzai, Haseen Fahim, le fils de l'ancien vice-président afghan Mohammad Qasim Fahim, Abdul Qadeer Fitrat, l'ancien gouverneur de la Banque centrale d'Afghanistan, Sherkhan Farnood, l'ancien président de la banque de Kaboul, Khalilullah Ferozi, l'ancien directeur général de la banque de Kaboul, Mohammad Qasim Fahim, l'ancien vice-président afghan et parrain de la faction de la Jamiat-e-Islami, Omar Zakhilwal, l'ancien ministre des Finances afghan.
En 2011, une enquête a révélé que le ministre des Finances de l'époque, Omar Zakhilwal, le chef de l'Autorité nationale pour la Loterie, le directeur financier de l'organisation, ainsi que des responsables du gouvernement afghan avaient détourné des millions de dollars de la Loterie nationale, qui devait être utilisée pour financer des projets de développement.
En 2013, une enquête a révélé que des fonctionnaires du ministère de la Défense afghan avaient détourné des millions de dollars en achetant des fournitures et de l'équipement militaire aux prix surévalués. L'affaire a conduit à la destitution du ministre de la Défense, Abdul Rahim Wardak, et à l'arrestation de plusieurs hauts responsables militaires.
En 2014, le Pentagone a dû révéler qu'il avait gaspillé 36 millions de dollars pour construire une base militaire, "Camp Leatherneck", située dans la province du Helmand. Cette base était destinée à accueillir plus de 20 000 soldats américains et alliés, mais n'a jamais été utilisée à cette capacité.
En 2019, une enquête a révélé que des membres de la commission électorale indépendante afghane avaient accepté des pots-de-vin pour modifier les résultats des élections. Les noms des membres de la commission impliqués dans l'affaire n'ont pas été publiés dans les médias ou dans les rapports officiels.
Le président Ashraf Ghani, a donc été frauduleusement réélu pour son second mandat.
Il y a eu de nombreuses autres affaires de corruption en Afghanistan au cours des décennies d'occupation américaines, impliquant des fonctionnaires du gouvernement afghan, des membres des forces de sécurité, des entrepreneurs locaux et des membres de la communauté internationale présente en Afghanistan.
Zia Salehi : ancien chef de la commission des affaires administratives et financières du ministère de la Défense, a été condamné en 2014 pour corruption liée aux contrats de fournitures militaires.
Anwarul Haq Ahady, ancien ministre des Finances afghan, a favorisé des membres de sa famille dans des contrats de construction de routes.
Ahmad Shah Wahid, ancien gouverneur de la province du Herat, a accepté des pots-de-vin en échange de l'attribution de contrats de construction.
Hashmat Karzai, cousin de l'ancien président afghan Hamid Karzai, depuis assassiné, trempait dans le trafic de drogue
Abdul Malik Pahlawan, ancien commandant de la police afghane dans la province de Kandahar, a trempé dans le trafic de drogue et la corruption.
Mohammad Sharif Sharifi, ancien gouverneur de la province de Khost, a été arrêté en 2016 pour corruption et détournement de fonds.
Rahmatullah Nabil, ancien chef du renseignement afghan, monnayait son influence dans des contrats de sécurité et de renseignement.
Mirwais Yasini, ancien parlementaire afghan, monnayait son influence pour l'octroi de contrats de construction et de distribution de terres.
Nizamuddin Qaisari, ancien chef de la police dans la province de Faryab, a été arrêté en 2018 pour corruption et abus de pouvoir.
Habibullah Ahmadzai, ancien gouverneur de la province de Bamyan, a été arrêté en 2019 pour corruption liée à l'attribution de contrats de construction.
Les États-Unis ont cherché à entamer des négociations de paix avec les talibans dès 2018, dans l'espoir de parvenir à un accord pour organiser le retrait de leurs troupes militaires. Aucun accord n'a été conclu. En avril 2021, le président américain Joe Biden a dû donc annoncer que les troupes américaines se retiraient d'Afghanistan dès mai 2021.
Des Américains courageux se sont efforcés d'arrêter cette folie. Stanley McChrystal, Commandant des forces américaines en Afghanistan de 2009 à 2010, a ainsi été limogé après des commentaires critiques envers l'administration Obama dans une interview avec Rolling Stone.
John Sopko, inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan (SIGAR), a critiqué les dépenses inefficaces et mal gérées en Afghanistan dans de nombreux rapports publiés, et ignorés par l'administration américaine, au cours des dernières années. David F. Berteau, sous-secrétaire adjoint à la défense pour les industries de la défense et les ressources, a publié un rapport en 2019 qui a également critiqué les dépenses massives et inefficaces des États-Unis en Afghanistan. Donald Trump, président des États-Unis de 2017 à 2021, a tenté de retirer les troupes américaines du pays pendant son mandat. Bernie Sanders, sénateur américain et ancien candidat à la présidentielle, Tulsi Gabbard, ancienne membre de la Chambre des représentants des États-Unis et ancienne candidate à la présidentielle, et Ron Paul, ancien membre de la Chambre des représentants des États-Unis et ancien candidat à la présidentielle, ont critiqué les dépenses américaines en Afghanistan et ont appelé à un retrait immédiat des troupes américaines.
En Août 2021, les talibans ont repris le contrôle de l'Afghanistan à la suite du retrait précipité des troupes américaines, héritant de millions de dollars d'armement et de matériel abandonnés sur place.
Le dirigeant actuel du gouvernement taliban est Haibatullah Akhundzada. Haibatullah Akhundzada est né en 1961 dans la province de Kandahar, en Afghanistan, et est un membre de longue date des talibans. Il a été nommé chef des talibans en mai 2016 après l'assassinat de son prédécesseur, le mollah Akhtar Mansour, par les Américains.
Juge et enseignant islamique, Haibatullah Akhundzada, est, on s'en serait douté vu le contexte de sa nomination, encore plus dur et déterminé à se débarrasser des Américains que son prédécesseur.