Afrique : Monsieur Obama, après le discours, la méthode ?

par Aimé Mathurin Moussy
lundi 13 juillet 2009

 Malgré les promesses d’alternances politiques, les pressions des bailleurs de fonds et la communauté internationale, il semble que le climat d’atonie économique soit durablement installé dans l’Afrique. Corruption. Autocratie. Démagogie. On aurait pu espérer en ce domaine un changement climatique, mais l’imprécation des marchés publics, de la gouvernance et des gestionnaires des biens publics, qui est un des symptômes les plus frappants de l’incurie économique, se porte bien. Cependant, les pays aux potentialités moindres que la plupart des pays africains émergent, tandis que l’Afrique dans son ensemble immerge. Ce qu’il y a de plus frappant c’est que, ces dynasties de l’inertie qui dirigent l’Afrique, sont portées en chœur par quelques grandes personnalités politiques de l’Hexagone. Barack Obama qui suscite tant d’espoirs, va-t-il insuffler une nouvelle dynamique ?

 L’industrie de la pauvreté

Ainsi, les Etats-Unis, l’Union Européenne, proposent de subordonner l’aide au développement à la démocratie, pour redresser des économies asphyxiées par une oligarchie qui se pérennise au pouvoir. Comme personne ne semble admettre qu’il faut avant toute chose stopper le dérapage des dépenses militaires, dans des pays qui ont plus besoin de dépenses sociales : éducation, santé, agriculture, etc. Négliger les causes structurelles de l’appauvrissement de l’Afrique, qui émanent en grande partie des conflits, est une démarche vouée à l’échec. C’est-à-dire que l’on nourrit les dérapages de la gouvernance, sans lui donner des recettes de son incurie. Pourtant, l’expérience nous montre qu’en imposant par la force (faire intervenir les casques bleus partout où la démocratie est bafouée) la bonne gouvernance, cela empêcherait le creusement du déficit et l’accumulation d’une dette qui est une véritable bombe à retardement.


 Et quoi de plus patriotique, pour ne pas dire révolutionnaire, que de faire payer les riches chefs d’Etats dont certains font ces jours-ci la une de scandale financier ? C’est désormais un réflexe international, compréhensible de la part des ONG qui ne cessent de publier des rapports sur la gouvernance en Afrique, pour qui un leader politique à la solde des puissances étrangères ou un opérateur économique étranger, ne saurait être qu’un parasite exploitant la sueur de ces crève-la- faim africains. Mais cela laisse tout de même songeur quand une telle proposition émane d’une grande puissance comme les Etats-Unis, qui dans le discours d’Obama au Ghana, cherche une légitimité auprès de ceux qui se sont attribué le monopole du cœur et de la morale en Afrique : la France, la Grande Bretagne, l’Espagne, etc.

 C’est à croire qu’ils ne savent pas que la politique en particulier, et l’aide au développement général, ont été inventé pour transformer les petites gouttes improductives que sont nos recettes publiques, en fleuves, puis en océans, c’est-à-dire en capitaux productifs. Si chacun des chefs d’Etats africains s’approprie des millions de dollars, il n’aura guère d’autres choix que de les consommer. Mais, s’il est imposé aux Etats une gouvernance démocratique avisée, pour réunir ces sommes planquées dans les paradis fiscaux, issues de la poche de millions de contribuables, alors ils transformeront ces gouttes éparses en un fleuve puissant : l’investissement. Alors, pour la relance de ces économies exsangues, ils mettront à disposition ces capitaux à des chercheurs, à des hommes d’affaires, à des industriels locaux, et ces fleuves donneront naissance à un océan de biens et services.

 La méthode…

On observe judicieusement que si l’on confisquait les biens des ces présidents voyous, pour redistribuer cette cagnotte aux africains les plus pauvres, chacun toucherait une fois pour toutes un salaire. Ce qui permettrait même à petits coups une relance de la consommation. Certes les plus riches seront moins riches, mais les plus pauvres ne seront pas moins pauvres. Car, la plus grande maladie de l’Afrique est d’ordre moral.

Ainsi, une redistribution aveugle, sans préalable de démocratie, de sanctions, contribue à défaire le processus d’investissement, outil indispensable à la relance économique. Au lieu d’assembler les gouttes improductives pour en faire des fleuves créateurs de richesse, on revient à l’envers : on brise le fleuve, on le décompose en ses gouttes initiales pour les rendre aux petites couches sociales, pour la plupart sans repères… Chacun retrouvera sa gouttelette désormais improductive. Il faut remettre l’Afrique entière à la catéchèse de la gouvernance et la démocratie, facteurs essentiels au boom économique, social et culturel.

 S’attaquer aux présidents voyous, sans préparer une alternance démocratique, c’est encore s’en prendre, à la pointe insignifiante de l’iceberg, et ne pas prendre la mesure du travail invisible des biens publics et de leurs dirigeants.

 Si la communauté internationale ne sévit pas avec des signaux forts, ces riches présidents, avec leur armada de conseillers financiers et d’avocats d’affaires, sauront délocaliser leur patrimoine sous des cieux plus accueillants. Et c’est bien là le problème. Cette fuite de capitaux est désastreuse pour la vitalité économique de notre continent, sans lesquels aucun système social ne peut tenir. L’Afrique de ces jours, ressemble à la France d’avant la prise de la Bastille : « Il n’y a "plus de roi, plus de parlement, plus de police, plus d’armée" c’est l’anarchie "Tout le monde savait commander et personne obéir" dira Bailly en parlant de Paris.

Aimé Mathurin Moussy
 

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