Al-Sissi, le général qui veut devenir président

par Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko
jeudi 25 juillet 2013

L’appel du chef de l’armée égyptienne, le général Abdel Fattah al-Sissi, à l’attention de la population à manifester en masse pour dénoncer la violence et marquer son soutien aux nouvelles autorités, est favorablement accueilli par les chaînes de télévisions privées[1], l’opposition laïque[2] et le mouvement Tamarrod[3] qui a appelé « tous les Egyptiens à descendre sur les places pour soutenir les forces armées dans leur guerre contre le terrorisme ». Par conséquent, par la voix de son porte-parole Yasmine al-Gouyouch, le mouvement Tamarrod a demandé que « soient jugés tous les responsables des Frères musulmans impliqués ces derniers temps dans l’incitation à la violence ».

 

La réaction des Frères musulmans

Dans le schéma classique de la réponse du berger à la bergère, les partisans du président destitué Mohammed Morsi ont qualifié la déclaration du général Al-Sissi faite lors d’une cérémonie militaire d’« appel explicite à la guerre civile ». Ainsi le mouvement des Frères musulmans a-t-il appelé à des rassemblements « contre le coup d’Etat ». L’appel du chef de l’armée ne fait que légitimer leurs actions[4] en faveur du rétablissement de Mohammed Morsi dans ses fonctions. Cela risque de sombrer l’Egypte dans une escalade de violence, d’empoisonner davantage la situation dans le Sinaï et de faciliter le second épisode de la « révolution du 25 janvier » qui a abouti au départ du président Hosni Moubarak le 11 février 2011.

 

Une stratégie digne de Joseph-Désiré Mobutu et de Gamal Nasser

Trois semaines après la destitution du président islamiste Mohammed Morsi, constate-t-on, le chef de l’armée égyptienne révèle ses véritables intentions. En ayant appelé « tous les Egyptiens honnêtes à descendre dans la rue […] pour [lui] donner mandat pour en finir avec la violence et le terrorisme », l’homme fort du pays s’inspire de quelques précédents.Effectivement, après avoir profité en juillet 1960 du désaccord entre les différents hommes politiques congolais, le chef d’état-major Joseph-Désiré Mobutu fit arrêter et assigner à résidence le Premier Ministre Patrice Emery Lumumba et mit en place un gouvernement temporaire, le Collège des commissaires généraux. S’étant paré de la vertu de pacificateur et d’unificateur du territoire, le chef de l’armée nationale congolaise sut manœuvrer entre le contexte extérieur relatif à la guerre froide et la conjoncture interne nécessitant la stabilité. Joseph-Désiré Mobutu récidiverait le 24 novembre 1965, en perpétrant un coup d’État à la suite d’une crise politique aiguë entre le président Joseph Kasa-Vubu et le gouvernement du Premier Ministre Moïse Antonin Tshombe.

A l’instar de Mobutu Sese Seko, en divisant habilement les partisans et les pourfendeurs du président déchu Mohammed Morsi, le chef de l’armée égyptienne tente de faire la démonstration selon laquelle les civils sont incapables d’imprimer la destinée du pays, et que seule l’armée, à l’exemple du long règne d’Hosni Moubarak, pourra stabiliser une situation qui, si elle n’est pas maîtrisée à temps, entraînera une guerre civile dont les conséquences seront très préjudiciables à Israël et à ses alliés occidentaux. Tel Gamal Abdel Nasser, la stratégie du général consiste à préparer les Egyptiens à lui donner un mandat populaire afin de prendre des décisions extraordinaires.

 

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

 

Notes


[1] Qui ont décidé de ne pas diffuser le vendredi 26 juillet 2013 tous les feuilletons populaires et de les remplacer par une couverture des manifestations.

[2] Plus précisément par le Front du salut national, réunissant tous les partis laïques égyptiens.

[3] Lequel a été à l’origine de la pétition qui réclamait des élections présidentielles anticipées et qui est parvenu à faire descendre dans la rue des millions d’Egyptiens pour soutenir ses revendications le 30 juin 2013.

[4] Elles ont déjà occasionné la mort de près de 170 personnes depuis le regain de violence qui a précédé la destitution du président issu des Frères musulmans.

 


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