Algérie : pourquoi les Algériens n’ont-ils pas voté massivement ?

par GHEDIA Aziz
lundi 21 mai 2007

Par quel bout devrais-je prendre la question pour pouvoir vous donner une réponse, un éclairage, disons un semblant d’analyse politique sur ce qui s’est passé, en Algérie, ce 17 mai ? En effet la question est plus que pertinente. De ce fait, elle mérite une réponse tout aussi pertinente. Chose à laquelle, j’essaierai de m’atteler avec plus ou moins d’audace et plus ou moins de bonheur. Bonheur que l’Algérie s’achemine vaille que vaille vers la démocratie véritable.

Pour commencer, disons que j’ai beau lire et relire les comptes rendus de la presse d’aujourd’hui, c’est le même constat qui revient sur toutes les "unes". Dans leur grande majorité, les Algériennes et les Algériens ont boudé, cette fois-ci, les urnes. De mémoire d’homme, jamais des élections législatives ou autres n’ont connu un aussi fort taux d’abstention. Ce qui fait dire au "Soir d’Algérie" que "l’abstention l’emporte" et j’ajouterai personnellement... de fort belle manière, puisque le taux d’abstention est, tenez-vous bien, de 64%. A vrai dire, ce chiffre record, jamais vu même dans les pays les plus démocratiques, était quelque peu attendu par tous ceux qui avaient suivi les débats plus que stériles, j’ose encore le dire, de la classe politique toutes tendances confondues (à l’exception du RCD et du PT) lors de la campagne électorale. Et, rassurez-vous, ceci n’a rien à voir avec les appels au boycott de certains partis politiques ni du GSPC. Ce n’est pas non plus la peur des attentats kamikazes qui auraient pu avoir lieu au niveau des bureaux de vote qui les a fait renoncer à aller exercer leur devoir de citoyens. Bien au contraire, sur le plan sécuritaire, jamais Alger (et ses environs) pour ne citer que cette ville, n’a bénéficié d’autant de renfort en policiers et autres services de sécurité. A tel point qu’Alger la blanche était devenue bleue ! Les policiers, dès la veille des élections, étaient postés un peu partout aux alentours des écoles où devaient avoir lieu le vote et même devant chaque institution de l’Etat, enfin devant tout symbole qui risquerait d’être la cible d’éventuelles attaques terroristes.

En fait, la raison de ce manque d’engouement, d’enthousiasme à ces élections est simple. Tous les Algériens ou presque, en particulier les jeunes, ont estimé, en leurs âmes et consciences, que, ne pas voter du tout est aussi un droit. Et ils se sont arrangés à appliquer pleinement ce droit. De leur propre chef. Qui pourra le leur dénier, ce droit, ou leur reprocher quoi que ce soit ?

Les Algériens n’ont pas été aux urnes pour des raisons claires et nettes : ils n’ont pas voté parce qu’ils pensent ni plus ni moins que le changement de l’APN (Assemblée populaire nationale) n’induit pas automatiquement un changement dans leur vie de tous les jours. C’est aussi simple que cela. Les abstentionnistes ont donc fait un tabac ! Et ça ne surprend personne.

Sauf peut-être le pouvoir en place qui trouve, comme toujours d’ailleurs, une parade, une échappatoire pour expliquer à sa manière le pourquoi de la chose : "La forte abstention est une preuve de maturité politique" a dit le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales. Effectivement, le ministre Yazid Zerhouni a tout à fait raison de dire cela. Les Algériens sont maintenant mûrs. Pour la démocratie. Pour la liberté d’expression. Pour la liberté de ne pas voter. Pour la liberté de mettre un bulletin blanc donc nul dans l’enveloppe avant de foutre cette dernière dans l’urne. Fini le temps des "béni oui oui". Fini le temps où la pilule, même d’un goût très amer, était avalée quand même. Sans discussion aucune. Le "Non" fait désormais partie de notre vocabulaire et nous nous réjouissons qu’il en soit ainsi. Nous nous en réjouissons jusqu’à l’extase ! Jusqu’au nirvana. Car en démocratie, la vraie et non pas celle de façade à laquelle on nous a habitués, le "Non" doit pouvoir faire bon ménage avec le "Oui".

Les Algériens savent maintenant faire la différence entre le bon grain et l’ivraie. Entre le "Oui" et le "Non". Ils savent aussi être indifférents. Vis-à-vis des urnes. Vis-à-vis des hommes politiques. Et c’est ce qu’ils ont fait ce jeudi 17 mai. Ils ont été indifférents. Tout simplement et tout bêtement. Les urnes n’étaient même pas le cadet de leur souci et s’ils sont sortis, le soir de ce jeudi 17 mai, dans une sorte de liesse populaire c’était pour fêter la Coupe arabe emportée par l’aigle noir et blanc des hauts plateaux.

Mais, n’oublions pas aussi le tiers des Algériens qui ont voté. Pour les partis ou les listes électorales de leur choix. Ils étaient, eux aussi, libres. Personne n’a entravé leur action. Personne ne s’est mis au travers de leur chemin vers les urnes. Il n’ y a pas eu de fraude massive tant redoutée. Pour une fois, les urnes n’ont pas été bourrées. Et ceci est à l’honneur du pouvoir qui a organisé ces élections. Pour une fois donc, on peut dire que nos élections ont été "honnêtes, transparentes et libres" même s’il y a eu quelques ratés ici et là.

Au diable alors les "64% d’abstention". L’Algérie est sortie grandie de ces élections et c’est ce qui compte le plus !


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