Ali Al-Nimr, l’islam, le sabre et la croix
par Vincent Verschoore
samedi 19 septembre 2015
Ali Al-Nirm fut arrêté en février 2012 puis jugé par une pseudo-cour de justice, la “cour criminelle spéciale” qui le condamna à mort en mai 2014. Il paie surtout sa filiation avec le cheikh chiite Nirm Al-Nirm qui osa participer à un mouvement pro-démocratie en 2011, arrêté en 2012 et condamné, lui aussi, à la crucifixion. La famille du jeune homme tenta l’appel, rejeté début septembre. Plus rien ne s’oppose dorénavant à son exécution. Comme le fait remarquer Clive Stafford Smith de l’ONG Reprieve, on remarquera quand même un progrès depuis 2000 ans : on vous coupe la tête avant de vous crucifier. Ça limite les bavardages en croix sans doute. et les plaintes sur la tenue des clous.
Tout cela dans un pays grand ami de la France, France dont Sarkozy disait l’autre jour, à juste titre, qu’elle avait toujours été du côté des dictateurs. François Hollande se rendit en Arabie en visite officielle en mai 2014, et Laurent Fabius y fit plusieurs voyages dont l’ambassade française à Riyad disait entre autres ceci :
“Les entretiens ont permis à Laurent Fabius d’aborder l’ensemble des sujets régionaux, et de confirmer la large convergence de vues entre la France et l’Arabie. A ce titre le ministre français des Affaires étrangères a réitéré son soutien aux efforts saoudiens qui visent à rétablir la stabilité au Yémen. Il a confirmé la position française exigeante concernant les négociations en cours avec l’Iran, que ses interlocuteurs saoudiens ont unanimement saluée.”
La théologie d’Etat en Arabie saoudite est le wahhabisme, une mouvance de l’islam sunnite fondée au 18ème par un certain Muhammad ibn Abd al-Wahhab. Rigoriste et puritaine, prenant l’islam au pied de la lettre, un accord entre Mr Wahhab et le premier roi d’Arabie Ibn Séoud installera cette secte au cœur de l’Arabie saoudite. A la différence de l’autre mouvance sunnite très en vogue actuellement, le salafisme de Daech et autres Al-Qaïda, “Le wahhabisme se satisfait d’un dirigeant local – un roi, par exemple – s’il respecte et fait respecter la charia, tandis que le salafisme souhaite revenir au califat pour l’ensemble des croyants, même si la plupart d’entre eux acceptent l’idée d’un émir local pour quelque temps.” (4)
Cette distinction mise à part, peut-on considérer que l’Arabie saoudite aujourd’hui est l’image de ce que sera Daech demain : une dictature riche en pétrodollars, assise sur un socle théologique obscurantiste, régressif et violent que les “démocraties” occidentales viendront courtiser pour leur vendre du luxe et des armes ? La “normalisation” de Daech n’est pas pour demain, mais pour après-demain sans doute. L’alliance de fait entre la Russie et l’Iran pour empêcher la chute du régime de Damas réussira peut-être à préserver ce petit bout de Syrie des griffes islamistes, mais personne ne semble disposé à envoyer des armées pour reprendre à Daech son territoire nouvellement acquis.
Le fiasco irakien n’est pas encore tout à fait oublié. L’Occident semble avoir compris que le salafisme se nourrit du sentiment de victimisation face à l’impérialisme occidental, et que le débarquement sur le sol arabe des armées infidèles ne manquerait pas de gonfler encore plus les rangs djihadistes, là-bas comme ici. Les réfugiés syriens ne sont pas prêts de rentrer chez eux.
En attendant on fait quoi, Messieurs Hollande et Fabius, pour Ali Al-Nimr, Raef Badaoui et les centaines d’autres qui paient de leurs vies leur amour de la dignité ?
(4) http://www.lexpress.fr/informations/wahhabisme-et-salafisme_651719.html