Alliance thé au lait

par Bruno Hubacher
samedi 17 avril 2021

La noblesse anglaise avait beau prendre l’habitude de diluer le thé avec du lait, à l’époque victorienne, la consommation effrénée du précieux breuvage pesait tout de même lourd sur la balance commerciale, d’autant plus que l’Empire du Milieu demandait à être payé en argent, sonnant et trébuchant, faute de trouver un produit britannique digne d’intérêt.

De nos jours, en Chine, on continue à le consommer sans lait, contrairement aux quelques vestiges, nostalgiques de l’Empire britannique, ici et là en Asie du Sud-Ouest.

« Milk Tea Alliance » est un mouvement de solidarité démocratique et des droits de l’homme, composé de « netizens », un mot- valise pour citoyens du « net », originaires de Thaïlande, Myanmar, Taiwan et Hong Kong, se livrant à une guerre de « mèmes internet » sans merci à l’encontre de la « toute-puissante » Chine, une sorte de « cyber-guerre » à coup d’émojis, spécialement crées par « twitter » pour l’occasion. (BBC)

Ce qui avait commencé par la simple maladresse d’une vedette de télévision thaïe sur « twitter », est devenu un enjeu géopolitique, grâce aux concours des médias occidentaux, « mainstream et alternatifs », qui se sont emparés du sujet avec gratitude, appelant « l’événement » « un moment rare de solidarité régionale ». 

La malheureuse star avait commis l’indélicatesse de qualifier la région administrative spéciale, Hong Kong, de pays souverain, ce qui lui avait valu un « shit-storm » entre cyber-geeks chinois d’un côté et thaïs, birmans, taiwanais et hongkongais de l’autre.

En déclenchant la Révolution culturelle, le Grand Timonier, Mao Tsé-Toung, s’était déjà amplement servi de la plus ancienne stratégie politique qui soit, diviser pour mieux régner, « divide et impera ».

Actuellement, c’est le « National Endowment for Democracy », pour le compte d’un Empire déclinant, qui s’y essaye, en déplaçant le centre de gravité du « printemps arabe » vers l’est, avec un message, facile à comprendre pour tout le monde, « la liberté ou l’oppression ».

Seulement, la Chine, cible de ces « efforts de démocratisation », n’est pas une quelconque « pétrodictature », mais bientôt la première puissance économique de la planète.

Le « National Endowment for Democracy » est une organisation privée « d’utilité publique », fondée en 1983 sous le gouvernement du Président Ronald Reagan, financée par le Congrès américain, dont l’objectif déclaré est « le renforcement des institutions démocratiques à travers le monde ». Wikipedia

Simultanément avec les efforts de démocratisation de la vie publique de la « région administrative spéciale » de Hong Kong par des figures de proue du NED, l’activiste Joshua Wong et le magnat de presse Jimmy Lay, condamné récemment à un an de prison pour son implication dans les manifestations « pro démocratie » de 2019 et la « campagne d’information » sur de présumés violations des droits de l’homme dans la province autonome de Xinjiang, s’ouvre, de manière inespérée, un nouveau front, au sud-ouest de la Chine, au Myanmar.

Ancienne colonie multi-ethnique de l’Empire britannique, 130 minorités ethniques, le Myanmar est essentiellement dirigé depuis 1962 par une junte militaire, depuis 1988 par un « Conseil d’état pour la paix et le développement » pour laisser place en 2011 à une sorte de « pouvoir civil », toujours sous contrôle des généraux, avec finalement un « intermezzo démocratique » entre 2015 et le 1er février 2021, date à laquelle les généraux déclarèrent l’état d’urgence, en arrêtant la Premier Ministre Aung San Suu Kyi, fille du défunt libérateur de la nation du joug britannique, le général Aung San, ainsi que le président Win Myint, en nommant le général Myint Swe président par intérim.

Membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Chine et la Russie, contrairement au reste du monde, comment en pouvait-il être autrement, exigent, certes, la libération immédiate de la Premier Ministre et le Président, se refusent en revanche à toute ingérence dans les affaires d’un état souverain.

Il faut dire que pour le « National Endowment for Democracy » Aung San Suu Kyi n’est pas n’importe qui. Un peu à l’instar de l’icône ouïghoure, la milliardaire Rebiya Kadeer, 6ème fortune de Chine, présidente du « World Uyghur Congress » entre 2006 et 2017, et le « Dalaï-lama », la « passionaria » birmane, certes tombée momentanément en disgrâce à cause de sa gestion calamiteuse de la crise des Rohingyas, ou plutôt à cause de quelques têtes brûlées parmi ses supporters (1), qui sillonnent actuellement les rues de la capitale économique Yangon, anciennement Rangoon, joue à nouveau pleinement son rôle d’avocate pour la démocratie.

Pétrifié par la crainte d’un déclin économique et social, plutôt que de s’inspirer de certains aspects positifs d’une gouvernance alternative des affaires publiques, l’occident, l’Europe et les Etats-Unis, préfèrent continuer leur politique d’endiguement des temps de la Guerre froide, une erreur.

Contrairement aux pays occidentaux, qui, depuis la dernière crise financière en 2008 ne cessent de pomper des sommes astronomiques dans les marchés financiers, dans le but de maintenir en vie un système économique à bout de souffle, la Chine avait saisi l’occasion pour investir massivement dans son infrastructure.

Actuellement, la Chine dispose d’un réseau ferroviaire ultraperformant de 141'000 km, transportant chaque année 1,7 milliards de passagers, dont 37'900 km de lignes à grande vitesse, deux tiers du réseau mondial de trains à grande vitesse. D’ici 2035 les autorités chinoises comptent doubler cette capacité. (2)

Pour comparaison, les Etats-Unis disposent d’une seule ligne de train à grande vitesse et le Royaume Uni fut capable d’en construire une en vingt ans entre Londres et l’entrée du tunnel sous la Manche, ce qui représente 0,2% du réseau chinois. En ce qui concerne le réseau ferroviaire allemand de la « Deutsche Bahn », jadis un gage de fierté nationale, n’est plus que l’ombre d’un passé glorieux, grâce aux efforts de privatisation de son ancien directeur Hartmut Mehdorn entre 1999 et 2009, d’abord sous le gouvernement socialiste de Gerhard Schröder et ensuite sous l’actuelle Chancelière Angela Merkel.

Au niveau du coût, une comparaison entre la Chine et les pays qui favorisent le partenariat public-privé parle d’elle-même. En Europe, 1 km de tracée à grande vitesse coûte entre 25 et 39 millions USD et aux Etats-Unis 56 millions USD. En Chine ce coût se réduit à 17 millions USD par km avec un prix moyen du billet de train trois quarts moins cher que dans le reste du monde. Le coût de la main d’œuvre et les prix fonciers y sont certes plus avantageux, mais, comme tout capitaliste qui se respecte sait, c’est le profit qui fait le prix.

Il faut dire que pour un bénéfice économique et social global, le Parti communiste est prêt à construire à prix coûtant, reliant des régions aussi éloignées que le Tibet ou la capitale du Xinjiang, Ürümqi avec le reste du pays.

On attend avec impatience les premiers résultats du plan de relance du nouveau président américain Joseph Biden qui vient de découvrir les bienfaits d’une infrastructure moderne pour l’économie. Toujours est-il, son nouveau Secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg, qui dispose d’une large expérience en la matière en tant qu’ancien maire de la commune de South-Bend dans l’état d’Indiana, veut que « Les Etats-Unis deviennent le leader mondial du transport ferroviaire à grande vitesse ».

(1) https://www.youtube.com/watch?v=Hr24DLS16C8 Does US meddling in Myanmar risk Syria / Libya style war ?

(2) https://www.youtube.com/watch?v=belm4kDAHgM China High Speed Rail Network


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