Alvaro Uribe sur le départ, la Colombie tourne une page
par AJ
lundi 8 mars 2010
Alvaro Uribe est une exception. Une exception dans cette première décennie du XXIème siècle, où l’Amérique Latine a basculé au rouge. Au rouge clair certes, avec Michel Bachelet, Fernando Lugo et Lula mais au rouge carmin avec Hugo Chavez, Rafel Correa et Evo Morales. Cette décennie sud-américaine à gauche, qui touche à sa fin comme en atteste la victoire au Chili de Sebastian Pinera, aura donc dû cohabiter avec la Colombie d’Uribe et les tensions entre Caracas et Bogota auront atteint leur paroxysme ces dernières années. Relations diplomatiques suspendues, menaces de poursuites judiciaires devant la Cour Pénale Internationale, accusation de participer à l’élaboration d’un coup d’état : Hugo Chavez et Alvaro Uribe auront huit ans durant, mené une véritable guerre froide.
La lutte contre les narco-traficants et les FARC n’a cessé d’être le dossier prioritaire de la présidence d’Alvaro Uribe. Son héritage personnel n’y est pas étranger : son père a été assassiné par les FARC lorsque ces derniers ont pris d’assaut sa ferme en 1983. L’an dernier, dans une interview à l’Express, il assurait ne pas être habité par l’esprit de vengeance : si j’avais l’esprit de vengeance, je n’aurais pas été candidat à la présidence.Elu en 2002 à la faveur d’un discours sécuritaire, Alvaro Uribe a amorcé le déclin de la guérilla initialement habitée par des idéaux marxistes, qui ne compterait plus que 8000 combattants sur les 30 000 acquis à sa cause en 1960. La politique d’incitation à la désertion a porté ses fruits et Alvaro Uribe revendique 8000 désertions durant son mandat : des chiffres qui seraient cependant légèrement surévalués. Les FARC n’ont pas pour autant rendu les armes : ils détiendraient environ sept centaines d’otages et poursuivent les coups d’éclat : l’assassinat, fin février, du gouverneur Luis Francisco Cuellar par strangulation, en est le meilleur exemple. Mais l’assassinat de Raul Reyes, le N°2 de la guérilla, qui est intervenu quelques mois après le décès du leader fondateur des FARC, Manuel Marulanda, ont profondément affaibli le mouvement, et la libération de la meilleure arme des FARC, Ingrid Betancourt, a été un véritable coup de poignard, d’autant plus qu’elle a été obtenue à la faveur de guérilleros achetés par l’armée colombienne.
Enfin, le scandale des paramilitaires aura éclaboussé la présidence d’Alvaro Uribe sans mettre à mal sa cote de popularité, qui s’est maintenue tout au long de son second mandat entre 70 et 85% d’opinions favorables. Les enquêtes d’opinion assuraient d’ailleurs un plébiscite au référendum qui, si il avait été approuvé par la cour constitutionnelle, aurait permis de trancher quant à la possibilité pour le président de briguer un nouveau mandat. Les paramilitaires, présents en Colombie depuis les années 80, ont dévié de leur mission initiale, et leur combat contre les FARC s’accompagne d’atrocités commises contres les civils, et leur lien avec l’exportation de cocaïne n’est plus à démontrer. Les "paras" sont accusés d’exproprier violemment des paysans colombiens de leur terres, qu’ils s’approprient par la suite. Alvaro Uribe a moyenné le retrait de "paras" contre des peines clémentes : d’où les révélations qui ont abouti en 2006 au scandale de la parapolitique. Accusé d’avoir reçu l’appui des paramilitaires pour obtenir son élection en 2002, Alvaro Uribe n’aura pas été le seul à avoir été impliqué dans le scandale des paramilitaires, mais c’est toute la classe dirigeante colombienne qui fut mise en cause. Son cousin, Mario Uribe, avec qui il a partagé les hauts et les bas de sa carrière politique, a été écroué, comme des dizaines de députés, qui, comme le président, sont accusés d’avoir eu recours aux paramilitaires pour faire pression sur l’électorat.
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