Américanisation du monde, histoire et perspective

par Martin Bernard
lundi 6 septembre 2021

L'américanisation du monde est un processus complexe, qui implique des guerres, mais aussi une diplomatie culturelle savamment conçue pour se répandre à travers le monde. Dans un long entretien, disponible en intégralité sur Youtube, Ludovic Tournès, professeur à l'université de Genève, résume tous les aspects de ce vaste projet civilisateur.

Un terrain de basket-ball dans la jungle des Philippines ; une statue de la liberté à Taïpei ; des camions livrant du Coca-Cola dans les rues de Lahore ; un campus Rockefeller à l'université de Lyon ; un McDonald's à Alexandrie : autant de signes de la dimension planétaire de l'empreinte états-unienne.

Dans un long entretien publié il y a quelques jours sur Youtube (ci-dessous), le professeur d'histoire internationale à l'université de Genève Ludovic Tournès détaille quels sont les mécanismes ayant conduit les Etats-Unis à se penser comme une "nation-monde", dont la vocation est de façonner la planète à leur image. Ainsi, "le processus d’américanisation est le fruit d’un nationalisme spécifique qui ignore la distinction entre le national et l’international et tente de créer une communauté illimitée à l’échelle de la planète".

Selon Ludovic Tournès, le processus d'américanisation fut aussi conduit à l'intérieur des frontière américaine, dans le but d'acculturer les populations d'immigrants débarquées dans le Nouveau Monde. Ce double processus, interne et externe, d'acculturation fonctionne de manière identique, à travers l'éducation et le cinéma, notamment.

L'américanisation, c'est aussi l'exportation de la culture matérielle états-unienne, de modes de production (fordisme et taylorisme) et de management d'entreprise, ainsi qu'une idée particulière de la démocratie libérale, dont la promotion souvent violente à travers le monde a été l'apanage des Etats-Unis depuis le début du 20e siècle.

Américanisation et philanthropie

A ces mécanismes s'ajoute l'action mondiale, parfois coordonnée, des grandes fondations philanthropiques américaines (Rockefeller, Carnegie, Ford, etc.), notamment dans la promotion de la santé et de programmes d'études universitaire (sociologie, études américaines, etc.). Ces fondtions sont des lieux de cristallisation de l’universalisme américain, qui a pour credo que ce qui est bon pour les États-Unis l’est aussi pour le monde.

Ainsi, le programme mondial et la philosophie de la fondation Rockefeller, exposés lors de la première réunion de son Board of Trustees, le 22 mai 1913, sont les suivants : apporter les lumières du progrès dans l’ensemble du monde et promouvoir l’organisation rationnelle de la société sur le modèle états-unien. Pour atteindre cet objectif, le soutien à la recherche et à l’enseignement supérieur est un moyen privilégié. Notons en passant que cet esprit missionnaire est, dès le début, en lien étroit avec les préoccupations du gouvernement américain en matière de politique étrangère.

L’action remarquable de la fondation Rockefeller dans le domaine de la santé et de l’hygiène est particulièrement révélatrice de cet état de fait. La fondation Rockefeller s’intéressa très tôt à la Chine, où elle financa dès le début du 20e siècle la création d’une faculté de médecine "destinée à former une élite de praticiens supposés permettre la pénétration […] de la médecine scientifique occidentale et la modernisation de la médecine locale jugée […] conservatrice et proche du charlatanisme."

Pour aller plus loin, lire : Ludovic Tournès, Américanisation, Une histoire mondiale (XVIIIe-XXIe siècle), Fayard, 2020.


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