Après les frégates de Taïwan, le scandale des Mirage 2000 de Taïwan....

par Philippe Vassé
vendredi 14 octobre 2011

Voici quelques mois, en avril 2011, l'Etat français et Thalès (ex-Thomson-CSF) ont payé ensemble 670 millions d'euros au Trésor Public en application de lu jugement, sévère, du Tribunal Arbitral International dans l'affaire, désormais célèbre autant que coûteuse, des frégates Lafayette, surnommées plus communément « frégates de Taïwan ».

Si le gouvernement français et les entreprises de l'armement pensaient avoir purgé les dettes, c'est raté.

Les autorités taïwanaises, encouragées par ce succès sans précédent dans les dossiers de contrats d'armement, continue. Et l'Etat français devrait encore payer beaucoup pour ne pas avoir poursuivi lui-même, et fait payer, les bénéficiaires français des rétro-commissions illégales dans ces contrats.

D'une procédure perdue, la France s'apprête à se défendre, les mains attachés dans le dos du fait de son secret-défense protégeant corrupteurs et corrompus, dans deux autres grosses affaires, perdantes à coup sûr.

BOA : le contrat de la plainte n° 2 de l'Etat taïwanais contre DCNI

Agissant comme au jeu des échecs coup par coup, chaque mouvement préparant et renforçant le suivant, l'Etat taïwanais avait donc ; peu après la réception des 670 millions d'euros, annoncé qu'elle poursuivrait la DCNI, donc derrière elle, l'Etat français pour des rétro-commissions et autres anomalies qui ne respectaient pas le contrat passé pour la fourniture des pièces détachées et la mise à jour des équipements militaire sur....les 6 frégates Lafayette de la marine de guerre taïwanaise !

Ce qui était à l'époque une annonce, passée presque inaperçue en France, est depuis hier devenue fait public officiel : Taïwan a donc officiellement déposé sa plainte n° 2 contre la DCNI.

Lien en anglais vers la presse de Taipei sur le sujet pour vérification des sources :

http://www.taipeitimes.com/News/taiwan/archives/2011/10/13/2003515637

En résumé, l'Etat français est menacé de devoir payer, avec ou à travers la DCNI ; des sommes fort importantes, en tout cas, au vu du dossier originel, dépassant les 100 millions d'euros.

Voilà qui tombe mal en cette période de crise de la dette publique de l'Etat. Mais, surtout, voià qui arrive au mauvais moment pour le candidat Nicolas Sarkozy et son parti, car le contrat BOA engage cette fois autant le gouvernement Balladur (1993-1995), que le gouvernement Jospin (1997-2002), ce dernier n'étant candidat à rien.

Et la procédure risque de s'intégrer dans le fil de l'année 2012, avec son flot de révélations de documents par les plaignants taïwanais qui veulent retrouver,légitimement, leur argent, celui des commissions interdites par le contrat et celui des rétro-commissions illégales.

Et ce n'est pas tout : le contrat BOA n'est qu'un simple plat d'entrée léger comparé à la procédure auquel les députés taïwanais ont donné leur feu vert, feu vert révélé hier par les médias du pays !!!

Le contrat des 60 Mirage 2000 : ses commissions interdites et ses rétro-commissions illégales (plainte n° 3)

Depuis quelques mois, le bruit courait dans Taipei et les milieux officiels taïwanais, mais il n'avait pas été confirmé jusqu'ici.

Le 12 octobre 2011, devant les députés taïwanais, et répondant à des questions des législateurs de la Commission de la Défense Nationale, le Ministre de la Défense de Taïwan lance une véritable bombe médiatique.

l'Etat taïwanais confirme aux députés sa décision définitive et irrévocable de poursuivre l'Etat français pour le versement occulte et interdit par contrat de commissions dans le contrat de fourniture par la France en 1996 de 60 Mirage 2000, ainsi que pour la pratique de rétro-commissions illégales.

Sources officielles en mandarin pour étude des sources :

http://www.bcc.com.tw/news/newsview.asp?cde=1609774

http://iservice.libertytimes.com.tw/liveNews/news.php?no=553801&type=%E6%94%BF%E6%B2%BB

Le Ministre ajoute que les documents prouvant les faits sont classifiés au sein de son Ministère, qu'il ne peut les révéler publiquemen à cette heure pour des raisons de sécurité nationale, mais qu'ils seront soumis à l'étude et à l'analyse des juges du Tribunal Arbitral International afin que la France rembourse le résultat de ses fraudes au détriment du Trésor Public national.

Donc, en résumé, c'est toute le contrat dit «  Tango » qui va être mis en lumière et disséqué par les juges internationaux.

Au jugé, des spécialistes que nous avons interrogés estiment que la France pourrait avoir à payer une somme globale allant de 750 millions de dollars à 1 milliard de dollars US !

Tout cela pour continuer, sous la République irréprochable promise par le Président Sarkozy, à protéger de son secret-défense des corrompus dont beaucoup en France sont identifiés et connus en haut lieu.

Quelques réflexions de conclusion provisoire

Ce dossier « Tango » est financièrement et politiquement plus explosif, surtout en surgissant en 2012 dans un climat électoral déjà chargé.

Visiblement, un gouvernement convaincu de ses intérêts les plus immédiats essaierait de désamorcer le dossier et de négocier avec Taipei. Mais, la raison sera-t-elle la plus forte à Paris, telle est une des questions qui peuvent être posées ?

De notre côté, nous avons recueilli pour cet article deux réactions de hauts responsables taïwanais sur ces affaires qui démarrent contre les finances de la France.

L'une est quelque peu teintée d'une fine ironie visant les dirigeants français de tous bords politiques :

«  Nous avons budgétisé 75 millions de dollars taïwanais pour l'affaire BOA. Mais, dans notre vote, nous avons indiqué pour la comptabilité publique qu'il s'agissait d'une simple avance de fonds pour nos frais d'avocats, car, comme pour les frégates, nous savons par avance que la France et DCNI paieront in fine ces débours. Tous les partis politiques présents au Parlement français ont bien voté le paiement de l'affaire des frégates, non ? N'est-ce pas une preuve de leur bonne conscience ? ».

La seconde est plus politique et dénote un certain agacement du côté taïwanais envers l'attitude qualifiée parfois «  d'arrogante » de certains responsables français :

«  Les dirigeants français se croient encore tout permis et estiment encore être intouchables. Pourtant, nous leur avons déjà fait payer 670 millions d'euros. Mais, ils s'entêtent dans leur mépris du monde entier, y compris des clients de leurs entreprises, mais aussi par le non-respect des accords passés. Nous avons dû intervenir auprès de Paris sur le cas d'un touriste taïwanais à qui, sans raison, la police avait refusé l'entrée en France dans le cadre de nos accords bilatéraux avec l'Union européenne, comme sur divers dossiers commerciaux ou relatifs à des citoyens de notre pays en France. Il est temps que les dirigeants français comprennent et intègrent le fait qu'ils ne sont plus les maîtres du monde et que les relations internationales saines se construisent sur des bases honnêtes et égales, non sur la corruption et sa protection, ou sur le déni des droits des autres peuples ».

Morale de l'histoire : les contribuables français vont encore devoir payer pour les fautes, errements et erreurs de leurs dirigeants de toutes couleurs politiques.

Ils pourraient aussi exiger auprès de leurs élus que les corrompus et fautifs dans ces affaires paient de leurs poches leurs propres turpitudes.

Ce serait en France une vraie nouveauté, mais très saine pour la démocratie et positive l'image mondiale très écornée par ces affaires du pays.

PS : il existe dans les placards de Taipei un autre dossier sensible pour la France : celui d'un très curieux contrat passé naguère entre AIRBUS- EADS et la compagnie d'Etat China Airlines. Nul ne sait, si dans la continuité des dossiers perdus et à perdre par l'Etat français, cette affaire ne sortira pas non plus des archives pour être exposée en pleine lumière médiatique et judiciaire. A suivre donc....


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