Attentats : après le recueillement, la réflexion

par Daniel Debrus
samedi 12 décembre 2015

Après les attentats de Paris, tout citoyen est en droit de se demander pourquoi des individus aussi lâches et abjects s'en prennent à des civils innocents.

 

AFGHANISTAN

 

Pour tenter de trouver une explication, il faut remonter 30 ans en arrière, fin des années 70, lorsque les Américains, avec Jimmy Carter et Brzezinski, armaient à coups de millions de dollars les moudjahidines en Afghanistan, ce qui provoqua l'invasion des Soviétiques en 1978. Ces derniers soutenaient le gouvernement communiste afghan de l'époque, en proie avec une révolution islamiste. Lorsque les Soviétiques se sont retirés en 1989, les talibans (fanatiques religieux regroupés sous la bannière d'Al Qaïda), après 6 ans de guerre, ont pris le pouvoir en 1996. Ben Laden faisait cette année-là son premier appel au jihad. La suite, on la connaît, l'assassinat du colonel Massoud le 9 septembre 2001, puis les attentats du World Trade Center le 11 septembre 2001. L'OTAN va entamer une longue guerre punitive contre les talibans et la France participera au conflit à partir de décembre 2001, sous l'autorité de Jacques Chirac. Les derniers soldats français quitteront l'Afghanistan fin 2014.

Bilan : 89 morts français. Après 14 ans de guerre, le gouvernement de Kaboul est toujours face à une insurrection des talibans toujours aussi actifs. Les Américains effectuent des frappes ciblées avec des drones et bien souvent ce sont des civils qui en font les frais.

 

IRAK

 

En 2003, c'est la guerre des États-Unis en Irak contre Saddham Hussein, à laquelle la France n'a pas participé. Une fois Saddham renversé, les Américains cherchent à le remplacer par un président chiite, en écartant du processus politique les sunnites, anciens dirigeants de l'Irak. Ceux-ci, ainsi que leurs soldats et leurs armes, s'unissent aux islamistes du nord du pays, dont le leader est Al Bagdadi. C'est là que reposent les fondements de l'état islamique (Daesh), qui voit le jour en octobre 2006. En effet, les musulmans extrémistes sunnites ou salafistes rêvent d'un califat (le dernier en date était l'empire ottoman qui s'est éteint en 1924), avec à sa tête un calife et où la loi islamique, la charia, est appliquée dans plus antique version médiévale. C'est ainsi que sont pratiqués couramment la décapitation, la flagellation, la lapidation, la crucifixion, l'amputation, l'esclavagisme. Ce n'est pas donc pas un hasard si le calife actuel de Daesh depuis juin 2014 est Al Bagdadi, cité précédemment.

Au final, l'Irak est en proie à la guerre civile permanente avec au nord, dans la région de Mossoul, l'EI (Daesh) et au sud, Bagdad et son gouvernement impuissant face à des attentats suicides quotidiens.

On a bien compris que l'ingérence et l'hégémonie américaine ont eu des effets désastreux en Afghanistan et en Irak. Les objectifs étaient surtout géostratégiques (face à la Russie) et économiques (l'attrait du pétrole et des richesses minières). Le résultat est la naissance du terrorisme islamiste avec l'émergence de deux mouvements : Al Qaïda et l'état islamique.

 

SYRIE

 

Tout comme en Libye en 2011, le conflit de Syrie voit s'affronter deux camps : le régime baassiste (république laïque socialiste) de Bachar el Assad, de confession alaouite-chiite, et plusieurs groupes islamistes de confession sunnite, rattachés à Al Qaïda, ainsi que l'ASL (Armée Syrienne Libre). Le leader d'Al Qaïda est Al Zaouahiri. Parmi ces groupes, le front Al Nosra, à propos duquel Laurent Fabius a déclaré en décembre 2012 : « Le front Al Nosra fait du bon boulot ». Effectivement, en matière de décapitation, attentats-suicides, utilisation d'armes chimiques, ils font du bon boulot !

Il faut révéler que le gouvernement français a soutenu financièrement et par des livraisons d'armes officiellement non létales la rébellion terroriste islamiste en Syrie.

En réalité, comme l'a avoué François Hollande devant les journalistes en août 2015, ces armes étaient en fait des armes lourdes. Il faut souligner que les armes étaient livrées en fraude, en raison de l'embargo de l'Union Européenne sur les armes, de 2011 à 2013. Le front Al Nosra était pourtant classifié par les États-Unis comme organisation terroriste. Le mensonge d’État de l'exécutif français n'a choqué apparemment personne.

Il s'avère que ces groupes terroristes sont aussi financés et armés par le Qatar, l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, qui ont tout intérêt à faire tomber Bachar El Assad, pour des raisons économiques. Le Qatar, producteur de gaz, rêve d'un gazoduc qui passerait par la Jordanie, la Syrie, la Turquie, pour alimenter l'Europe et ainsi concurrencer le gaz russe.

Le chaos ainsi créé afin de déstabiliser le gouvernement syrien a permis à l'état islamique de s'étendre en Syrie, à partir de l'Irak voisin. Mais Al Qaïda et Daesh ne s'entendent pas et les groupes de Syrie voient d'un mauvais œil l'implantation de Daesh en Syrie.

François Hollande et ses ministres ont décidé de réaliser des frappes aériennes avec la coalition internationale dès septembre 2014 en Irak (opération Chammal) et en Syrie à partir du 27 septembre 2015. Ces décisions ont été prises à la hâte pour asseoir le leadership de la France sur la scène internationale, d'une part, et faute de réussir en politique intérieure, essayer de briller en politique extérieure, d'autre part.

Le problème, c'est qu'il ne faut jamais sous-estimer l'ennemi, et que depuis les attentats de Charlie Hebdo, la menace était avérée et permanente, et rien n'a été fait pour protéger les citoyens français. Aucun contrôle aux frontières, aucune communication de renseignements avec les services étrangers (surtout belges), bref les conditions idéales pour des terroristes, qui pour certains étaient sous le coup d'un mandat d'arrêt international, mais qui circulaient allégrement jusqu'en Syrie.

Ces fanatiques religieux sont enrôlés, utilisés comme des robots pour faire le jihad, la guerre sainte, qui consiste à tuer les infidèles, les mécréants, une sorte d'inquisition version islamique.

L'amateurisme du gouvernement français devient flagrant lorsqu'on observe que Poutine, présenté naguère comme un « indésirable » et Bachar el Assad comme « le grand méchant loup » deviennent soudain des partenaires dans la lutte contre Daesh.

 

QUELLES SOLUTIONS ?

 

Certainement pas l'état d'urgence, qui présente un risque de dérive vers un État totalitaire et policier et qui s’accommode bien d'une interdiction de manifestations des citoyens et des syndicats.

Pas non plus les bombardements aveugles qui risquent de faire beaucoup de morts parmi les populations civiles locales opprimées par les jihadistes.

Laissons faire l'intervention coordonnée des russes par la voie aérienne et de l'armée syrienne au sol, qui défend légitimement sa souveraineté.

Pour la France, la solution passe par des contrôles accrus aux frontières, autorisés par une loi d'exception, démanteler le trafic d'armes, coordonner les services de renseignements au niveau international et surtout arrêter de jouer les apprentis sorciers en finançant des rebelles pas très recommandables pour déstabiliser des états souverains, qui constituent un rempart contre l'islamisme radical.

Il faut aussi fermer tous les sites internets faisant l'apologie de terrorisme et s'intéresser de très près à ce qui est prêché par certains imams salafistes intégristes dans les mosquées.

Enfin étant donné l'usage territorial de Daesh, il faut lui couper les vivres, c'est-à-dire l'empêcher de piller et vendre le pétrole d'Irak et de Syrie ainsi que le coton, geler les comptes bancaires, empêcher les transactions financières et faire pression sur les états ainsi que les entreprises qui aident l'état islamique à écouler ses produits.

Pour cela, une collaboration accrue avec la Turquie est envisageable car ce pays est le passage obligé entre le Moyen-Orient et l'Europe. Encore faut-il voir jusqu'où est prêt à aller le gouvernement d'Erdoggan sur le dossier syrien, kurde et irakien.


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