Attentats de Damas : Un diagnostic rapide

par volt
mercredi 21 mars 2012

Ça a commencé en Janvier… Cela a été suivi par deux ou trois autres bombes. D’abord Damas. Puis Alep la capitale économique. Évidemment tout le monde condamne, même et surtout les capitales occidentales.

Oh les méchants, que c’est pas joli, que c’est mauvais, etc. - On connaît la chanson.

Il faut d’abord relever qu’à l’exception d’une bombe mineure près d’une mosquée, tous les autres attentats perpétrés en Syrie prennent pour cible des centres névralgiques des RG syriens. Cette institution que sont les RG syriens - aux embranchements si divers… - est à proprement parler une des grandes horreurs du vingtième siècle. Un véritable héritage stalinien comme on ne saurait le décrire, une chose d’un autre temps, la pure marque de fabrique du vieux.

Grâce aux bonnes œuvres de ces gens-là, on pouvait disparaître, à jamais, sur simple dénonciation. Nulle propagande à conter qu’on y torture vraiment des enfants, je ne déclinerai pas ici la longue liste des sévices corporels et psychologiques qu’on peut y subir avant une mort souvent certaine, les pires films d’horreur n’y suffiraient pas, mais ce n’est pas le propos.

Aucun doute qu’à chaque fois qu’un pétard explose à la face de ces gens-là, ce n’est pas seulement l’opposition syrienne qui jubile, c’est carrément le peuple syrien tout entier, et même peut-être les partisans de Bachar… Car il ne croit pas si bien dire, l’ophtalmo un peu myope de service, lorsqu’il déclare sur CBS, provoquant le fou rire planétaire : « Yes, but these are not my troops… ».

Il est connu qu’au moment de l’ « héritage » (la "politique" dans ces contrées joviales étant d’abord question de sperme n’est-ce pas), il est connu que l’un des problèmes majeurs de notre jeune docteur était de contrôler ces gens-là… On raconte même qu’il confiait : « Je dispose d’une très vieille machine toute rouillée qu’il va me falloir bien du temps pour plier…  ».

De soi-disant mails internes révélés par les médias occidentaux prétendent que les Iraniens auraient demandé aux syros de pas trop chantonner qu’Al-Qaeda serait derrière ces attentats... Le cocasse de la situation était tel au début de l’année qu’on a failli voir s’aligner, face à Damas, un axe où Al-Zawahirî et Obama partageraient sur la même couche leur downut matinal…

Je prends beaucoup de risques à écrire ces lignes ici, sur Agoravox, où des gens parfois peu informés mais soucieux de ne pas perdre la face se battent mordicus à défendre Bachar, en posant une équation complètement tronquée :

D’un côté donc, il y a ce bon papa Bachar, et de l’autre ces salauds de l’ALS qui ne sont que des sous-agents qataris, de méchants wahhabites terroristes surarmés en mal de sensations fortes, etc. Cela est tellement désolant que je n’ai jamais pris la peine de répondre - car c’est comme demander la résolution d’un problème de maths dont on nous cacherait la plupart des données de départ : Le PEUPLE SYRIEN. Et je viens de nommer l’Otage… tous ces millions de gens désormais pris en tenailles entre le régime du moustachu qui s’accroche mordicus et les dissidents de l’armée qui ramassent et achètent leurs armes où ils peuvent en déclarant vouloir défendre les manifestants.

Il faut en tout cas savoir que la plupart des brigades syriennes sont maintenues en caserne, désarmées et sans réels moyens d’information, vu que le régime sait bien à quoi s’en tenir avec ses quarante ans de fête… Ainsi la seule annonce d’un envoi en mission est souvent une grande joie silencieuse pour certains officiers et soldats parce qu’elle signifie la possibilité de la désertion... les armes à la main.

Mais revenons au propos d’entrée : Ces attentats… Je ne suis pas sûr que les membres de l’ALS soient capables de ces bombes. Non que l’envie leur en manque, loin de là, mais les zones où ces bombes ont explosé sont tellement et si bien quadrillés par les RG locaux qu’ils demeurent complètement inaccessibles à l’ALS sous toutes ses formes, c’est absolument certain.

Cela signifie surtout qu’à chaque fois qu’une de ces bombes explose devant un centre des RG syriens, la peur s’installe et prend à la gorge le moindre fonctionnaire de ce régime débordant de fraîcheur. Une vraie peur panique... Parce que l’intérêt premier de ces attentats n’est sûrement pas de comptabiliser tant ou tant de morts dans le camp visé, pas du tout :

C’est bien de dire que si des bombes explosent si près de votre « tête pensante » et de ceux qui sont supposés contrôler la situation sur le terrain, alors c’est sûrement, certainement, que vous êtes totalement pénétrés, de l’intérieur… que l’ennemi est maintenant bel et bien installé dedans, avec des taupes par centaines, bref tout un système, et que donc vos RG sont déjà un doux souvenir…

Le but de ces attentats n’est donc rien moins que de semer là une inquiétude définitive et surtout mortifère au sein même du vieux système. Et ce but, au bout de la demi-douzaine de « touchés-coulés » déjà perpétrés est certainement atteint. Mauvaise nouvelle donc à la fois pour Paris et New York, dont l’objectif – pas d’illusions là-dessus – est bien le maintien de Bachar comme dernier rempart contre des républiques islamiques dont on aura déjà goûté déjà une bonne dose en 2011.

Au fond, si l’on interroge n’importe lequel des nombreux jeunes syriens réfugiés à Beyrouth ou en Turquie sur la question de sauver Bachar ou pas, il lui laisserait facilement la vie… Quelque part, il est toujours aimé, même de ses opposants ; mais là où ils seront tous intransigeants c’est sur les "Services"... Là, ce n’est même pas un procès : La mort immédiate, la destruction définitive – car pas une famille de Syrie, en quarante ans de terreur continue, qui n’ait pas eu à être amputée directement par ces gens-là ; la crème des artistes et des intellectuels de Syrie a été décapitée, sur des décennies, par des rats…

Mais ce n’est pas du fait que physiquement ils se sont pris un pétard qu’ils sont en train de mourir, non : Ces attentats ont déjà à cent pour cent atteint leur objectif, du simple d’exploser où ils ont explosé. Car leur message de fond est bien : Vous n’êtes plus rien. You’re done, you’re finished. Game over… 

A qui d’autre s’adresse le message (car c’est d’abord d’un « échange de mails » un peu violent qu’il s’agit) ? Bien sûr à tous les soutiens de Bachar, et en premier lieu l’ami Vladimir : Ton protégé ne tient plus la situation en main malgré les apparences, en voilà quelques preuves successives et directes là où tu penses… Alors ? T’as une solution en vue ?

En conclusion, je ne pense pas que les pays du golfe, trop engagés dans le discours, aient le moindre intérêt à ternir si ouvertement leur image déjà bien secouée, ni que les occidentaux ou encore l’ALS soient capables de frapper de si près ces centres névralgiques.

L’hypothèse que ces RG ne sont plus qu’un gruyère certainement divisé et noyauté jusqu’à la moelle ne saurait plus être écartée. Si c’est une mauvaise nouvelle politiquement je n’en sais rien, et ne saurait en décider. Mais pour la Société Syrienne – et quels que soient les développements ultérieurs… C’est du Soleil.

(PS : On me permettra d’être plus ou moins absent sinon très évasif du côté « comment taire » – je n’ai aucune envie de polémique, et il me faut prendre souci de ne pas trop érafler les vernis protecteurs de certaines illusions encore vivaces dans les parages).

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