Au Maroc, une croissance fragile

par Ben Slimane Mohamed Réda
mercredi 22 septembre 2010

Le Maroc affiche une croissance de 5% par an depuis une demi-douzaine d’années. Le modèle économique marocain, cité en exemple par les institutions internationales montre toutefois des limites au niveau macro-économique et social. Plus que des réformes partielles, « des réparations » comme on dit, ce sont désormais des réformes politiquement sensibles et risquées qui sont nécessaires pour une continuation d’une croissance forte et redistributive.

Au Maroc, on se plait à citer le réseau autoroutier, allant du nord à Agadir, et bientôt d’ouest en est comme un exemple de ce qui a été accompli au cours des 10 dernières années. Force est de constater que plus que cela a été fait. Le nombre de touristes a été multiplié par deux, le taux de pauvreté a fortement baissé de même que le taux de chômage (de 14 à 9%), la dette publique a baissé, les investissements étatiques sont parallèlement à un niveau jamais atteint, l’économie non-agricole n’a pas connu de récession en 2008-2010, lors de la grande dépression. Toutefois, ce modèle commence à montrer quelques limites inquiétantes au niveau économique.
 
D’un côté, les investissements dépassent l’épargne disponible depuis maintenant trois ans, et la situation n’est pas sur le point de s’inverser. Cette situation créé une tension sur les liquidités bancaires très forte, obligeant la banque centrale à servir constamment aux banques commerciales des liquidités et réglementairement à baisser les taux de réserves monétaires obligatoires de 18% à 6% en deux ans. Cette situation est sans conséquence sur le court terme puisque les prêts des banques sont remboursés dans le cadre d’une activité florissante. Elle rend toutefois le système financier extrêmement fragile à tout ralentissement macro-économique puisque les réserves sensées assurer les liquidités bancaires en cas de non-paiement des emprunts sont faibles. Je vous laisse imaginer le scenario d’une crise de liquidités bancaires tel qu’il est bien connu...
 
De l’autre, dans le cadre d’un taux de change contrôlé, les réserves en devises du pays sont seules à même d’assurer les fonds nécessaires au financement des biens et services achetées à l’étranger. La balance des biens est toutefois tellement déficitaire, que le tourisme et le retour de capitaux des migrants ne sont pas suffisants pour combler le manque à gagner. Les IDE ou les emprunts à l’étranger sont donc nécessaires, or les IDE sont en baisse. Il reste donc la solution des emprunts à l’étranger, solution qui ne peut être viable sur le long terme, mais qui a dores et déjà été appliquée par la future émission d’un emprunt étatique à l’étranger.
 
Enfin, la subvention de produits de base, pétroliers surtout, provoque une explosion des dépenses de l’Etat dès que les prix de l’énergie augmentent au niveau international, ce qui est le cas cette année. Le pays ne dispose toutefois pas des réserves fiscales en termes de niches improductives afin de couvrir ce trou comme en 2007-2008.
 
Le pays se trouve donc face à trois dangers majeures, une crise de liquidités, une crise de la balance extérieure et une crise du budget étatique.
 
Le développement des exportations industrielles pour les rentrées en devises, la réforme des subventions étatiques énergétiques pour le budget de l’Etat et la hausse des taux d’intérêt et une hausse progressive des réserves des taux de réserves des banques est donc un impératif sur le court terme pour éviter de se trouver dans un scenario de crise grave, or toutes ces réformes sont risquées politiquement et économiquement..
 
Des réformes simples pourraient pourtant être mis en place sans grand risque d’explosion sociale. Ainsi, les forts investissements en infrastructure pourraient être réduits au profit de subvention à l’équipement industriel pour le développement des exportations, la subvention pétrolière et gazière pourrait être variable, vers les transports professionnels et communs au niveau pétrolier et les zones défavorisées pour le gaz, les règles prudentielles des banques devraient devenir légèrement plus strictes afin de limiter le taux d’investissement, avec en surplus une hausse progressive du taux d’intérêt et du taux de réserves liquides obligatoires jusqu’à un retour à l’quilibre épargne/investissement. Le problème est que ces réformes sont vues comme des vecteurs de risques politiques et/ou sociaux par un régime connu pour sa prudence. Le grand risque est pourtant de ne pas agir suffisamment sur ces trois fragilités.

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