Au Nigeria, le massacre des chrétiens continue
par Fergus
mercredi 8 juin 2022
Entre les élections législatives, dont la campagne se déroule pourtant à bas bruit, et la poursuite de la guerre impérialiste que mènent les Russes en Ukraine, les évènements qui se passent au Nigeria sont peu relayés par les médias français. Le dimanche 5 juin, des dizaines de chrétiens réunis dans une église ont été tués, probablement par un commando islamiste lors d’une nouvelle attaque à caractère génocidaire...
Outre la perspective des élections législatives et la poursuite des combats dans le Donbass, le week-end de la Pentecôte a été très largement dominé dans les médias français par deux évènements jugés d’intérêt planétaire par les diffuseurs : le Jubilé de platine de la reine Elisabeth II et la 14e victoire de Rafael Nadal au tournoi de tennis de Roland-Garros. À de rares exceptions près, peu de reportages ont en effet été consacrés à l’effroyable carnage qui s’est déroulé durant la messe de la Pentecôte dans l’église Saint-Francis d’Owo (État d’Ondo), une petite ville située à 300 kilomètres au sud-est de Lagos.
On a pourtant dénombré, affirment l’agence Reuters et les médias nigérians, une cinquantaine de morts et des dizaines de blessés, y compris des vieillards, des femmes et des enfants, lors de cette attaque terroriste commise par cinq hommes à l’explosif et au fusil d’assaut. Une véritable boucherie qui n’a pas manqué d’horrifier la population de cette localité jusque-là peu touchée par les crimes perpétrés depuis une douzaines d’années au Nigeria, notamment à l’encontre des chrétiens. Car il fait peu de doute que c’est pour des motifs religieux que les fidèles de ce diocèse ont été ciblés et méthodiquement abattus par les tueurs.
En l’état actuel des informations dont on dispose, il est impossible de savoir si les auteurs de cet odieux crime de masse étaient : des Peuls musulmans armés et fanatisés ; des activistes du mouvement islamiste Boko Haram, lequel impose la charia dans le nord du pays et a clairement pour objectif de l’étendre progressivement aux autres régions du territoire nigérian, y compris dans celles où vit une majorité de chrétiens ; ou bien encore des dissidents appartenant au mouvement salafiste Iswap (État islamique en Afrique de l’Ouest). Eu égard aux personnes visées et au lieu du crime, le caractère génocidaire de ce monstrueux attentat commis contre de paisibles chrétiens semble en tout état de cause avéré, même si la volonté de mainmise des Peuls (musulmans) sur les possessions agricoles et pastorales (chrétiennes) de la Middle Belt et du sud ne sont probablement pas totalement étrangères à la commission de ces crimes.
Cet attentat marque l’échec total de la politique sécuritaire du président Muhammadu Buhari. Rappelons que cet ancien général est arrivé au pouvoir en 2015 grâce notamment à sa volonté affichée d’en finir « dans les 6 mois » avec « l’hydre terroriste » qui ensanglantait régulièrement le Nigéria. Non seulement le président n’a pas éradiqué le terrorisme, mais jamais les actes criminels – lapidations, exécutions sommaires, tueries de masse – commis contre les populations, notamment chrétiennes, n’ont été aussi nombreux. Au point que l’on estime que ces années noires ont causé la mort de 35 à 40 000 personnes et entraîné le déplacement de près de 2 millions de personnes fuyant principalement les zones soumises aux islamistes.
« Ce qu’il s’est passé à Owo révèle l’impunité dont jouissent les bandits armés qui se déchaînent à travers le pays », a déclaré le 6 juin Osai Ojhigo, la présidente nigériane d’Amnesty International. « Cet évènement tragique devrait être un déclic pour les autorités », a ajouté la porte-parole de l’ONG. Sera-t-elle entendue ? C’est malheureusement peu probable si l’on se réfère à l’incurie des années de pouvoir de Muhammadu Buhari.
Le fait que le président nigérian et les principaux chefs de l’État-major soient des Peuls est-il, comme le suggère Bernard-Henri Lévy à l’instar d’autres observateurs, une explication de la pusillanimité du pouvoir en place, complaisant avec les puissants – y compris les bandes armées peules et les Islamistes de Boko Haram dont Buhari a naguère soutenu la volonté de promouvoir la charia – et indifférent au sort des faibles ? Si tel est le cas, le pire est à craindre dans les prochains mois : le velléitaire président nigérian est en place jusqu’en 2023 et se contentera, comme toujours, d'exprimer sa compassion horrifiée !